
Il est 14 heures ce lundi 17 mars 2014. Le bateau de l’équipe chargée de l’étude sur l’efficacité des vigies-requins arrive sur la zone de test, autour de la bouée des Roches Noires, à près de 300 mètres du rivage, face à la plage. À son bord, Antonin Blaison, spécialiste du comportement des requins à l’IRD et directeur de l’étude, Juliette Robert, coordinatrice du programme et collaboratrice de l'IRD, et des membres de la ligue de surf.
Depuis le 1er février, leur activité quotidienne consiste à mettre à l’épreuve le dispositif et son effet répulsif sur les squales, dans le but de le pérenniser afin de sécuriser les spots de surf. Dans un carré de 30 mètres de côté cerné de caméras, il s’agit de tenter de provoquer – d’ici fin avril – une vingtaine d’interactions entre une vigie (un apnéiste) et un requin afin d’obtenir des données fiables sur la réaction des prédateurs. Ils sont épaulés pour cela par une trentaine de plongeurs bénévoles se relayant à leurs côtés.
Si le principe est a priori assez simple, sa mise en œuvre s’avère bien plus complexe. Surtout car jusqu’ici, aucun requin ne s’est présenté… Les détections effectuées grâce aux marquages indiquent bien leur présence dans les environs, mais pas un n’a succombé aux "attractants" installés au cœur de la zone. "Pour l’instant ce n’est pas si alarmant que ça, car d’après les données du programme CHARC le pic de présence aux Roches Noires commence mi-mars, début avril", estime toutefois Antonin Blaison. "On espère que dans les prochains jours, on commence à avoir des requins qui viennent au contact", ajoute-t-il.
"Ce n'est pas de l'appâtage"
Ce lundi est ainsi une nouvelle journée d’espoirs. Depuis un mois et demi, l’impatience grandit de pouvoir enfin observer une interaction entre une vigie et un requin. Mais les contraintes sont nombreuses et le comportement d’un animal sauvage difficilement prévisible. Alors il faut prendre son mal en patience.
Comme chaque jour, le protocole débute par une première plongée pour étudier la visibilité. Ce lundi en début d'après-midi, l’eau est claire en profondeur, mais trop épaisse en surface pour installer les caméras. Il faut attendre.
Vers 15 heures, les conditions sont réunies. Les plongeurs retournent à l’eau, munis de corps morts équipés chacun de deux caméras. Mais le courant est fort, l’installation n’est pas aisée, demande du temps et des efforts.
Une fois la tâche finalement accomplie, il est alors temps de placer les "attractants" au cœur du carré d’étude : un attractant auditif – un enregistrement de bruits de carangue – et un attractant olfactif – des maquereaux disposés dans un tambour de machine à laver. "Le but n’est pas d’attirer les requins, mais seulement de forcer ceux qui sont déjà sur place à faire un détour", explique Julie Robert. "Ce n’est pas de l’appâtage", insiste-t-elle. "Il n’y a pas d’accès à la nourriture, mais uniquement des odeurs et des sons."
La pollution, un nouveau paramètre
Tout le dispositif est installé, mais il faut encore patienter, le temps que les odeurs de poisson se diffusent. Si un requin se présente, un mannequin sera immergé pour tester la réaction du squale. Vers 16h30, les plongeurs redescendent pour une vérification, caméras vissées sur la tête. Mais ils n’auront rien à filmer, si ce n’est des dizaines de poissons morts flottants à la surface, de plus en plus nombreux ces jours derniers. Cette pollution dont l’origine est encore indéterminée est un nouveau paramètre à prendre en compte. L’équipe n’avait sans doute pas besoin de ça. "Ça n’a jamais été aussi sale…", constate d’ailleurs Antonin Blaison.
Vers 16h50, la pluie commence à tomber, la visibilité redevient mauvaise. Décision est prise de relever les caméras et les attractants. La première interaction ne sera pas pour ce lundi, mais il reste encore à visionner – comme chaque soir – les vidéos enregistrées.
Attendre, c’est le lot quotidien des membres de l’étude. Mais c’est toute l’histoire des vigies-requins qui est une affaire de patience. Né en 2012 à l’initiative de la ligue de surf à l’Etang-Salé, le dispositif avait offert quelques promesses d’efficacité. Mais une mission interministérielle avait jugé l’année suivante qu’il ne présentait pas suffisamment de garanties, notamment sur la sécurité. Manquait également une caution scientifique et technologique.
C’est en ce sens qu’a été lancée cette étude des vigies "renforcées", avec de nombreuses caméras et l’apport de l’IRD. Si l’équipe parvient à obtenir suffisamment d’interactions probantes, le dispositif sera étendu aux différents spots de surf avec l’objectif de relancer les activités nautiques. À terme, les vigies pourraient également être équipées de pistolets répulsifs.
Devenir un "modèle" dans la réduction du risque
On n’en est pas encore là, même si Fabienne Couapel-Sauret, vice-présidente de la Région – qui finance le projet à hauteur de 85 % –, veut se montrer optimiste. "On sait qu’il y a des requins marqués et d’autres non marqués autour du littoral de La Réunion, donc il appartient aux pouvoirs publics de mettre les moyens pour prendre des mesures efficaces pour réduire le risque requin, et j’estime que vigie-requin fait partie des meilleures solutions aujourd’hui", confie-t-elle. "À travers vigie-requin, on montre le modèle que peut devenir La Réunion dans la réduction du risque requin", poursuit-elle.
Si le système des vigies a déjà été ponctuellement utilisé en Australie, seule La Réunion envisage en effet de l’installer de matière pérenne pour sécuriser des spots de surf. Mais encore faut-il des garanties. Si les membres de l’équipe chargée de l’étude ne désespèrent pas, atteindre la vingtaine d’interactions nécessaires d’ici la fin avril apparaît malgré tout compliqué.
L’étude pourrait alors être prolongée, ce qui nécessiterait de nouvelles discussions entre les différents partenaires. Les surfeurs n’ont peut-être pas encore fini d’attendre…
Guilhem George pour www.ipreunion.com
9 Commentaire(s)
Alors que la prolifération est avérée... paradoxalement, 20 interactions relèvent du fantasme scientifique...
nos requins sont des tueurs extrêmement méfiants, arrêter de gaspiller l'argent des contribuables...
nous ne sommes pas dans un lagon en Polynésie ou les requins de récifs viennent en grand nombre à la rencontre des humains...
A quand le début des actions de pêche ?
Nous aurait-on menti pour des interets très particuliers?