4.000 repas préparés chaque jour

En Ukraine, un restaurant transformé en cuisine humanitaire pour territoires occupés

  • Publié le 9 avril 2022 à 14:07
  • Actualisé le 9 avril 2022 à 15:13

Dans son restaurant, Alexandre Belouga se trouve à la tête d'une véritable opération humanitaire, sa cuisine travaillant sans relâche pour préparer quelque 4.000 repas chaque jour, distribués dans les territoires occupés par l'armée russe en Ukraine.

Ce travail, essentiel pour ces zones où des pénuries ont été signalées, est aussi dangereux, les combats s'étant intensifiés près de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine, où ce restaurateur de 39 ans gère les distributions depuis son établissement, le "Belouga".

Deux des 60 bénévoles ont été tués par des tirs de mortiers et les provisions sont régulièrement confisquées par les soldats russes, révèle-t-il.

Les produits les plus populaires tels que les nouilles instantanées et les pâtes sont même placées sur le dessus du contenu des cartons pour éviter les fouilles poussées.

Ces dangers n'arrêteront pas pour autant Alexandre, pour qui aider la population est devenu "comme une drogue". "Le regard des gens que je vois quand ils reçoivent les provisions, je ne peux pas le décrire... J'en arrive à oublier que j'ai une fille et d'autres personnes qui dépendent de moi. Qui le fera, sinon moi ?", raconte-t-il à l'AFP.

Né dans la ville de Rybnetsa dans la "république" autoproclamée de Transdniestrie, nichée entre l'Ukraine et la Moldavie, c'est la troisième guerre qu'a connue Alexandre Belouga depuis la fin de l'URSS.

Dans son enfance dans les années 1990, il a connu les combats entre les séparatistes prorusses de Transdniestrie et les forces du gouvernement moldave.

Puis c'est la ville natale de son père, Makiïvka, dans l'est de l'Ukraine, qui a été prise par les armes en 2014 par d'autres rebelles prorusses, ceux de la "république" autoproclamée de Donetsk.

- "Je fais ce que je peux" -

Il y a sept ans, Alexandre était poissonnier. Mais lorsqu'il a appris qu'il avait une tumeur dans les poumons, il a décidé de changer de carrière. Il a rénové une vieille usine dans une rue abandonnée et lancé un festival annuel de gastronomie et de musique, qui a enregistré 35.000 visiteurs l'année dernière.

Alexandre possède même une marque de vodka, le record du plus gros burger d'Ukraine haut d'un mètre et demi et un compte Instagram populaire, @cafe_beluga_zp.

Mais toutes ces activités, c'était avant l'invasion russe de l'Ukraine déclenchée le 24 février. Aujourd'hui, son restaurant prend les commandes de ceux qui sont dans le besoin le matin et s'attèle à les traiter dans l'après-midi.

Au-delà des repas qui viennent d'être préparés tels que du poisson grillé avec des patates, Alexandre Belouga fournit aussi des couches pour bébés, des produits hygiéniques, des vêtements ou encore des batteries chargées pour ceux qui sont sans électricité.

Sur son téléphone, il montre la photo d'un des bénévoles tués, Evguéni, 24 ans, se tenant devant son minivan bleu, sur le point de partir pour livrer des provisions dans la ville assiégée de Marioupol. "Gloire à l'Ukraine !", s'exclame le jeune homme dans la dernière vidéo le montrant en vie. Père de deux fillettes âgées de deux et quatre ans, il a été tué le 19 mars.

"Je suis en train de vendre trois jeeps pour acheter un véhicule blindé, mais ça coûte 43.000 euros", explique Alexandre Belouga dans son bureau, situé au premier étage de son restaurant.

L'un des bénévoles, Andriï Zeïts, souligne, quant à lui, qu'il ne se rend pas au front faute d'expérience. "Mais j'aide. Je suis un bénévole et je cuisine. Je fais ce que je peux", lâche-t-il.

AFP

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