Biodiversité

La Perruche verte des Mascareignes (peut-être) bientôt réintroduite à La Réunion

  • Publié le 8 août 2022 à 10:29
  • Actualisé le 8 août 2022 à 14:06

Si le papangue, le tui-tui, le pétrel de Bareau ou encore le fameux "zoizo" lunette ont tous la côte, ces derniers partageront peut-être d'ici quelques années le feu des projecteurs avec un nouveau venu. Enfin, pas si nouveau que ça puisque la perruche verte des Mascareignes vivait autrefois sur notre île. Disparue au 18ème siècle, à cause de la déforestation et du braconnage, elle n'a survécu qu'à l'île Maurice. Fin mai 2022, la Société d'études ornithologique de La Réunion (Seor) a terminé son étude devant permettre la réintroduction de cette espèce dans nos forêts. Pour en savoir plus sur le retour de cet oiseau dans nos forêts, Imaz Press a interrogé Kalyan Leclerc. Cet ancien salarié de la Seor, responsable du projet oeuvre désormais pour la restauration écologique en milieu insulaire. (Photos : Seor)

Nous parlons de réintroduire une espèce. Mais avant d'arriver à cette étape, peut-on savoir comment vivait cet oiseau avant qu'il ne disparaisse ? Vivait-il plus sur le littoral ou dans les hauteurs de l'île ?

La Perruche verte des Mascareignes a pour spécificité de vivre uniquement dans des forêts humides de basse et moyenne altitude, comme la Forêt de Bois d'Couleurs des Bas qu'on retrouve du côté du Grand Brûlé. Elle n'en sort jamais et c'est justement cette stricte dépendance qui a conduit à sa quasi disparition dans les Mascareignes.

Comment a germé l'idée de réintroduire cette espèce à La Réunion ?

Nous ne sommes pas les premiers à vouloir réintroduire la Perruche verte des Mascareignes. C'est un vieux projet. La première fois c'était en 1975, on voulait conserver les forêts de basse altitude, et en particulier la présence de grands arbres. A l'époque, cela n'a pas pu se faire car du côté de Maurice, il ne restait plus qu'une douzaine d'individus. Il aura fallu attendre une pré-étude de faisabilité technique en 2000, différentes relances, pour qu'en mars 2021, la Seor puisse renouveler une étude de faisabilité en adhérant à un programme Feder financé par l'Union Européenne, et co-financé par la Région et le Département.

Qu'a révélé cette étude menée par la Seor ?

Globalement, l'étude a permis de déterminer l'ensemble des moyens matériels et humains dont nous aurions besoins pour établir une population viable de l'espèce. En ce qui concerne les moyens humains, il nous faut mettre en place une coopération régionale avec l'île Maurice étant donné que c'est le seul endroit des Mascareignes où l'animal a survécu à la colonisation.

Outre cet aspect, l'étude a aussi révélé l'intérêt écologique qu'il y avait de réintroduire la Perruche verte. À La Réunion, nous avons des arbres produisant de gros fruits charnus. Je pense au Ti natte, au Takama ou encore au Bois d'Pomme. Le seul souci est que pour le moment aucune espèce ne peut les disséminer. Donc, ils peuvent difficilement se régénérer. Et c'est sur cette régénération et dissémination que la Perruche verte interviendrait.

L'espèce a disparu de La Réunion depuis le 18ème siècle, sa réintroduction ne pose-t-elle pas des soucis au niveau de notre écosystème ? La perruche verte peut-elle menacer la faune locale ?

Il faut savoir qu'une période d'absence de 200 ans, c'est très court à l'échelle de l'évolution des espèces. L'habitat et l'alimentation de la Perruche verte des Mascareignes sont restés vacants jusqu'à présent. Le Merle péï est le plus gros frugivores des forêts réunionnaises. En revanche, il ne peut pas consommer des fruits de plus de 13 millimètres de large. Ce qui n'est pas le cas de son homologue, la Perruche verte qui peut consommer des fruits deux fois plus gros, comme ceux du Takamaka.

A l'heure actuelle, cette ressource est abondante et malheureusement, inutilisée par la faune existante. C'est pourquoi nous devons retrouver à terme, un oiseau disperseur dans nos forêts réunionnaises. Je préciserai également qu'avant sa disparition, l'espèce vivait en parfaite cohabitation avec les espèces actuelles. Il n'y a donc pas de risque mais nous mettrons quand même en place un protocole bien spécifique.

Pour réintroduire cette espèce, ne faut-il pas des autorisations ?

Effectivement, ça ne se décide pas du jour au lendemain. La première étape est avant tout une mise à jour réglementaire, de deux arrêtés ministériels. Cela nous permettrait d'inclure cette espèce sur la liste des espèces protégées et d'autoriser son relâcher à La Réunion.

