Coup d'Etat

Au Soudan, trois morts dans les manifestations contre le coup d'Etat

  • Publié le 13 novembre 2021 à 20:15
  • Actualisé le 14 novembre 2021 à 06:41

Trois manifestants ont été tués samedi au Soudan où les forces de sécurité tirent à balles réelles et font usage de grenades lacrymogènes contre des dizaines de milliers d'opposants au coup d'Etat.

Les partisans d'un pouvoir civil ont été réduits à s'organiser par SMS ou graffitis en raison de la coupure d'internet depuis trois semaines, alors que les militaires sont eux attendus au tournant par la communauté internationale qui a condamné le putsch du 25 octobre. Malgré les appels au calme venus de l'étranger, un syndicat de médecins pro-démocratie a fait état en fin d'après-midi de trois manifestants tués à Khartoum, ainsi que de "nombreux blessés par balles", semblant montrer que l'armée est décidée à en finir avec la mobilisation.

- "Le peuple décide" -

Depuis le coup d'Etat, 18 manifestants ont été tués et plus de 300 blessés, selon les médecins pro-démocratie. En outre, note l'ONU, des centaines d'opposants et de militants ont été arrêtés. Dès le petit matin, soldats et paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) s'étaient déployés en masse à Khartoum, installant des barrages mobiles pour empêcher les rassemblements et bloquer les ponts reliant le centre aux banlieues. Malgré ces obstacles, des cortèges sont partis de nombreux quartiers aux cris de "Non au pouvoir militaire" et "A bas le Conseil" de souveraineté dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d'Etat.

"Les militaires ne devraient pas se mêler de politique, ils feraient mieux de protéger la Constitution", enrage Ahmed Abderrahmane, qui défile à Khartoum.
"Pas de négociation avec les putschistes, c'est le peuple qui décide", renchérit dans un autre cortège Hamza Baloul, ministre de l'Information, arrêté le 25 octobre et récemment relâché, selon une vidéo mise en ligne par son bureau

Des manifestations ont également eu lieu dans d'autres villes du pays, le troisième plus grand d'Afrique, ont rapporté des correspondants de l'AFP. Ainsi que dans plusieurs capitales occidentales où la diaspora soudanaise se mobilise depuis le coup d'Etat. A Paris, environ 400 personnes ont manifesté pour appeler à la "passation immédiate du pouvoir aux civils", a constaté une journaliste de l'AFP, tandis qu'à Berlin, une centaine de manifestants étaient rassemblés sous des drapeaux soudanais.

Avec son coup de force, le chef de l'armée a rebattu les cartes d'une transition qui battait de l'aile depuis des mois. Il a fait rafler la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir, mettant un point final à l'union sacrée entre civils et militaires qui avait clos 30 ans de dictature Béchir en 2019, et devait mener à un régime démocratique. Jeudi, il a acté la rupture en restaurant le Conseil de souveraineté, plus haute autorité de la transition depuis la destitution sous la pression de la rue de Béchir, qu'il avait dissous le 25 octobre. Il a reconduit ses membres militaires et nommé des civils apolitiques en remplacement des partisans d'un transfert complet du pouvoir aux civils.

- Promesses d'élections -

Avec son second, le général Mohammed Hamdane Daglo, chef des RSF accusé d'exactions graves, ils se sont engagés à "des élections libres et transparentes" à l'été 2023. Des promesses loin d'avoir apaisé l'opposition. "Maintenant que le coup d'Etat a eu lieu, les militaires veulent consolider leur mainmise sur le pouvoir", décrypte Jonas Horner, chercheur à l'International Crisis Group.

En face, les organisations prodémocratie qui étaient parvenues à paralyser le Soudan contre Béchir semblent cette fois-ci incapables de faire régner "désobéissance civile" et "grève générale" -- synonymes d'absence de revenus -- dans l'un des pays les plus pauvres au monde.
Pour Volker Perthes, émissaire de l'ONU au Soudan, "la nomination unilatérale du Conseil de souveraineté rend beaucoup plus difficile un retour aux engagements constitutionnels" de 2019.

L'armée n'a libéré que quatre ministres arrêtés lors du putsch, et le Premier ministre renversé, Abdallah Hamdok, est lui toujours en résidence surveillée.
Face aux appels de la communauté internationale à un retour au gouvernement civil d'avant-25 octobre, le général Burhane promet depuis plusieurs jours la formation "imminente" d'un gouvernement.

AFP

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