Justice

Attentat de la rue des Rosiers en 1982: un seul suspect arrêté, clamant son innocence

  • Publié le 8 août 2022 à 11:13
  • Actualisé le 8 août 2022 à 11:39

Etait-il un "Palestinien militant" ou un "exécutant" du groupe Abou Nidal? Quarante ans après l'attentat de la rue des Rosiers dans le quartier juif de Paris, le seul suspect aux mains de la justice française clame toujours son innocence, ses avocats dénonçant la recherche "d'un coupable à tout prix".

Extradé en décembre 2020 par la Norvège, ce Palestinien naturalisé Norvégien de 63 ans, dont le nom complet est Walid Abdulrahman Abou Zayed, est depuis mis en examen pour assassinats et tentatives d'assassinats et incarcéré.

Les juges antiterroristes français le soupçonnent d'être l'un des tireurs de l'attentat.

Au total six personnes avaient été tuées et 22 blessées le 9 août 1982 dans l'explosion d'une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg puis dans une fusillade dans le quartier juif historique du Marais.

L'attentat a depuis été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d'Abou Nidal, groupe palestinien dissident de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).

- "Limbes de l'Histoire" -

Abou Zayed conteste jusqu'à sa présence en France au moment des faits. "La commémoration de cet attentat ne doit pas faire oublier qu'il y a dans cette affaire un homme détenu qui clame son innocence. Répondre au terrorisme, c'est y opposer l'Etat de droit, pas l'Etat qui venge, ni celui qui cherche un coupable à tout prix", pointent ses avocats Mes Bruno Gendrin et Romain Ruiz.

"La poursuite de notre client répond à un pur fantasme judiciaire, celui de découvrir une vérité qui s'est depuis longtemps perdue dans les limbes de l'Histoire", avancent-ils. "La justice antiterroriste ne consiste pas à faire plaisir à la société, aux victimes ou à leurs ayants droit, elle est là pour mettre de la raison là où il n'y en a plus".

Aîné de huit enfants, Abou Zayed est né en 1958 en Palestine, près de Jenine, de parents paysans. Il travaille dans le bâtiment, adhère au Fatah en 1981, et part dans un camp d'entraînement en Syrie, selon son récit résumé dans des documents consultés par l'AFP. De 1982 à 1983, il raconte avoir séjourné au Liban. Quant au Fatah-CR, il soutient ne rien vouloir en savoir. Il se marie en 1985, a deux enfants. En 1991, il émigre avec de faux papiers en Norvège, qu'il ne quitte plus.

- Trois témoignages "concordants" -

Selon Me Ruiz, Abou Zayed a appris le maniement des armes comme "tous les Palestiniens militants" et n'est jamais allé en France. Mais depuis le début des années 2010, les juges d'instruction français le soupçonnent d'avoir appartenu au commando.

Ils soulignent notamment des omissions, imprécisions et contradictions sur son parcours au début des années 1980 lors de ses interrogatoires.

Les magistrats s'appuient également sur des notes du renseignement et sur trois témoins, se présentant comme des anciens membres d'Abou Nidal, entendus par les enquêteurs entre 2011 et 2015. Deux évoquent Abou Zayed comme membre du commando; l'un d'eux, sous le couvert de l'anonymat, le décrit comme un "exécutant très important de 1977 à 1984" de l'organisation.

Pour la chambre de l'instruction, qui a validé sa mise en examen, l'ancienneté des faits "ne suffit pas" à discréditer leurs témoignages, par ailleurs "concordants".

Les juges pensent avoir identifié trois autres suspects, deux localisés en Jordanie, dont le cerveau présumé de l'attentat, et un troisième en Cisjordanie, mais la Jordanie a refusé à plusieurs reprises leur extradition.

Les chances qu'ils soient un jour remis à la France sont "très minces", reconnaît Me Avi Bitton, avocat de parties civiles qui "attendent désespérément" un procès.

"Depuis 40 ans, la justice française ne baisse pas les bras mais elle se heurte à d'inacceptables obstacles politiques", déplorent Mes Pauline Manesse et Gérard Chemla, avocats d'une famille et de la Fédération nationale des attentats et des victimes d'accidents collectifs.

A la veille de la célébration mardi du 40e anniversaire de l'attentat, en présence du ministre de la Justice, les avocats des parties civiles appellent les autorités françaises et internationales à des actions concrètes pour faire exécuter ces mandats d'arrêt. "Le président de la République a redit le 17 juillet à Pithiviers sa détermination à lutter contre l'antisémitisme.

Le procès des assassins de la rue des Rosiers en fait partie", estiment dans le JDD Mes Ariel Goldmann, Alain Jakubowicz, David Père et Francis Szpiner, autres avocats de parties civiles.

Ils jugent "également indispensable que les victimes de cet attentat puissent être reconnues dans leur statut de victimes d'acte de terrorisme".

AFP

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