Cette modification réglementaire prendrait environ 2 ans durant laquelle il y aura une sollicitation du préfet de La Réunion, une phase de consultation institutionnelles, plusieurs niveaux de consultations publiques, autant à l'échelle locale qu'à l'échelle nationale. Et enfin, il nous faudrait la modification des textes en eux-mêmes au niveau des ministères de l'écologie et de l'agriculture.

Une fois les autorisations et modifications obtenues, comment procède-t-on ?

Comme je l'ai dit précédemment, la Perruche verte a besoin d'un environnement de vie spécifique. La prochaine étape serait donc d'aménager un site de réintroduction à proximité de Mare Longue à Saint-Philippe. C'est la zone la plus favorable pour une réintroduction de l'espèce.

Sur ce site, il y aura une volière de relâcher pour permettre des relâchés progressifs des individus. Une station de terrain est également prévue étant donné qu'il nous faut héberger l'équipe en charge de la protection et du suivi de l'espèce. Un module de médiation va aussi se mettre en place pour sensibiliser les visiteurs par de l'observation à distance.

C'est uniquement lorsque ces éléments seront mis en place que la réintroduction pourra commencer. Au départ, il n'y aura qu'un groupe pilote dix individus.

Vous nous dîtes que c'est un partenariat avec l'île Maurice. Dans quelles mesures ? 

Alors, les jeunes individus, c'est-à-dire les Perruches vertes des Mascareignes seront prélevés à Maurice. Nous nous appuyons aussi sur leur expertise car les institutions de Maurice, notamment la Mauritian Wildlife Foundation, le National Parks and Conservation Services (NPCS) et du Durrell Wildlife Conservation Trust maîtrisent totalement les différentes techniques de réintroduction, étant donné que la Perruche verte des Mascareignes a été réintroduite dans plusieurs secteurs de Maurice, où elle avait disparu, à la Vallée de Ferney plus précisément.

Si l'on fait venir l'animal depuis Maurice, n'y a-t-il réellement aucun risque ?

Alors c'est justement un point que notre étude de faisabilité a pris en compte. Et c'est là tout l'enjeu d'appliquer un protocole précis. Les dix individus prélevés de Maurice seront maintenus dans une volière de quarantaine dans le but de confirmer l'absence des pathogènes listés comme problématique par notre Plan de maîtrise sanitaire.

Dans la pratique, les animaux qui ne seront pas concernés par ces pathogènes pourront être acheminés jusqu'au site de relâcher. Ils y seront maintenus durant 14 jours afin de les habituer à leur nouvel environnement. Leur relâche se fera progressivement dans le milieu naturel et bien sûr, on les équipera d'un dispositif de suivi pour déterminer précisément leur localisation.

Afin de constituer une population viable, c'est-à-dire une population avec une diversité génétique suffisante, le Plan opérationnel de réintroduction de l'espèce prévoit une opération de relâcher par an, de vingt individus à la fois, sur une période de 4 ans après le premier relâché du groupe pilote.

Les oiseaux seront suivis par une équipe qui sera également en charge de leur protection, de la surveillance de la zone, et de la sensibilisation du public.

Depuis la colonisation de l'île par l'Homme, nous avons perdu environ 70% de nos espèces d'oiseaux endémiques, soit une vingtaine d'espèces qui n'existaient nulle part ailleurs dans le monde. Réintroduire la Perruche verte des Mascareignes à La Réunion permettrait finalement de redonner à notre milieu insulaire un peu de son équilibre.

Propos recueillis par mp/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com


 

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5 Commentaires
Kikidi
Kikidi
1 an

Vivement que les espaces commentaires disparaissent !

jlouis de cambuston
jlouis de cambuston
1 an

et que fera t on des perruches à collier déjà fort bien implantées dans l'ile' à premiere vue ces de deux types de perruches sont tres voisines!

Jerome
Jerome
1 an

Il faut arrêter de dire importe quoi.Il est actuellement impossible de réintroduire cet oiseau a la réunion.Les perruches a collier sont aujourd hui naturalisé ici. Le risque d'hybridation est trop important.Donc arrêtéz de jeter l'argent par les fenêtres.C'est comme pour les lézard orange. Offrez 50 cents a chaque lézard rapporte à la daaf et vous verrez dans 2 mois ya plus de lézard orange

MôvéLang
MôvéLang
1 an

'' Jose ''Peut-être que ce seront les chatt marrons, qui s'en occuperont, il ne faut pas oublier que d'un côté, on a des prédateurs protégé par la société de protection humaine et de l'autre par la société de protection animale.

Jose
Jose
1 an

Nos poseurs de colle vont très vite les faire re-disparaitre !