
Les femmes au pouvoir
Pour la première fois dans l’histoire de La Réunion, ce ne sont pas moins de 4 femmes qui dirigeront des communes réunionnaises dont deux qui seront à la tête des deux plus grandes communes de l’île.
Ericka Bareigts devient ainsi la première femme maire de Saint-Denis, en battant largement Didier Robert avec 58,74% des voix contre 41,26% pour son adversaire. L’alliance entre Ericka Bareigts et Nassimah Dindar semble avoir suffisamment convaincu les électeurs réunionnais. Le président de Région quant à lui enregistre une défaite décisive et importance à moins d’un an des élections régionales, ce qui constitue un signal très négatif pour le patron d’Objectif Réunion.
Huguette Bello quant à elle fait son grand retour à Saint-Paul en l’emportant très largement (62%) face à l’attelage dirigé par Alain Bénard, avec le soutien de Joseph Sinimalé et de Jean-François Nativel (38%).
Mathématiquement, les trois hommes dépassaient le cap des 50% des voix pourtant. Néanmoins, leur inimitié et les attaques lancées tout au long de la campagne ne semblent pas avoir convaincu les Saint-Paulois qui n’ont pas reporté leur voix vers leur ancien maire. Bien au contraire, il s’agit très clairement d’un vote sanction à l’encontre de Joseph Sinimalé, mais aussi du choix stratégique hasardeux d’additionner les voix de candidats qui n’avaient que très peu d’accointances.
La victoire d’Huguette Bello annonce d’ores et déjà la tenue prochaine d’élections législatives partielles sur sa circonscription, le maire du Port, Olivier Hoarau, suppléant de la députée, confirmant sa volonté de ne pas siéger à l’Assemblée Nationale.
La grande surprise de ce scrutin est la victoire de Juliana M’Doihoma à Saint-Louis. La jeune femme écrase ses concurrents avec 42,3% des voix, devant Claude Hoarau (32,9%) et Cyrille Hamilcaro (24,8%).
C’est bien sûr un moment historique à Saint-Louis où l'on oscillait ces dernières années entre les deux "CH". Claude Hoarau avait pourtant réussi à faire l’union de la gauche derrière lui entre les deux tours. Son passif et le désir des Saint-Louisiens de tourner la page des deux anciens maires semblent avoir profité à "JMD".
A la Possession, Vanessa Miranville (64,75%) conserve facilement son fauteuil face à Philippe Robert (35,25%) qui n’a pas réussi à rattraper son trop important retard entre les deux tours.
Du sang neuf, un revenant et des restants
Autre fait marquant de ce scrutin, plusieurs communes voient l’arrivée d’un nouveau maire sur leur territoire à l’image de Saint-Benoît où Patrice Selly (41,99%) revêtira l’écharpe de premier magistrat dans les prochains jours pour tourner la page de Jean-Claude Fruteau.
L’avocat a vraisemblablement réussi à ramener vers lui les voix de gauche alors que le socialiste Philippe Leconstant avait décidé de rejoindre Patrick Dalleau (36,95%), investi par les Républicains. Une décision qui semble avoir été largement sanctionnée par les Bénédictins qui n’ont pas accepté cette alliance contre nature. Sabrina Ramin quant à elle enregistre 31,06% des voix.
A Saint-André, la page Virapoullé se tourne une fois de plus avec la victoire de Joé Bédier face à Jean-Marie Virapoullé. Au coude à coude jusqu’aux derniers bulletins, l’ancien adjoint d’Eric Fruteau l’emporte avec 50,73% des voix contre 49,27% pour l’ancien adjoint et fils de Jean-Paul Virapoullé.
Aux Avirons, Eric Ferrère succède à René Mondon, l’emportant avec 58,52%% des voix face à Roseline Lucas (41,48%). Surprise à Bras-Panon avec la victoire serrée de Jeannick Atchapa (39,11%) face au maire sortant, Daniel Gonthier (37,93%). Jean-Hugues Ratenon termine troisième avec 22,96% des voix.
A la Plaine des Palmistes, Johnny Payet succède à Marco Boyer grâce à ses 41,77% des voix. Il devance Sophie Arzal (37,38%) et Jean-Luc Saint-Lambert (20,85%).
