Réfugiés

Dans les "dans les zones rurales françaises "c'est plus rapide pour s'intégrer"

  • Publié le 21 mars 2022 à 14:06
  • Actualisé le 21 mars 2022 à 19:09

Loin du tumulte des grandes villes, les réfugiés bénéficient dans les zones rurales françaises d'un accompagnement sur-mesure, qui rassemble les ingrédients d'une intégration accélérée.

Une implantation "gagnant-gagnant" pour les réfugiés, les collectivités locales et surtout les entreprises, qui se frottent les mains. Depuis quelques mois, Alain Capella est un patron heureux. Dans sa scierie familiale d'Aigueperse (Puy-de-Dôme), ses deux postes de bûcherons sont enfin pourvus. Un petit miracle pour le chef d'entreprise de 55 ans.

Il s'est évidemment tourné vers Pôle emploi. Résultat: "Un appel par mois", raconte-t-il sous le soleil qui baigne son stock de bois, en cette fin février. L'été dernier, un patron du BTP lui confie avoir embauché un couvreur, installé au centre provisoire d'hébergement (CPH) de Pessat-Villeneuve, à une quinzaine de kilomètres. Il appelle à son tour...

La méthode a fait parler dans Aigueperse, dont le centre-ville, organisé le long de l'ancienne nationale, se dévitalise depuis que l'autoroute passe tout proche: les boutiques tirent le rideau, les maisons sont à vendre.

"On m'a dit +t'aurais pas pu trouver quelqu'un d'autre ?+ Mon employé de l'époque a même démissionné. Il m'a dit +Je travaille pas avec des 'bougnoules'+. On m'explique qu'ils prennent le travail des Français, sauf que les Français qui veulent travailler, j'en trouve plus", déplore le patron, d'ordinaire "pas spécialement sensible" au sort des réfugiés.

Ses deux bûcherons afghans "sont irréprochables": "Toujours à l'heure, pas de pause téléphone. Si je ne leur dis pas, ils ne s'arrêtent même pas pour déjeuner !"

- "Morts de faim" -

"C'est une chance, c'est le premier pas vers le logement, l'autonomie", se réjouit Sherbaz Safizada, sa dernière recrue. Cet ancien boucher de la province de Kapisa, 25 ans, est arrivé en 2019 à Paris, mais il a fallu attendre deux ans et un transfert à Pessat-Villeneuve pour qu'il trouve ce premier emploi.

"Peu importe que je vive dans un village ici. Si vous êtes dans une grande ville et que vous ne travaillez pas, ça ne sert à rien", explique-t-il à l'AFP.Son centre, qui héberge 70 personnes, s'est mué en vivier qui irrigue les employeurs de la région.

"Les réfugiés sont des morts de faim de l'intégration", résume Dominique Charmeille, directrice générale de CeCler, l'association locale qui gère le CPH. "L'intégration professionnelle, c'est le coeur de l'action pour fabriquer des citoyens. Mais il faut faire dans la dentelle. On ne peut pas prendre des réfugiés et les placer en masse dans les zones désertiques de France. Il faut de l'accompagnement et une relation gagnant-gagnant avec le territoire."

A Pessat-Villeneuve, qui se résume à une église, une mairie et une école, l'arrivée en 2015 des premiers migrants évacués de Calais avait généré de vives tensions. Depuis, leur implantation a permis l'ouverture d'une classe de CP-CE1 et d'une ligne de bus. Le maire a été réélu.

Dans cette région, "il y a tous les éléments de l'approche vertueuse, un mélange de tradition d'accueil, de volonté politique et un écosystème d'ONG locales", observe le délégué interministériel à l'accueil et l'intégration des réfugiés, Alain Régnier, qui se félicite de cette intégration à bas bruit.

- "Renaissance" -

Dans la zone industrielle de Thiers (Puy-de-Dôme), capitale de la coutellerie, Abdelaziz Aibout, 58 ans, a lui aussi recruté deux réfugiés. Patron des Forges Pinay, où l'on presse du métal à froid, ni Pôle emploi ni les agences d'intérim ne trouvent candidat.

"J'ai des gens qui me disent les yeux dans les yeux +je gagne plus sans travailler+", peste l'employeur, lunettes sur le front et mains noircies par le travail. "Je connais tous les employeurs de Thiers. Ils pleurent tous. Plus personne ne veut travailler. Mais nous, il faut bien produire!", explique l'employeur d'Ibrahim et Zakaria, respectivement Sud-Soudanais et Soudanais réinstallés en France après des années passées dans des camps au Tchad.

Hamidullah Hussaini, un Afghan de 24 ans, a décroché un CDI comme couturier dans une PME d'Issoire (Puy-de-Dôme). "C'est ma famille ici", sourit-il. Après Paris, où il a connu la rue et les nuits dans les gares, son arrivée dans la région a été une "renaissance". "Avant, je n'étais qu'avec des Afghans. Ici, je suis beaucoup plus au contact des Français. C'est plus rapide pour s'intégrer", même s'il y a "moins de bars et de salles de musculation", rigole-t-il.

Son assistante sociale l'a proposé à la PME lorqu'il a confectionné un millier de masques pour les habitants de Pessat-Villeneuve, durant le premier confinement.

Aujourd'hui, le village accueille une centaine de déplacés ukrainiens. Et les locataires du CPH comme Sherbaz Safizada participent à l'accueil, se félicite l'association CeCler.

Le bûcheron continue de faire 30 kilomètres aller-retour en vélo pour la scierie. "Parce qu'il râle contre les trains toujours en retard", s'amuse son assistante sociale. "Si ça c'est pas de l'intégration."

AFP

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