Nouveau gouvernement

Afghanistan : des manifestations annulées après l'interdiction des talibans

  • Publié le 9 septembre 2021 à 15:07
  • Actualisé le 9 septembre 2021 à 16:43

Plusieurs manifestations en faveur des libertés ont été annulées jeudi à Kaboul après avoir été interdites par le nouveau gouvernement des talibans, qui tente d'asseoir son pouvoir fondamentaliste sous l'oeil inquiet des Occidentaux.

Ces derniers jours, plusieurs rassemblements de centaines de personnes pour la défense des libertés ont été dispersés par des combattants armés talibans, notamment dans la capitale Kaboul, à Mazar-i-Sharif (Nord), Faizabad (Nord-Est) et Hérat (Ouest) où deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par balle.

Mercredi soir, le nouveau gouvernement taliban, nommé la veille, a donné un tour de vis pour éteindre la contestation en publiant un ordre stipulant que tout rassemblement devra désormais être autorisé en avance par le ministère de la Justice et qu'aucun ne l'était pour l'heure. Lors des ces rassemblements, les talibans ont frappé ou arrêté des dizaines de personnes, manifestants et journalistes notamment, qu'ils ont parfois tabassés.

Jeudi matin, on remarquait dans les rues de Kaboul bien plus de combattants talibans armés que les jours précédents, dont des forces spéciales avec leurs treillis militaires, à des coins de rues et sur les barrages contrôlant le trafic sur les grandes artères.

A Kaboul, l'organisateur d'une manifestation prévue dans la matinée devant l'ambassade du Pakistan, un pays très proche des talibans et accusé par une partie de la population afghane de les téléguider, a indiqué à l'AFP l'avoir finalement annulée à cause du nouveau règlement.

Mardi, les talibans avaient tiré en l'air pour disperser une manifestation organisée au même endroit. Dans un autre quartier de la ville, l'AFP n'a vu personne sur le lieu d'une autre manifestation prévue dans la matinée.

- Promesses d'ouverture -

Les talibans ont annoncé leur gouvernement de transition à quelques jours du 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, perpétrés par Al-Qaïda, déclencheurs d'une intervention internationale menée par Washington qui les a renversés et plongés dans 20 ans de rébellion.

Malgré les promesses d'ouverture des talibans, il est surtout composé de cadres ultra-conservateurs de la génération qui avait imposé un régime rigoriste et brutal entre 1996 et 2001, dont quatre passés par la prison américaine de Guantanamo, et ne comporte aucune femme. Plusieurs des nouveaux ministres figurent sur des listes de sanction de l'ONU.

Sirajuddin Haqqani, dirigeant du réseau éponyme, qualifié de terroriste par Washington et historiquement proche d'Al-Qaïda, a notamment été nommé ministre de l'Intérieur.

Le ministère de la Défense a été confié au mollah Yaqoub, fils du mollah Omar, fondateur du mouvement des talibans. Le gouvernement est dirigé par Mohammad Hassan Akhund, ex-ministre entre 1996 et 2001, assisté notamment d'Abdul Ghani Baradar, co-fondateur des talibans. Il doit maintenant s'atteler à consolider le pouvoir des fondamentalistes, revenus soudainement au pouvoir à la mi-août à la faveur du retrait américain, d'une offensive éclair et de l'effondrement du gouvernement pro-occidental.

Les talibans, qui auront besoin d'aide étrangère pour faire rebondir rapidement une économie sinistrée et en partie à l'arrêt depuis le 15 août, avaient promis de former un gouvernement ouvert à d'autres groupes.

- "Gagner la légitimité" -

Les talibans ont également réinstallé leur jadis très craint ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu, qui sous leur premier régime arrêtait et punissait les Afghans accusés de ne pas respecter leur stricte interprétation de la loi islamique.

En annonçant ce gouvernement, le porte-parole taliban, Zabihullah Mujahid, a affirmé qu'il n'était "pas complet" et que le mouvement essaierait d'inclure par la suite "des gens venant d'autres régions du pays".

Les talibans doivent maintenant s'attaquer au gigantesque chantier de la relance économique du pays, et de sa sécurité, sous la menace de la franchise locale du groupe jihadiste Etat islamique (EI-K), rivale des talibans et à l'origine de nombreux attentats sanglants ces dernières années.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a estimé mercredi que les talibans devraient "gagner" leur légitimité auprès de la communauté internationale après l'annonce de ce gouvernement comprenant des personnalités recherchées par les autorités américaines.

"Nous comprenons que les talibans présentent cela comme un cabinet provisoire. Nous le jugerons ensuite sur ses actions", a-t-il averti depuis l'Allemagne, après une réunion virtuelle des ministres de 20 pays pour coordonner la réponse au retour des talibans.

L'UE a regretté l'absence de gouvernement "inclusif et représentatif", une des conditions posées pour sa reconnaissance diplomatique, et la France que "les actes ne suivent pas les paroles".

La Chine, l'un des rares pays à maintenir son ambassade ouverte à Kaboul, a pour sa part salué la mise sur pied d'un gouvernement qui met fin "à plus de trois semaines d'anarchie". Le Qatar, qui s'est posé comme un intermédiaire central entre les talibans et la communauté internationale ces dernières années, a salué le "pragmatisme" des talibans.

AFP

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