Ce scrutin voit aussi le retour de Jacques Técher (54,44%) qui retrouve le fauteuil de maire qu’il avait perdu en 2001 face à son adversaire du jour, Paul Franco Técher (42,07%). Olivier Picard, quant à lui, enregistre un score de 3,49% des voix.
Enfin, outre Vanessa Miranville, 7 maires sortants conservent leur siège. Au Tampon, André Thien Ah Koon l’emporte largement avec 64,63% des voix face à Nathalie Bassire (35,37%) qui était soutenue par Monique Bénard.
A Sainte-Suzanne, la triangulaire a logiquement bénéficié à Maurice Gironcel qui l’emporte avec 47,67% des voix, devant la surprise Alexandre Laï Kane Cheong qui semble faire le plein des reports de voix (31,9%) et Daniel Alamelou (20,43%).
Même scénario, même résultat pour Daniel Pausé (54,88%) qui demeure maire de Trois Bassins grâce à sa victoire face à Roland Ramakistin (34,68%) et à Marie-Yveline Fain (10,44%).
Sans surprise, Bruno Domen, seul candidat à sa succession au second tour, l’emporte à Saint-Leu. A Sainte-Rose, Michel Vergoz (48,05%) conserve son siège devant Bruno Mamindy Pajany (44,4%) et Sully Hoarau (7,55%).
A l’Etang-Salé, Mathieu Hoarau (49,99%) a faillit créer une énorme surprise face Jean-Claude Lacouture (50,01%) qui l’emporte avec une petite voix d’avance.
A Sainte-Marie, Richard Nirlo (57,23%) qui était pourtant en ballotage défavorable suite à la fusion des listes Mallot/Sitouze/Annette/Cordeboeuf (42,77%) l’emporte finalement très largement et conserve son siège.
Là encore, la gauche semblait mathématiquement en position de l’emporter. De plus, contrairement à d’autres communes, cette alliance semblait logique compte tenu du la proximité idéologique entre les 4 personnalités. Les Sainte-Mariens n’ont pas suivi cette logique, préférant voter en faveur du maire sortant.
La défaite de Didier Robert
Didier Robert voulait être le grand animateur de ces élections municipales. Il est finalement le grand perdant de ce scrutin.
Candidat pour la mairie de Saint-Denis, Didier Robert enregistre une très lourde défaite face à Ericka Bareigts qui devient la première femme maire du chef-lieu de La Réunion. Lui qui voulait faire barrage à Nassimah Dindar et évaluer sa côte de popularité à moins d’un an des élections régionales peut s’inquiéter puisque c’est un signal très négatif que les Dionysiens ont adressé au patron d’Objectif Réunion.
Défaite personnelle pour Didier Robert, mais aussi défaite collective pour ce dernier dont les stratégies partout sur l’île n’ont pas marché. Au Tampon, sa candidate, Nathalie Bassire, est balayée par André Thien Ah Koon.
A Saint-Paul, Alain Bénard, Joseph Sinimalé et Jean-François Nativel n’ont pas fait le poids face à Huguette Bello. A Cilaos, la défaite de Paul Franco Técher est lourde, malgré le soutien du président de Région, tout comme celle de Daniel Gonthier à Bras-Panon. A la Plaine des Palmistes, le soutien qu’il a apporté à Sophie Arzal n’a pas payé.
A Saint-André, sa stratégie de soutenir plusieurs candidats face à Jean-Marie Virapoullé s’est retournée contre le fils de Jean-Paul Virapoullé qui est défait par Joé Bédier.
La victoire de Richard Nirlo à Sainte-Marie est davantage le fruit de la mobilisation du maire sortant et du clan Lagourgue pour inverser la tendance, plutôt que du soutien du président de Région.
A Saint-Louis, Didier Robert qui avait soutenu Cyrille Hamilcaro au premier tour n’avait pas apporté de soutien au second, pas même à sa vice-présidente à la Région, Juliana M’Doihoma, désormais élue maire. A l’Etang-Salé, la courte victoire (1 voix) de Jean-Claude Lacouture, soutenu par le patron d’Objectif Réunion, a de quoi inquiéter.
