Conflit en Ukraine

La Russie étend sa menace à d'autres territoires que l'est

  • Publié le 20 juillet 2022 à 18:01
  • Actualisé le 20 juillet 2022 à 18:14

La Russie a étendu mercredi ses objectifs à d'autres territoires que ceux de l'est de Ukraine et le bassin du Donbass, toujours bombardé dans une guerre qui prive une partie du monde de céréales et menace l'Europe de pénuries de gaz.

Après presque cinq mois de guerre, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a affirmé que les objectifs militaires de la Russie en Ukraine ne se limitaient plus uniquement à l'est du pays, mais concernaient également "d'autres territoires" et pourraient encore s'étendre.

Sergueï Lavrov a justifié ce changement par une "géographie différente" par rapport à la situation sur le terrain à la fin mars.
Partie à l'offensive le 24 février, la Russie avait dit vouloir se concentrer sur le bassin du Donbass, une région minière en partie contrôlée par des séparatistes prorusses depuis 2014, après avoir notamment échoué à prendre Kiev, la capitale ukrainienne.

"Ce ne sont plus seulement les républiques populaires de Donetsk et Lougansk (territoires séparatistes de l'est de l'Ukraine, ndlr), ce sont aussi les régions de Kherson et Zaporijjia (dans le sud, ndlr) et une série d'autres territoires, et ce processus continue, de façon constante", a déclaré M. Lavrov à l'agence de presse Ria-Novosti et la chaîne RT.

M. Lavrov a aussi déclaré que mener des pourparlers avec Kiev n'aurait "aucun sens dans la situation actuelle", estimant que de précédents contacts avaient "seulement révélé l'absence de volonté, chez la partie ukrainienne, de discuter sérieusement de quoi que ce soit".

- Gains dans le Donbass -

Moscou a enregistré des gains ces dernières semaines dans le Donbass, en faisant notamment sauter le double verrou de Severodonetsk et Lyssytchansk, deux villes de la région de Lougansk, ce qui lui a dégagé la voie pour tenter d'avancer vers les villes de Kramatorsk et de Sloviansk, plus à l'ouest dans la région de Donetsk.

De rudes combats continuent cependant de se dérouler dans cette partie de l'Ukraine, Kiev pouvant compter sur les récentes livraisons de pièces d'artillerie occidentales plus performantes. M. Lavrov a d'ailleurs prévenu que si l'Occident continuait de fournir à l'Ukraine des armes capables de frapper à longue distance, comme les lance-roquettes multiples américains Himars, les objectifs géographiques de la Russie évolueraient encore.

Signe du changement stratégique en cours, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou s'est déplacé auprès du groupe "Ouest" des militaires russes participant aux opérations en Ukraine, après une tournée d'inspection auprès des groupes "Sud", "Centre" et "Est", selon un communiqué de l'armée.

Dans le sud de l'Ukraine, de nouveaux bombardements ont fait au moins deux morts et neuf blessés dans la ville de Nikopol (sud), a indiqué le maire de la ville Oleksandre Saïouk sur Facebook.

Selon le responsable régional Oleksandre Vilkoul, l'armée russe a tiré des salves de missiles Grad depuis les territoires occupés dans le sud de l'Ukraine, dont 30 ont touché la ville. Parmi les blessés, quatre sont des enfants, le plus jeune ayant trois ans. "Trois immeubles ont été complètement détruits, jusqu'à dix autre endommagés", a-t-il précisé sur Telegram.

A Kharkiv, la deuxième ville du pays, dans le nord-est, des bombardements ont fait au moins trois morts, selon les autorités locales. Parmi les victimes, un adolescent de 13 ans tué près d'un d'arrêt de bus dont les journalistes de l'AFP ont vu le corps et les proches en état de choc, agenouillé près de lui, au milieu des débris de verre.

- Inquiétudes pour le gaz -

A Bruxelles, où un nouveau paquet de sanctions économiques se dessine contre la Russie, la Commission européenne prépare les esprits à des pénuries de gaz qui risquent de freiner l'activité économique et entraîner des difficultés pour se chauffer. La Russie couvrait 40% de l'approvisionnement en gaz de l'Europe jusqu'à l'an dernier.

Malgré un gonflement des importations depuis la Norvège, l'Azerbaïdjan ou l'Algérie, et un triplement depuis mars des acheminements de gaz naturel liquéfié américain, les Européens redoutent un hiver difficile. "La Russie utilise le gaz comme une arme. En cas d'interruption totale, l'Europe devra être prête", a affirmé la présidente de l'exécutif européen, Ursula von der Leyen.

Outre une demande pour économiser au moins 15% de gaz entre août 2022 et mars 2023, la Commission prévoit que les 27 Etats membres puissent recourir au charbon, au pétrole ou au nucléaire si nécessaire.

Dans l'immédiat, l'Europe est suspendue à la décision de Moscou de rouvrir ou non les vannes du gazoduc Nord Stream, qui approvisionne principalement l'Allemagne et ne livre plus qu'à 40% de ses capacités depuis mi-juin.

Dans des propos à la presse dans la nuit de mardi à mercredi, le président russe Vladimir Poutine a laissé entendre que le gazoduc pourrait redémarrer jeudi matin mais que si la Russie ne recevait pas une turbine manquante, il opèrerait à 20% de sa capacité dès la semaine prochaine. "Un prétexte", a aussitôt fustigé l'Allemagne.

Le président russe a aussi douché l'espoir d'une reprise des exportations par la mer Noire des 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes bloquées en raison de la guerre. Evoquant une "avancée" à l'issue d'un sommet à Téhéran avec ses homologues turc Recep Tayyip Erdogan et iranien Ebrahim Raïssi, il a immédiatement posé des conditions.

"Nous faciliterons l'exportation des céréales ukrainiennes, mais en partant du fait que toutes les restrictions liées aux possibles livraisons à l'export des céréales russes soient levées", a-t-il déclaré.

La guerre a entraîné un bond des cours des céréales (blé, maïs), insoutenable pour les pays les plus dépendants pour leurs importations, comme l'Egypte, le Liban ou la Tunisie.
 

AFP

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