Ramena (Nord de Madagascar)

Le village où l'on pêche

  • Publié le 13 décembre 2008 à 00:00

On est plutôt content ce matin sur la plage de Ramena. Un peu plus de 300 kilos de poissons sont déchargés des deux barques que l'on a soigneusement remontées sur le sable. Les hommes et les femmes ne seront pas partis en mer dès 5 heures 30 pour rien

"On ramène toujours quelque chose" note Marcel Manuel, un pêcheur de 54 ans, propriétaire de sa barque. Il ajoute , "mais il y a moins de poissons qu'avant, alors quelquefois on rentre avec 3 ou 4 kilos". Une catastrophe. Car la pêche est l'activité quasi unique de ce village situé à une vingtaine de kilomètres de Diégo Suarez (Nord de Madagascar). C'est de son produit que vivent les 4 300 habitants de l'endroit. "Il n'y a pas d'autre travail par ici" remarque Marcel Manuel. Assis par terre devant sa petite maison en bordure de plage, il remaille soigneusement un filet. "Il faut le faire tous les jours. Le corail déchire les filets" dit-il.
C'est que la technique de pêche des habitants de Ramena est simple. Un groupe de villageois, hommes et femmes, partent en mer très tôt le matin sur 2 ou 3 barques. Ils laissent dériver leurs filets dans le sillage des bateaux et ramènent le tout sur la plage en milieu de journée. Ils ramassent ainsi petits et gros poissons. Pas question ici de taille et de quota à respecter pour protéger la faune marine. "Même s'il y a moins que poissons, il y en a toujours beaucoup" affirme Marcel Manuel. Et de toute façon comment parler de protection de l'environnement dans un village où le seul moyen de ne pas mourir de faim, au sens propre du terme, est de pêcher?

En groupe

Alors les habitants de Ramena continuent de pêcher. Tous les jours sur la plage vers midi, les poissons tout juste capturés sont d'abord équitablement partagés entre tous les pêcheurs du groupe, il peut compter jusqu'à 30 personnes, puis vendus. Directement sur la plage, aux restaurants des environs ou sur le marché de Diégo. Selon la taille et la qualité gustative du poisson, le kilo est vendu entre 1 500 et 10 000 francs malgaches (FMG) soit entre 12 et 80 centimes d'euros.
En général Marcel Manuel vend le kilo 5 000 FMG (40 centimes d'euros). Lorsque la mer est généreuse, il peut compter sur un revenu hebdomadaire de 50 000 FMG (4 euros). Mais dans les mauvais jours, il lui arrive de ne pas dépasser les 10 000 FMG par semaine. Ce qui n'est pas grand-chose pour subvenir aux besoins de sa famille, il est marié et père d'un petit garçon de 2 ans. Il faut savoir que le riz - l'aliment de base -, est vendu 1 250 FMG le "kapok" (une mesure équivalente à 200 grammes) et qu'un ménage comme celui de Marcel Manuel consomme environ 10 kapoks par semaine ce qui équivaut à 12 500 FMG (1 euro). Quant au loyer pour la maison, deux petites pièces en "dur" avec une cour, il est de 100 000 FMG par mois (8 euros). Donc si Marcel Manuel enchaîne 4 bonnes semaines, il arrive à un revenu mensuel de 200 000 FMG. Il en retire 100 000 pour le loyer et 50 000 pour la ration mensuelle de riz, il reste donc 50 000 FMG. C'est sur cette somme qu'il paiera toutes les autres dépenses: aliments pour le bébé, vêtements, médicaments, bougies, carburant pour la barque etc.

Pour les touristes

"C'est sûr que la vie est dure et qu'il faut beaucoup travailler pour arriver à nourrir sa famille, mais les gens ici sont très courageux" commente Ali Chamsi, maire de Ramena depuis 1996. Sous son majorat, le village a été électrifié - par souci d'économie beaucoup de famille continuent d'utiliser les bougies -, et équipé de 5 bornes d'eau potable. Ancien pêcheur lui-même, Ali Chamsi s'est recyclé dans une autre activité. "J'ai aménagé mon bateau de pêche en y installent des bancs et en le recouvrant d'une bâche pour protéger les passagers du soleil et je propose aux touristes de faire un tour en mer" raconte avec fierté Ali Chamsi.
La région en général et le village en particulier attire en effet de plus en plus de touristes. Il faut dire que le paysage est magnifique et que les sites à visiter ne manquent pas. Ramena est le point de départ de randonnées vers les fameuses baies de Diégo (Sakalava, Dunes et Pigeons) et de sorties maritimes, vers la mer d'émeraude notamment.
Le tourisme peut donc être considéré comme une possible voie de développement. En attendant Marcel Manuel sait déjà qu'il n'encouragera pas son fils à devenir pêcheur. "On travaille trop dur pour gagner une misère. Mon fils ira à l'école, il aura de l'instruction et fera autre chose" croit-il fermement.
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