Seul lot de consolation, les victoires de Maurice Gironcel et de Richard Nirlo permettent à Didier Robert de toujours rêver d’une possible présidence de la Cinor. Les discussions seront très certainement intenses entre les différentes composantes de ces territoires en vue de l’élection prochaine à la présidence de cette collectivité stratégique.
La droite tendance Didier Robert est en tout cas la grande perdante de ce scrutin, alors que les Républicains de Michel Fontaine parviennent à limiter la casse, permettant ainsi au maire de Saint-Pierre de pleinement reprendre le leadership de la droite sur l’île.
La gauche en pôle position pour les régionales et les départementales
Avec la victoire d’Ericka Bareigts et d’Huguette Bello dans les deux plus grandes communes de La Réunion, la gauche est clairement la grande gagnante de ces élections municipales. Un signal fort en vue des élections départementales et régionales de 2021.
En ce qui concerne les départementales, la gauche peut rêver d’un basculement l’année prochaine. En effet, Cyrille Melchior qui figurait sur la liste d’Alain Bénard en ressort affaibli. La défaite de la droite à Saint-Paul et à Saint-Denis, deux territoires pourvoyeurs de nombreux conseillers départementaux, constitue un réservoir idéal pour la gauche en vue de la conquête du Palais de la Source.
La sénatrice Nassimah Dindar qui bénéficie de la victoire d’Ericka Bareigts pourrait faire partie des personnalités susceptibles d’être sur la ligne de départ en vue de présider le Département, tout comme Serge Hoarau, maire de Petite-Ile et vice-président du conseil départemental très en vue qui pourrait être le dénominateur commun entre la gauche et la droite.
En ce qui concerne les régionales, la défaite personnelle et collective de Didier Robert l’affaiblit très fortement. L’homme, déjà concerné par plusieurs affaires, qui doit faire face au fiasco de la Nouvelle Route du Littoral, enregistre là une défaite qui pourrait entraîner sa perte l’année prochaine.
Celui qui voulait faire dégager les dinosaures lors de ce scrutin vient en effet de perdre son duel à distance avec Michel Fontaine ou encore son ancien mentor André Thien Ah Koon. Il paye ainsi très cher sa volonté de désunir la droite réunionnaise lors de l’élection à la présidence du Département où il avait soutenu Jean-Claude Lacouture face à Cyrille Melchior, désunion qui est à l’origine de cette déroute des municipales.
Cette déroute pourrait là encore profiter à la gauche. Ericka Bareigts et Huguette Bello étant élues maires, cette configuration ouvre un boulevard au maire du Port, Olivier Hoarau dont la rumeur d’une candidature aux régionales se fait insistante. Ce dernier fut un des grands animateurs de ce second tour, soutenant avec brio plusieurs candidats gagnants ou ayant enregistré des scores très honorables, à l’image d’Alexandre Lai Kane Cheong à Sainte-Suzanne.
La grande victoire de l’abstention (une fois de plus)
Malgré un regain de participation (54,16% contre 42,80 au premier tour), l’abstention demeure très forte à La Réunion pour ce scrutin qui, habituellement, mobilise fortement les Réunionnais (70,77% au second tour en 2014). Signe, d’une part, que la crise sanitaire fait toujours peur et que, malgré l’allègement des conditions relatives aux procurations, la population n’a pas souhaité prendre le risque de se déplacer
L’autre motif de cette démobilisation se trouve certainement dans la défiance évidente et croissante de la population vis-à-vis de la politique locale. Promesses non tenues, alliances contre nature, trahisons et coups bas ont rythmé cette élection, démontrant que les leçons de la crise des gilets jaunes sont loin d’avoir été retenues.
Bien au contraire, un sentiment de "rien n’a changé" est clairement palpable au sein de la population réunionnaise, ce qui laisse présager une lassitude croissante lors des prochains scrutins.
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13 Commentaire(s)
Heureusement qu un jour nous avons obtenu le droit de vote en 1944 ... cent ans après les hommes ...
la voilà encore notre HISTOIRE, nous avons souffert de ségrégation, Et nous n avons rien déboulonné au niveau statues masculines non ?!? .....
NOUS Nous Sommes réjouies ...
ILS VOTENT TOUJOURS POUR LE MÊME CANDIDAT, ET AUCUNE ÉVOLUTION ENSUITE...