Etats-Unis

Des livreurs à vélo new-yorkais s'organisent pour riposter contre les vols

  • Publié le 7 novembre 2021 à 02:57
  • Actualisé le 7 novembre 2021 à 07:20

"Un pote a besoin d'aide pour récupérer son vélo!". La demande apparaît sur le groupe WhatsApp des "Delivery Boys United", avec la localisation de l'urgence. Accusant la police new-yorkaise de "passivité", des livreurs se sont regroupés pour se défendre contre les vols et les agressions.

Lui-même victime d'une agression, Vicente Carrasco, un Mexicain de 39 ans, a créé ce groupe en mars pour se défendre contre les vols, notamment de vélos électriques, qui peuvent coûter plus de 3.000 dollars et constituent, avec les téléphones, des outils de travail essentiels.

Tous les soirs, après une longue journée de travail, lui et une poignée d'autres "deliveristas" - terme fabriqué sur le verbe "deliver" ("livrer") - se rassemblent à la sortie du Queens Bridge, côté Manhattan, afin d'apporter leur aide si un de leurs collègues est en difficulté. "S'il y a un GPS sur le vélo (volé), nous le suivons", explique-t-il à l'AFP. Mais la devise est "n'y allez pas seul". "Lorsque nous sommes nombreux, nous essayons toujours de le récupérer", mais "nous ne voulons pas trop risquer nos vies. Vous ne savez pas si les gens sont armés", explique Vicente Carrasco.

Son groupe travaille aux côtés de trois autres, comme "El Chapin en dos Ruedas", qui réunit plus de 1.000 "deliveristas" à travers les arrondissements de Manhattan, Brooklyn et Queens. Grâce à leurs efforts, ils parviennent parfois à récupérer leurs biens.

- "Pas violents" -

L'un des camarades de Vicente, José Rodrigo Nevares justifie cette organisation: "mon vélo me permet de manger, de nourrir ma famille, de payer mon loyer". "Je ne peux pas les laisser me l'enlever", explique-t-il. Contrairement à d'autres groupes, parmi les plus de 65.000 livreurs à vélo que compte New York, les Delivery Boys ont décidé de se faire justice eux-mêmes. "Lorsque vous appelez la police si vous avez été volé, ils ne viennent jamais (...) Nous nous sommes organisés pour pouvoir nous défendre, être plus rapides", explique Vicente Carrasco, qui précise toutefois : "Nous ne sommes pas violents".

Et dans une communauté où 80% sont sans-papiers, selon les associations qui les défendent, beaucoup ne vont pas voir la police "par peur", dit José Rodrigo Nevares, ancien serveur devenu livreur après avoir perdu son emploi pendant la pandémie.

Interrogée par l'AFP, la police de la ville (New York Police Department, NYPD) a au contraire assuré "prendre ces crimes très au sérieux" et que pour "les victimes inquiètes en raison de leur statut d'immigration (sans-papiers), le NYPD ne les interroge pas et ne les interrogera pas à ce sujet".

Ces pratiques d'autodéfense, que Vicente Carrasco a apportées du Guerrero, son Etat natal au Mexique, ne font pas l'unanimité. "Ils suscitent beaucoup de violence et notre crainte est que quelqu'un soit blessé", a déclaré à l'AFP Ligia Guallpa, directrice du Worker's Justice Project, qui défend les droits des travailleurs à bas salaires. Mais les conditions de travail de ces livreurs, principalement originaires de pays d'Amérique latine, d'Afrique ou d'Asie, sont "inhumaines", déplore-t-elle, en pointant du doigt "un secteur où il n'existe aucune protection" sociale.

- "Essentiels mais non protégés" -

Avec un salaire moyen de 2.345 dollars par mois, les livreurs ne bénéficient pas du même traitement que le secteur des services, où le salaire horaire est de 15 dollars à New York.
Selon un rapport du Worker's Justice Project, en collaboration avec l'Institut du travailleur à l'université Cornell, parmi 500 livreurs interrogés, 54% ont déjà été victimes du vol de leur vélo. Et parmi eux, 30% ont subi une agression, dit l'étude, intitulée "Essentiels mais non protégés".

D'après Ligia Guallpa, les livreurs ont tout de même remporté une petite victoire: à partir de l'année prochaine, ils pourront utiliser les toilettes des restaurants où ils vont chercher leurs cargaisons, limiter les distances à parcourir, toucher entièrement les pourboires laissés par les clients et ne plus avoir à payer 60 à 70 dollars pour acheter le sac nécessaire à la livraison.

Les livreurs et les associations qui les défendent pointent la hausse des revenus des applications ces dernières années, encore dopée par les confinements. "Ils font des bénéfices parce qu'ils facturent à la fois les clients et les restaurants et n'ont aucun engagement envers les livreurs, qui sont des indépendants", indique le rapport du Worker's Justice Project. "Nous devons changer le système, sinon nous ne modifierons pas la racine du problème", ajoute Ligia Guallpa.

AFP

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