Un moment historique

Les Béninois "émus aux larmes" accueillent 26 trésors pillés par la France

  • Publié le 10 novembre 2021 à 21:20
  • Actualisé le 11 novembre 2021 à 07:25

Les Béninois "émus aux larmes" ont accueilli mercredi après-midi dans la solennité et avec une immense émotion 26 oeuvres des trésors royaux d'Abomey, pillées par les troupes coloniales françaises au XIXe siècle et restituées mardi par Paris.

L'avion transportant ces trésors a atterri vers 15H15 locales (14H15 GMT) à l'aéroport de Cotonou, la capitale économique du Bénin, où plusieurs membres du gouvernement béninois attendaient le déchargement des caisses transportant ces œuvres. "Il y a des instants dans l’histoire d’une nation qui changent le cours des choses. Cet instant-là que nous vivons, c’est un instant qui restera gravé, c’est un instant important", a déclaré sur le tarmac le ministre des Affaires étrangères Aurélien Agbenonci.

Le long de la route qui sépare l'aéroport de la présidence, lieu où les œuvres vont être transportées par camion et où une cérémonie est prévue, des centaines de personnes se pressaient pour regarder le passage de ces trésors, dont certains revêtent un caractère sacré. Au son des tambours et instruments de musique traditionnels, les Béninois venus de tout le pays attendaient sur les trottoirs. Un homme a fait coudre sur son chapeau la date du "10.11.2021", pour souligner le caractère historique de ce retour.

Parmi les œuvres figurent des statues totem de l'ancien royaume d'Abomey ainsi que le trône du roi Béhanzin, pillés lors de la mise à sac du palais d'Abomey par les troupes coloniales françaises en 1892. "Je suis venu me convaincre que ces œuvres sont réellement revenues au pays. Je suis ému jusqu’aux larmes", lance, ébranlé, Ousmane Agbegbindin, un Béninois âgé de 45 ans.

- "Tellement émouvant" -

"C’est vrai qu’on ne peut pas voir les objets, mais le seul fait de savoir que les trônes de nos ancêtres, leurs chaussures, récades et autres objets sont dans ces camions me fait un effet que je ne peux vous décrire", lâche cet entrepreneur, les joues trempées de larmes. Même émotion pour Martine Vignon Agoli-Agbo, qui habite le nord du Bénin et qui a parcouru plus de 500 kilomètres avec ses deux filles pour assister à ce moment historique.
"Nous sommes à Cotonou depuis 24 heures, rien que pour vivre le spectacle de l’arrivée de ces trésors.

C’est tellement émouvant", dit-elle à l'AFP. "Des objets vieux de 200 ans, volés et dont on n’espérait pas le retour, arrivent en grand nombre. Je n’ai pas voulu qu'on me raconte ce moment. Et si mes filles sont là, c’est pour qu’elles puissent un jour le raconter à mes petits-enfants", ajoute Mme Vignon Agoli-Agbo. Pour Didier Marcel Houénoudé, professeur béninois en histoire de l'art, le retour des œuvres "représentent avant tout la restauration de la dignité"

Il "sert également à la reconstruction de la mémoire. Ce ne sont pas seulement le peuple et les objets qui ont été spoliés, mais aussi la mémoire. Celle-ci est remplie de honte liée à la chute ou à l'échec de notre peuple", a-t-il déclaré à l'AFP.

- "Un pan entier de notre histoire" -

Dans la foule, Akouavi Mari Dannon, enseignante d’histoire dans un collège privé d’Abomey, est venue accompagner ses dix meilleurs élèves.
"C’est un pan entier de notre histoire qui nous retombe sur les bras et nous devons le récupérer et le valoriser. C’est très important", déclare-t-elle à l'AFP. Dans les jardins de la présidence béninoise, où la cérémonie d'accueil doit être dirigée par le président Patrice Talon, un tapis rouge a été déroulé.

L'actuel roi d'Abomey Dah Sagbadjou Glèlè, des membres de sa famille et de nombreux dignitaires béninois attendaient assis sur des chaises l'arrivée des caisses. Cette cérémonie solennelle au Bénin marque la dernière étape d'un processus inédit entamé avec la promesse faite en 2017 par le président français Emmanuel Macron de procéder à des restitutions du patrimoine africain en France.

La veille à Paris, le président Macron avait reçu M. Talon pour finaliser la restitution de ces 26 trésors conservés jusqu'ici au musée parisien du Quai Branly. Après la cérémonie, les œuvres seront soumises à deux mois "d'acclimatation" aux nouvelles conditions de climat et d'hygrométrie, avant d'être exposées pendant trois mois à la présidence béninoise.

Les trésors iront ensuite à l'ancien fort portugais de Ouidah et à la maison du gouverneur, lieux historiques de l'esclavage et de la colonisation européenne, situés sur la côte, en attendant la construction d'un nouveau musée à Abomey.

AFP

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