Syrie

Bachar al-Assad, un autocrate froid et sans remords

  • Publié le 28 mai 2021 à 02:41
  • Actualisé le 28 mai 2021 à 05:50

Le président syrien Bachar al-Assad, réélu sans surprise pour un quatrième mandat, est un autocrate froid et endurci par le conflit qui déchire son pays depuis plus de dix ans, le plus meurtrier depuis le début de ce siècle.

Lors de réunions officielles, d'entretiens ou de visites sur le front, l'homme à l'apparence timide âgé de 55 ans s'exprime souvent sur un ton calme mais ferme, ponctué de pauses et de sourires timorés. Même au pic de la guerre civile, il est resté imperturbable, convaincu de sa capacité à écraser une rébellion qu'il dénonce comme étant "terroriste" et le produit d'"un complot" ourdi par des pays ennemis pour le renverser.

Sa victoire à la présidentielle de mercredi, scrutin largement critiqué par les pays occidentaux, constitue un nouveau revers pour l'opposition. M. Assad a été réélu pour un mandat de sept ans avec 95,1% des voix, a annoncé jeudi le chef du Parlement.

Avec sa campagne intitulée "L'espoir par le travail", M. Assad a voulu s'imposer comme l'unique architecte d'une reconstruction dont le pays a désespérément besoin.
"Bachar al-Assad est une personnalité unique et complexe. A chaque fois que je le rencontrais, il était calme, même dans les moments les plus critiques et difficiles de la guerre", affirme un journaliste sous couvert d'anonymat.

"Ce sont exactement les caractéristiques de son père," Hafez al-Assad, qui a dirigé la Syrie d'une main de fer durant 30 ans, ajoute-t-il.
Bachar al-Assad "a réussi à se rendre indispensable. En politique, il est important de savoir comment rebattre les cartes et il a su maîtriser le jeu", poursuit le journaliste.

- Pas de concession -

Ancien ophtalmologue formé au Royaume-Uni, Bachar al-Assad a vu son destin bifurquer à la suite de la mort en 1994 du "dauphin" Bassel, son frère aîné, tué dans un accident de la route à Damas. Il est alors contraint de quitter Londres où il avait rencontré son épouse Asma, une Syro-Britannique qui travaillait à la City pour JP Morgan. Il suit un cursus militaire avant d'être initié aux dossiers politiques par son père.

A la mort de Hafez al-Assad en 2000, il lui succède à l'issue d'un référendum et sera reconduit en 2007. Alors âgé de seulement 34 ans, il incarne une figure de réformateur, prompt à enclencher une libéralisation économique et une relative ouverture politique. Il commence par injecter timidement une dose de liberté, mais le "Printemps de Damas" sera de courte durée. Les opposants seront rapidement bâillonnés et emprisonnés.

Quant à l'ouverture économique, elle voit l'émergence d'une garde rapprochée s'accaparant les richesses et creusant ainsi les inégalités sociales. Quand, dans le sillage du Printemps arabe, la révolte gronde dans son pays en mars 2011, il la réprime sans pitié, catalysant une militarisation du soulèvement qui mue en conflit armé. En plus de dix ans de guerre ayant fait plus 388.000 morts, il ne fait pas de concession sur le partage du pouvoir, confirmant son caractère intraitable.

- Complets bien coupés -

Physiquement, Bachar al-Assad ne correspond pourtant pas à l'image traditionnelle du dictateur. Rarement vêtu d'un uniforme militaire, il préfère les complets bien coupés, les cravates sobres et ressemble plutôt à un cadre supérieur.

Père de deux garçons et d'une fille, il n'a pas beaucoup changé ses habitudes quotidiennes durant la guerre, selon ses proches. Il "suit parfois lui-même les leçons de ses enfants, et insiste pour une relation directe avec eux", affirme le journaliste l'ayant maintes fois rencontré. A la faveur du soutien de ses parrains iranien et russe, il a réussi à reconquérir les deux tiers du territoire.

Sur le plan interne, grâce à sa "persévérance et sa rigueur", il a réussi à "monopoliser les pouvoirs décisionnels et à garantir le soutien total de l'armée", explique un chercheur à Damas.
Désormais, il cherche à renvoyer l'image d'un homme d'Etat moderne, travailleur et projeté vers l'avenir.

Des photos le montrent travaillant dans son bureau, participant à une campagne de reboisement, visitant une usine ou encore posant avec des soldats en première ligne. "Assad est sur le point d'être l'ancien et le prochain président de la Syrie", résume Nicholas Heras du Newlines Institute à Washington. Il fait tout, ainsi que ses alliés, "pour imposer cette réalité".

AFP

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