Fin de vie

Euthanasie: débat clivé et bataille d'amendements à l'Assemblée

  • Publié le 8 avril 2021 à 06:09
  • Actualisé le 8 avril 2021 à 10:25

"Ultime liberté" contre "transgression majeure": l'Assemblée nationale rouvre jeudi un débat passionnel sur l'euthanasie, qui risque toutefois de ne pas aller à son terme faute de temps face à un barrage de milliers d'amendements.

La proposition de loi du député Olivier Falorni ouvrant un droit à "une fin de vie libre et choisie" divise tous les groupes, qui laissent d'ailleurs leurs élus s'exprimer en conscience. "Evidemment c?est une question difficile, philosophiquement, ontologiquement. Il n?y a pas de réponse qui soit facile", reconnaît le socialiste Boris Vallaud.

Le texte est présenté en première lecture dans le cadre d'une journée réservée au groupe Libertés et Territoires de M. Falorni, défenseur de longue date d'un droit à l'euthanasie pour les personnes souffrant d'une maladie incurable. Il ouvrirait le possible recours à une "assistance médicalisée active à mourir" pour toute personne "capable et majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable", ne pouvant être "apaisée" ou jugée par elle "insupportable". "Les Français sont prêts, ils attendent cette grande loi de liberté" assure M. Falorni, qui s'est inspiré de plusieurs exemples étrangers, en particulier la Belgique.

Signe du large écho de sa cause au Palais Bourbon, M. Falorni a reçu l'appui de quelque 270 députés de tous bords, pas loin de la majorité absolue, dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche. Parmi ses soutiens, les présidents de quatre groupes parlementaires: Jean-Luc Mélenchon (LFI), Valérie Rabault (PS), Olivier Becht (Agir) et Bertrand Pancher (Libertés et territoires).

es adversaires entendent toutefois contrer son adoption dans le temps contraint des "niches" parlementaires - couperet à minuit - avec une avalanche d'amendements, plus de 3.000, dont 2.300 émanant d'une poignée de députés LR. Une "obstruction" dénoncée à cor et à cri par les partisans de M. Falorni, auxquels ces opposants répondent par le "droit imprescriptible" de tout parlementaire à déposer des amendements. Difficulté de temps supplémentaire: l'examen de ce texte ne débutera qu'après un autre portant sur les langues régionales.

- "Dépénalisation"-

Manoeuvre pour manoeuvre, 227 partisans de l'euthanasie ont déposé un amendement de tête, qui sera discuté en premier, garantissant le coeur du dispositif : "l'assistance médicalisée active à mourir". Son adoption leur offrirait une victoire symbolique, à défaut de pouvoir faire passer le reste du texte, et mettrait la pression sur un gouvernement très tiède sur ce sujet.

De nombreux parlementaires déplorent toutefois qu'un tel thème de société vienne d'un groupe d'opposition minoritaire - 18 députés d'obédiences diverses - plutôt que d'un projet gouvernemental, étude d'impact et avis du Comité d'éthique à l'appui. Le lourd contexte de la crise sanitaire est aussi jugé peu propice par certains. La députée et présidente du RN Marine Le Pen estime "indécent" de rouvrir ce débat au moment où "nous nous battons pour sauver des vies".

Les parlementaires hostiles font valoir qu'il conviendrait d'abord de mieux appliquer la loi Claeys-Leonetti actuelle, qui prévoit une sédation profonde et continue pouvant mener à la mort, mais sans euthanasie active. Cinq ans après son adoption, 26 départements français ne disposent toujours pas d'une unité de soins palliatifs, déplorent-ils.

Sur le fond, "inscrire dans la loi que donner la mort deviendrait une sorte de solution thérapeutique ultime nous choque", ont écrit des députés LR auteurs de nombreux amendements, emmenés par Xavier Breton. Ils ont un appui de poids en la personne de Jean Leonetti, co-auteur de la loi actuelle, qui voit dans l'euthanasie active une "transgression majeure". "On est dans une dépénalisation de ce que juridiquement, on appelle un homicide", a-t-il déclaré à l'AFP.

Des voix célèbres se sont élevées dans les deux camps: la chanteuse et comédienne Line Renaud pour appuyer "un progrès essentiel", l'écrivain Michel Houellebecq pour estimer qu'avec cette loi, la France perdrait "tout droit au respect".

Le gouvernement s'est jusqu'à présent montré peu enclin à légiférer. Emmanuel Macron n'avait pas pris d'engagement en 2017, hormis indiquer qu'il préfèrerait personnellement choisir sa fin de vie. Son ministre de la Santé Olivier Véran veut mieux faire connaître la loi actuelle.

Interrogé mercredi au Sénat, le secrétaire d'Etat Adrien Taquet est resté évasif: "Les consultations, les contributions de la part d'experts doivent encore être poursuivies" en vue d'un "débat éclairé", a-t-il dit.

AFP

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