Invasion russe

"Beaucoup meurent": dans l'est, l'Ukraine jette toutes ses forces dans la bataille

  • Publié le 11 mai 2022 à 14:40
  • Actualisé le 11 mai 2022 à 15:56

Près du front de l'est, une équipe de médecins se précipite vers un soldat en sang. (Photo : AFP)

Dans le champ d'à côté, un reste de bombe à sous-munitions est resté planté dans le sol, symbole de cette bataille du Donbass où l'armée ukrainienne tente comme elle peut d'endiguer les assauts russes.

L'un des médecins tente de rassurer le blessé, lui assurant que le garrot qu'on lui serre juste au-dessus du genou ne veut pas dire pas qu'il perdra sa jambe.
A ses côtés, un autre jure en regardant la fumée qui s'élève au-dessus du Donbass, dans cette zone où la progression russe, lente mais méthodique, semble irrémédiable.

Plusieurs soldats forment un cercle de protection autour des secouristes, notant les coordonnées de la prochaine évacuation médicale du front.
"Elles arrivent par vagues", dit l'un d'eux, Mykola, à propos des tentatives répétées des troupes russes de pousser en direction du sud, par-delà la rivière Donets, près du village de Bilogorivka.

"Ils ont essayé pendant le week-end et on les a repoussés. Ils essaient à nouveau. Ça fait des allers-retours. Ils nous frappent, puis nous les frappons".

- Criblé de trous -

Ni Moscou ni Kiev n'ont signé la convention de 2008 interdisant l'utilisation de bombes et de missiles à sous-munitions, qui s'ouvrent en vol en libérant leurs milliers de mini-bombes chargées d'explosifs capables de se répandre sur des zones très vastes.

A Bilogorivka, l'enveloppe du missile s'est plantée près du dernier barrage menant au village. Si l'armée russe le prenait, elle pourrait lancer l'assaut sur Kramatorsk, la capitale administrative de l'est de l'Ukraine, contrôlée par Kiev.

Dans ce qui semble être un effort de plus en plus désespéré pour tenir la ligne de front, l'Ukraine y a envoyé de nombreux renforts. Quelques kilomètres à l'est de Bilogorivka, les villes de Lyssytchansk et Severodonetsk, assiégées, peuvent tomber à tout moment.

Il est pratiquement impossible de vérifier ce qui se passe à l'intérieur de Bilogorivka, le village et ses routes environnantes étant constamment bombardés. Mais les visages des soldats ukrainiens s'assombrissent à la simple évocation de son nom.

Ce week-end, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que 60 personnes y étaient mortes dans le bombardement d'une école abritant 90 habitants. Les soldats se repliant de la ville n'ont pu le confirmer à l'AFP, l'école se trouvant dans le nord de la ville sous contrôle russe.

"Nous nous préparons à y retourner", explique un combattant qui en revient, nom de guerre Leto ("Eté"), près d'une camionnette verte criblée de trous de la taille d'un poing d'enfant.

"Qu'est-ce que vous pouvez y faire? Un ordre est un ordre. Mais nous n'avons pas de couverture. Nous n'avons pas de canons de mortier. Je ne sais pas comment notre unité va se battre", explique-t-il.

- Nombre de morts "effrayant" -

Un moral au plus haut et le soutien massif du pays à son armée ont permis à l'Ukraine de défendre Kiev en février-mars, puis de bloquer l'avancée de la Russie dans le Donbass. Mais ces succès sont de plus en plus difficiles à reproduire, à mesure que les morts ukrainiens augmentent et que la supériorité numérique et militaire de la Russie lui permet d'engranger des gains durables.

Difficile d'estimer le nombre de soldats que les deux camps ont perdus dans la guerre. Mais les médecins au chevet du soldat blessé à Bilogorivka l'estiment bien plus élevé que le bilan subi par l'Ukraine en 2014, dans la guerre contre des séparatistes pro-russes soutenus par Moscou.

"Dans l'ensemble, si vous regardez les statistiques, c'est un peu effrayant", affirme le médecin volontaire Iouriï Kojoumiaka, après avoir aidé le blessé à rejoindre une ambulance qui attendait à une distance relativement sûre des tirs d'obus.

"Il faut être préparé à cela. Mais c'est une honte", ajoute ce professeur d'art de 37 ans devenu médecin. Un autre ambulancier, Andriï Koukhar, 38 ans, est tout aussi désabusé. "Beaucoup meurent", affirme ce dentiste de formation. "On ne peut rien faire pour aider beaucoup de ces gars, et ils meurent. Mais c'est la guerre. Nous le savons".

AFP

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