Cuba

L'opposant Yunior Garcia bloqué chez lui, Diaz-Canel attendu par ses partisans

  • Publié le 14 novembre 2021 à 22:13
  • Actualisé le 15 novembre 2021 à 05:54

L'opposant cubain Yunior Garcia, qui prévoyait de défiler en solitaire à La Havane, était dimanche matin bloqué chez lui, son domicile cerné par des agents en civil, tandis que le président Miguel Diaz-Canel était attendu par ses partisans dans la capitale.

"Aujourd'hui je me suis réveillé avec mon domicile assiégé, tout l'immeuble est cerné d'agents de la Sécurité de l'Etat habillés en civil et se faisant passer pour le peuple, comme ils ont l'habitude de le faire", a-t-il annoncé dans une vidéo sur Facebook.

Une équipe de l'AFP a pu constater que sa rue était bloquée par une forte présence d'agents en civil, sur la chaussée et les toits des immeubles, dans le quartier populaire de La Coronela. De nombreux habitants observaient la situation sur les trottoirs alentours. Miguel Diaz-Canel était lui attendu à la mi-journée au Parque central, près du Capitole, où des dizaines d'étudiants communistes organisaient un sit-in en soutien au gouvernement.

Vendredi, il avait assuré que ses partisans étaient "prêts à défendre la révolution" et "affronter toute action d'ingérence", en référence aux Etats-Unis qu'il accuse d'être à la manoeuvre en coulisses. "Les Etats-Unis n'ont pas le droit de polluer notre joie avec des provocations et des inventions déstabilisatrices", a tweeté dimanche Carlos Fernandez de Cossio, directeur du département Etats-Unis au ministère des Affaires étrangères.

Yunior Garcia, dramaturge de 39 ans, avait appelé à une manifestation pour la libération des prisonniers politiques lundi, à La Havane et dans six provinces. Mais, inquiet de la violence pouvant éclater ce jour-là, il avait décidé de marcher seul dimanche après-midi sur une avenue havanaise, une rose blanche à la main. La Sécurité de l'Etat l'a prévenu vendredi qu'il serait arrêté s'il essayait.

Le groupe de débat politique sur Facebook Archipiélago, qu'il a créé, avec plus de 30.000 membres dans et en dehors de Cuba, maintient toutefois son appel à défiler lundi.

- Sanctions contre Efe -

Les autorités cubaines ont retiré samedi les accréditations des cinq journalistes de l'agence espagnole de presse Efe à La Havane, invoquant "la réglementation sur la presse étrangère", sans préciser la raison exacte de cette décision, a déclaré le chef de la rédaction Atahualpa Amerise à l'AFP.

Dimanche matin, il a annoncé sur Twitter qu'une rédactrice et le caméraman avaient récupéré leurs accréditations à l'issue de "négociations".

A Madrid, les autorités espagnoles ont convoqué le chargé d'affaires de l'ambassade cubaine pour "demander des explications", selon des sources diplomatiques. L'ambassade espagnole à La Havane est elle aussi intervenue.

Reporters sans frontières a condamné "un fait gravissime": "Le gouvernement de Miguel Diaz-Canel ne veut pas de témoins des mouvements en faveur du changement qui émergent à Cuba", a estimé dans un communiqué Edith Rodriguez, vice-présidente de RSF Espagne.

Samedi soir, Archipiélago a assuré qu'au moins six coordinateurs du groupe étaient empêchés de sortir de chez eux par les forces de l'ordre. Le dissident Guillermo Fariñas a lui été arrêté dès vendredi. La télévision d'Etat a accusé Yunior Garcia d'être un agent entraîné et financé par Washington, le comparant au dramaturge tchèque Vaclav Havel (1936-2011), dissident devenu ensuite président du pays.

Elle l'a montré en train de participer à un séminaire à Madrid en 2019 sur le rôle des forces armées dans un éventuel processus de transition à Cuba, et révélé des versements de petites sommes d'argent depuis l'étranger.

La manifestation de lundi, interdite par le gouvernement, coïncide avec la réouverture de l'île au tourisme international, le retour à l'école des élèves du primaire et la célébration du 502e anniversaire de La Havane.

- Washington attentif -

En défilant, l'opposition veut exiger la libération des prisonniers politiques, quatre mois après les manifestations historiques du 11 juillet, aux cris de "Nous avons faim" et "Liberté", qui se sont soldées par un mort, des dizaines de blessés et 1.270 personnes arrêtées, dont 658 restent détenues, selon l'ONG Cubalex.

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a appelé dimanche "le gouvernement cubain à respecter les droits des Cubains, en les laissant se rassembler de manière pacifique".

Les manifestants veulent "attirer plus d'attention internationale sur la gravité de la situation économique, politique et des droits de l'homme à Cuba", estime Michael Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain.

Une réaction agressive du gouvernement entraînerait le risque de "sanctions très dures des Etats-Unis et de l'Europe". Ces dernières semaines, la manifestation est devenue le grand sujet de conversation dans les foyers cubains, les files d'attente face aux supermarchés et les entreprises.

Ses organisateurs l'ont planifiée presque exclusivement via l'internet mobile, arrivé à Cuba fin 2018. "Grâce aux réseaux sociaux, pour la première fois à Cuba une société civile vraiment indépendante est en train d'émerger", se félicite Yunior Garcia. C'est sans doute pour cela que beaucoup redoutent dimanche et lundi une coupure d'internet, comme celle survenue lors des manifestations du 11 juillet.

AFP

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