Le navire avait sombré en moins d'une minute

Le naufrage inexpliqué du Bugaled Breizh examiné par la justice britannique

  • Publié le 4 octobre 2021 à 12:00
  • Actualisé le 4 octobre 2021 à 12:47

La justice britannique se penche à partir de lundi sur le mystérieux naufrage du Bugaled Breizh, un chalutier français qui avait sombré en moins d'une minute en 2004 au large de l'Angleterre, emportant par le fond ses cinq membres d'équipage.

Près de 18 ans après la tragédie, cette enquête publique, prévue jusqu'au 22 octobre à Londres, nourrit l'espoir des familles des cinq marins bretons d'enfin connaître la vérité. Depuis le début, elles estiment que le chalutier a coulé après avoir été accroché par un sous-marin militaire. Cette hypothèse n'a jamais pu être confirmée par la justice française au terme d'une très longue procédure, non concluante.

Pendant trois semaines d'audiences, la Haute Cour entendra une quarantaine de témoignages - marins, secouristes, experts maritimes, militaires - pour tenter d'expliquer les circonstances de ce drame. Les familles des victimes sont également invitées à s'exprimer à l'ouverture.

Le 15 janvier 2004, le Bugaled Breizh ("Enfants de Bretagne" en breton), un chalutier de Loctudy (Finistère), avait sombré en moins d'une minute dans des conditions météorologiques plutôt bonnes, au large des Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre). L'équipage avait été emporté par le fond.

Le bateau a coulé dans une zone où se déroulaient ou étaient prévus des exercices militaires de l'Otan et de la Royal Navy, impliquant des sous-marins. Seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés - le premier dans l'épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux anglaises - et c'est sur la mort de ces deux derniers que se concentre l'enquête britannique. Georges Lemétayer et Eric Guillamet ont été portés disparus en mer.

- "Justice" et "responsabilité" -

L'objectif de la procédure au Royaume-Uni est d'éclaircir les causes des décès, sans toutefois prononcer de condamnations. "La justice londonienne consacre trois semaines d'audience à cette affaire, elle va aller au fond des choses et jamais l'espoir des familles, qui n'ont jamais baissé les bras, n'a été aussi grand", a confié à l'AFP Dominique Tricaud, avocat des enfants de Georges Lemétayer.

Dans une tribune publiée par le journal Le Monde, Gaspard de Monclin, avocat des familles de victimes, a dénoncé le manque de coopération des différents gouvernements impliqués et réclamé la levée du secret-défense entourant les manoeuvres de l'Otan. "Les familles endeuillées ne crient pas vengeance, elles demandent justice. Les familles endeuillées ne veulent pas voir des hommes en prison, elles attendent de la responsabilité. Les familles endeuillées ne souhaitent pas la réparation d'un accident irréparable, elles espèrent la vérité", a-t-il insisté.

Un témoignage très attendu sera celui, le 12 octobre, de l'ancien commandant du sous-marin nucléaire britannique HMS Turbulent, Andrew Coles, bâtiment soupçonné d'avoir joué un rôle dans le naufrage. Ministère britannique de la Défense et Royal Navy ont démenti toute implication d'un sous-marin britannique.

En 2016, la justice française avait définitivement mis fin à son enquête dans cette affaire, incapable de trancher entre l'hypothèse d'un sous-marin et celle, mise en avant dix ans plus tôt par le Bureau français d'enquêtes (BEAmer), d'un accident de pêche. D'autres hypothèses avaient été évoquées puis abandonnées, comme la collision avec un cargo.

En Angleterre, une procédure avait été lancée devant la justice britannique, à Truro, en Cornouailles, en raison des deux corps ayant été repêchés par les Anglais. Elle avait été ajournée en 2020 en raison notamment de la pandémie, avant d'être transférée à Londres. Lors d'une audience préliminaire en mars, le juge chargé de l'affaire, Nigel Lickley, avait assuré qu'il mènerait une "enquête complète, rigoureuse et juste".

AFP

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