Acrobaties

Dans un cirque près de Toulouse, des enfants défavorisés entrent "en piste"

  • Publié le 16 janvier 2022 à 12:59
  • Actualisé le 16 janvier 2022 à 13:06

Sous le chapiteau rouge qu'ils découvrent pour la première fois, une troupe d'enfants enchaînent minutieusement les acrobaties. Issus de quartiers défavorisés près de Toulouse, ils vont devenir, le temps d'un spectacle, les "étoiles" du cirque Aïtal.

Révéler le "monde des possibles" qu'offre la piste à ces petits est le "projet fou" de Victor Cathala et Kati Pikkarainen. Après avoir parcouru la planète avec leur cirque créé en 2004, ces deux spécialistes de la technique du "main à main" ont voulu s'investir sur leurs terres à Muret, au sud de Toulouse, où est basée la compagnie.

"On s'est naturellement tourné vers des jeunes en difficulté, issus de quartiers où la culture n'est pas forcément un point d'appui", explique Victor, 42 ans, à l'AFP.

Sur l'air de "Somewhere over the rainbow", cet artiste à la stature imposante soulève comme une plume la petite Kenza qui, avec une apparente facilité, effectue toutes sortes de figures dans les airs. "Il faut se laisser aller. Avoir confiance en l'autre et lui en donner en retour. Il y a un lâcher prise qui est porteur", soutient Victor, qui a grandi à Muret.

Le circassien insiste auprès des enfants, certains en décrochage scolaire, sur l'importance de la persévérance. "Rien n'est acquis, c'est du travail tous les jours." Sa compagne Kati a elle aussi grandi dans des cités, en Finlande. C'est grâce à un éducateur, qui a monté une école de cirque, qu'elle a trouvé sa voie.

- "Etoile filante" -

"Travailler avec ces jeunes était vraiment un pari. Ils me font beaucoup penser à mon enfance, à l'époque où l'école de cirque me faisait tout oublier de mon histoire familiale", confie nostalgique la circassienne de 39 ans, remontant ses mèches blondes.

"Et si un ou deux de ces enfants empruntaient ce chemin, ce serait déjà super", espère Kati. Un rêve qui fait écho aux aspirations de Kenza, 9 ans. "Je veux devenir professionnelle du cirque comme Kati et Victor", lance d'un ton très assuré la petite fille brune au regard intense.

Virevolter dans les airs, "c'est comme s'il n'y avait plus rien ni personne autour de moi. Comme une étoile filante". Durant quatre mois, les sept enfants participant au projet, âgés de 8 à 12 ans, se sont entraînés avec Victor et Kati dans un gymnase municipal.

Avant de découvrir, émerveillés, le chapiteau du cirque Aïtal lors de deux répétitions générale mi-décembre. S'avançant sur cette nouvelle scène après un numéro en solo, Kenza salue avec grâce un public imaginaire.

"Fière" de son partenariat avec le cirque Aïtal dans ce projet baptisé "Tous en piste", la municipalité de Muret souhaite poursuivre l'aventure auprès de ce public "socialement très défavorisé". "Ils ont parfois le sentiment que certaines actions culturelles ne sont pas nécessairement pour eux. On veut leur dire que si", s'enthousiasme Sophie Touzet, adjointe au maire PS de Muret, en charge des affaires culturelles.

- Découvrir ses capacités -

"J'espère qu'ils se seront rendus compte que l'art et la culture sont à leur portée, qu'ils peuvent en être acteur et spectateur", dit-elle, souhaitant qu'au delà des prouesses techniques, il restera aux enfants ces "valeurs de solidarité et de travail en équipe portées par les compagnies circassiennes".

Jordan Ako, peau matte et yeux rieurs, fait un peu le pitre durant la répétition. S'il rêve de devenir ingénieur, le cirque lui a ouvert les yeux sur ses capacités.

"Les adultes disent souvent +t'es un enfant, t'es bon à rien, fais ton travail à l'école et on verra plus tard+. Mais nous aussi on est capables de faire des trucs extraordinaires. Même un vrai spectacle! C'est ce que j'ai appris ici", dit ce malicieux en prenant un air sérieux.

Un "vrai" spectacle donc avec deux représentations devant plus de 150 personnes chaque soir, sous le chapiteau de ce cirque qui s'est produit en Argentine, au Brésil ou en Chine.

"Tout au long des répétitions, on a vu des étoiles dans leurs yeux et c'est ça qui nous importe. On souhaitait leur dire qu'il y a plein de portes qui s'ouvrent à eux, et on constate que certains ont déjà la main sur la poignée", s'émeut Victor.

AFP

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