Réforme de la Constitution

Mexique: premier échec pour le président sur son projet-phare contesté par les Etats-Unis

  • Publié le 18 avril 2022 à 15:31
  • Actualisé le 18 avril 2022 à 15:59

Le président du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador, a subi son premier revers dimanche avec le rejet par les députés de son projet-phare de réforme de la Constitution renforçant le rôle du secteur public dans la production d'électricité, une mesure décriée par les Etats-Unis.

Malgré des tentatives de débauchages, le parti présidentiel Morena (Mouvement pour la régénération nationale) et ses alliés n'ont pas atteint la majorité qualifiée des deux tiers à la Chambre des députés, où les trois grands partis d'opposition ont fait bloc et voté contre.

Ce vote marque aussi un ré-équilibrage des pouvoir en faveur du Congrès face à un président toujours très populaire à plus de la moitié de son mandat de six ans commencé fin 2018, d'après certaines analyses.

Le seuil de la majorité qualifiée se situait à 334 députés pour 498 présents (sur 500 au total). Après plus de douze heures de débat, 275 députés ont voté pour et 223 contre ce projet de réforme de trois articles de la Constitution (25, 27 et 28) sur "la propriété des terres et des eaux" et l'interdiction des monopoles.

Les députés du bloc d'opposition "Va por Mexico" ont entonné l'hymne national à l'issue du scrutin, après avoir été traités de "traitres" par le parti au pouvoir pendant le débat.

Car le président de gauche nationaliste a élevé la question de la réforme du marché de l'électricité au rang des enjeux de souveraineté nationale face aux entreprises étrangères, américaines et espagnoles.

Son projet de révision constitutionnelle prévoyait de revenir sur la libéralisation du marché de l'électricité approuvée en 2013. Il s'agissait de garantir 54% du marché à l'entreprise publique Commission fédérale d'électricité (CFE) face au secteur privé et aux entreprises étrangères, contre 38% actuellement. Les Etats-Unis dénoncent un risque pour les milliards d'investissements privés des entreprises américaines au Mexique.

- "Laquais de l'impérialisme" -

L'ambassadeur américain à Mexico Ken Salazar avait estimé que l'approbation de la réforme pourrait provoquer des "litiges interminables" dans le cadre du traité de libre-échange Mexique-Etats-Unis-Canada.

L'Espagne redoute également les conséquences pour ses entreprises privées, comme Iberdrola. "Nous allons défendre notre souveraineté!", avait lancé le président de la Chambre des députés, Sergio Gutierrez Luna, quelques heures avant d'annoncer lui-même la défaite de son camp.

Il a accusé l'opposition de vouloir rester "les laquais de l'impérialisme" au service des entreprises étrangères. "Ils ne vont pas passer", a répété le bloc d'opposition, qui regroupe l'ancien parti-Etat du PRI (au pouvoir pendant 70 ans jusqu'en 2000), le PAN de droite, et le PRD de gauche.

Le président avait tenté de diviser le PRI (Parti de la révolution institutionnelle), en nommant par exemple dès septembre l'un de ses cadres, ancien gouverneur, ambassadeur à Madrid. Peine perdue: il a été exclu des rangs du PRI.

Le bloc d'opposition a dénoncé le coût de la réforme en terme de dette publique ou d'environnement. Un cadre du PAN (Parti d'action nationale) Jorge Romero a estimé que cela projetterait le Mexique "50 ans en arrière en terme d'environnement".

Le président de la République avait minimisé d'avance sa défaite annoncée. "Quoi qu'il arrive, nous sommes blindés contre la trahison. Je vais de nouveau l'expliquer demain", a-t-il tweeté dimanche soir avant le vote.

Le président semble faire référence à une décision de la Cour suprême il y a dix jours. La Cour a estimé que la loi donnant la priorité à l'entreprise publique CFE par rapport aux entreprises privées était constitutionnelle. Cette loi a été approuvée par le Congrès début 2021, à la majorité simple. Cette loi de l'industrie électrique (LIE) a immédiatement fait l'objet de nombreux recours.

Le président avait également annoncé la semaine dernière qu'en cas d'échec et de "trahison des députés" sur sa réforme constitutionnelle, il transmettrait dès lundi une "loi minière" "pour que le lithium reste propriété de la Nation".

Cette loi contre de nouvelles concessions d'exploitations de lithium (minerai stratégique utilisé dans la fabrication des batteries) ne requiert que la majorité simple.

Avant son échec prévisible à la Chambre des députés, AMLO -initiales du président et son surnom- avait validé son maintien au pouvoir jusqu'à la fin de son mandat en 2024 lors d'un référendum dimanche dernier. Au total plus de 90% des votants s'étaient prononcé pour la poursuite de son mandat - mais avec moins de 20% de participation.

 AFP

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