Covid-19

Pass sanitaire : les professionnels de santé cristallisent la colère

  • Publié le 6 août 2021 à 19:15
  • Actualisé le 6 août 2021 à 19:37

Pharmaciens pris à partie, centres de vaccination et chapiteau de dépistage vandalisés, officine incendiée... Applaudis lors du premier confinement, les professionnels de santé sont désormais des cibles de la grogne contre le pass sanitaire.

Pour la sociologue Deborah Ridel, ces professions se retrouvent cette fois encore en première ligne, cristallisant une colère visant au premier chef un État "inatteignable".

Mesure emblématique et controversée de la loi visant à contrer la flambée de l'épidémie de Covid-19, promulguée vendredi quelques heures après que le Conseil constitutionnel l'a en grande partie validée, le pass sanitaire (vaccination totale, test Covid-19 négatif ou certificat de rétablissement) va être étendu, notamment aux cafés, restaurants, avions, trains, autocars pour les longs trajets.

Le dispositif est contesté par des Français anti-pass ou anti-vaccination qui ont lancé de nouveaux appels à manifester ce samedi, après déjà trois journées de mobilisation dont la dernière, le 31 juillet, a rassemblé plus de 200.000 personnes à travers la France selon le ministère de l'Intérieur.

Ce jour-là à Montpellier, des manifestants traitent de "collabo" et d'"assassin" un pharmacien réalisant des tests dans la rue, comme le montrent des images tournées par le quotidien régional Midi libre. La nuit suivante, une pharmacie est incendiée à Fort-de-France. Dans la nuit du 17 au 18 juillet, un incendie volontaire détruit un chapiteau accueillant un centre de vaccination contre le Covid-19 de la commune d'Urrugne (Pyrénées-Atlantiques). La veille, un centre de vaccination avait été vandalisé à Lans-en-Vercors (Isère) et des inscriptions anti-vaccins taguées sur le bâtiment.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les locaux de l'Ordre des infirmiers à Toulouse ont été vandalisés, avec notamment des tags anti-pass sanitaire.

- Violences et intimidations -

Le 31 juillet, un "déchaînement soudain de violence s'est exprimé" à l'encontre des pharmaciens, dénoncent d'une même voix l'Ordre national des pharmaciens et les syndicats FSPF (Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France), USPO (Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine) et l'ANEPF (l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France).

L'Ordre des médecins a condamné des "actes de violence et d'intimidation" contre "des médecins, des pharmaciens, d'autres professionnels de santé, et des personnels d'établissements ou de centres de vaccination".

Pharmacies et centres de vaccination symbolisent le pass sanitaire, qui va désormais être obligatoire pour accéder à un grand nombre d'activités, ce qui risque d'engendrer de nouvelles tensions, selon leurs représentants professionnels.

Lors des manifestations, marquées aussi par des violences contre les forces de l'ordre ou les journalistes, le ministère de l'Intérieur a assuré qu'"une attention peut être apportée par le préfet lorsque les pharmacies se retrouvent sur le chemin du cortège".

Pour Deborah Ridel, doctorante en sociologie à l'université de Lille qui a étudié les violences commises dans les services d'urgence, "les soignants de première ligne (et a fortiori à l'hôpital public) sont, aux yeux d'une grande partie de la population, les représentants - en tant qu'interlocuteurs visibles - d'un État impersonnel et inatteignable".

"Il y a dans ces formes de contestation quelque chose d'assez semblable aux revendications des gilets jaunes qui contestent un gouvernement trop éloigné de leurs considérations", estime cette chercheuse.

De nombreux gilets jaunes figurent dans les rangs des manifestants. Une de leurs figures emblématiques, Jérôme Rodrigues, éborgné en 2019 par un tir de grenade lors d'une manifestation, participait jeudi au rassemblement de quelques centaines de personnes devant les grilles du Conseil constitutionnel à Paris.

Le dernier rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé fait état de 20.330 "atteintes aux personnes" en 2018, soit avant la crise sanitaire. La plupart des victimes sont des soignants (77%), tandis que la majorité des auteurs de violence sont des patients (71%).

 AFP

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