Justice

Eric Dupond-Moretti reste mis en examen pour "prise illégale d'intérêts"

  • Publié le 4 novembre 2021 à 00:32
  • Actualisé le 4 novembre 2021 à 06:30

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti reste mis en examen pour "prise illégale d'intérêts": trois magistrats de la Cour de justice de la République (CJR) ont rejeté mercredi sa requête, sans surprise pour ses avocats qui prévoient déjà de se pourvoir en cassation.

Soupçonné d'avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats quand il était avocat, ce qu'il réfute, Eric Dupond-Moretti avait notamment soulevé l'"irrecevabilité des plaintes à l'origine de la saisine de la CJR" et "la partialité du procureur général près la Cour de cassation", François Molins.

La CJR est seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis "dans l'exercice de leurs fonctions". Selon une source judiciaire, confirmant une information de BFMTV, la commission d'instruction de la CJR a rejeté toutes les demandes du garde des Sceaux qui demandait que soit annulées la saisine de la commission, sa mise en examen ainsi que la perquisition de quinze heures menée le 1er juillet au ministère de la Justice. La requête avait été examinée le 14 octobre.

"Ce refus n'est pas une surprise. La Cour de justice de la République est la seule juridiction en France et certainement des pays membres du conseil de l'Europe où les juges en appel sont les mêmes qu'en première instance", ont réagi auprès de l'AFP les avocats du ministre, Olivier Cousi, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain.

"Nous n'espérions pas que les magistrats, auteurs des nullités que nous invoquions, annulent eux-mêmes la procédure entachée de leurs propres nullités. Après ce passage obligé, nous formons un pourvoi en cassation pour que statuent enfin des magistrats différents de ceux qui instruisent", ont-ils ajouté.

Par ailleurs, le 26 octobre, la première présidence de la Cour de cassation a rejeté la demande en récusation des magistrats de la CJR chargés d'instruire le dossier, déposée par la défense du ministre de la Justice, selon la source judiciaire.

Depuis le début de la procédure, le ministre de la Justice a affirmé "être très serein" et a exclu de démissionner. A l'issue de sa mise en examen, le Premier ministre, Jean Castex, lui avait renouvelé "toute sa confiance".

- "Pas de caractère politique" -

Après les plaintes de syndicats de magistrats et de l'association anticorruption Anticor dénonçant des situations de conflits d'intérêts dans deux dossiers, la CJR avait ouvert en janvier une information judiciaire pour "prise illégale d'intérêts". "La procédure pour le moment est entre les mains de juges indépendants et n'a, contrairement à ce que certains peuvent laisser penser, pas de caractère politique", a souligné mercredi auprès de l'AFP la présidente d'Anticor, Elise Van Beneden.

"En revanche, la problématique de la CJR va se poser à la prochaine étape: la formation de jugement est éminemment politique avec douze parlementaires et sur quinze membres, ce sont des politiques qui jugent entre eux", a-t-elle estimé.

M. Dupond-Moretti avait été mis en examen le 16 juillet, une première pour un garde des Sceaux en exercice, soupçonné d'avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était avocat, dans deux dossiers.

Le premier concerne l'enquête administrative ordonnée en septembre 2020 par le garde des Sceaux contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui avaient fait éplucher ses relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") quand il était encore une star des prétoires.

Dans le second dossier, il lui est reproché d'avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d'instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients et dont il avait critiqué les méthodes de "cow-boy".

Eric Dupond-Moretti a martelé qu'il n'avait fait que "suivre les recommandations" de son administration. Les potentiels conflits d'intérêts du nouveau garde des Sceaux, soulevés dès son arrivée à la Chancellerie par les syndicats de magistrats, avaient finalement conduit fin octobre 2020 à l'écarter du suivi de ses anciennes affaires, désormais sous le contrôle de Matignon.

AFP

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