
Ce mercredi 12 mars 2014, la candidate d’Objectif Réunion au Tampon, Nathalie Bassire, a dénoncé une violente agression dont elle aurait fait l’objet lors d’une réunion publique qui se déroulait à Pont d’Yves. Selon elle, des partisans d’André Thien Ah Koon, après l’avoir insultée, l’auraient pris en chasse en voiture alors qu’elle quittait les lieux en compagnie de Didier Robert, manquant de provoquer un accident. Et la candidate d’évoquer "des pratiques de voyous que l’on pensait révolues". André Thien Ah Koon dément et menace de porter plainte pour diffamation.
La veille, mardi 11 mars, c’est Max Bénard, candidat sans étiquette à la mairie de Saint-Louis, qui avait retrouvé sa permanence incendiée. "Je constate que les mauvaises habitudes perdurent", soulignait-il, ne doutant pas que le feu soit d’origine criminelle. Quelques semaines plus tôt, Pascal Giraud, candidat à Bras-Panon, avait lui vu sa concession automobile subir le même sort à Saint-Denis. Un incident qu’il juge également lié à son engagement politique.
On pourrait également citer le cas d’une colistière d’Olivier Hoareau, candidat PLR au Port, ayant vu sa voiture caillassée, ou encore celui de Sarah Rupert, candidate PS à La Possession, qui avait elle aussi retrouvé son véhicule vandalisé. Sans oublier les témoignages d’intimidation ou de chantage existant encore au sein de certains services communaux.
Une histoire électorale émaillée de drames
Ce ne sont là que quelques exemples témoignant d’une réminiscence des liens entre politique et violences ayant été noués pendant des dizaines d’années à La Réunion. La population – notamment dans ses franges les plus jeunes – a parfois tendance à l’oublier, mais l’histoire électorale de l’île est émaillée de drames, d’affrontements, d’intimidations, de bourrages d’urnes... Des méthodes indignes d’une démocratie digne de ce nom.
Les exemples sont nombreux. À l’image des élections municipales de 1959 à Saint-Denis, opposant Gabriel Macé à Paul Vergès, se déroulant dans un climat de violence généralisée et au cours desquelles un jeune militant communiste de 17 ans, Eliard Laude, sera assassiné par des nervis. Quelques années plus tard, le 10 décembre 1967, c’est à Saint-André, lors d’une élection municipale partielle opposant Paul Vergès au Dr Dubard, qu’Édouard Savigny, sympathisant communiste, est battu à mort par des gros bras.
Durant les années 1960 et 1970, peu d’élections se déroulent dans le calme. Les militants s’affrontent dans la rue, mais la violence gagne aussi l’intérieur des bureaux de vote, où des assesseurs - souvent ceux des candidats communistes - sont frappés puis expulsés, avant que les urnes soient bourrées à ras bord.
En mars 1978, les élections législatives opposant Paul Vergès à Jean Fontaine sont de nouveau précédées d’une campagne d’une extrême violence où plusieurs militants communistes sont passés à tabac. Le 14 mars, après l'élection, des camionnettes communales conduites par des partisans de Jean Fontaine foncent sur des jeunes Portois, faisant 8 blessés graves. Rico Carpaye, âgé de 17 ans, n’y survivra pas. L'avenue du Port dans laquelle il a été tué porte aujourd'hui son nom.
Quand Huguette Bello et l'UFR se faisaient tabasser
Dix ans plus tard, en 1988, ces pratiques n’ont toujours pas disparu. Au mois de mai, au Tampon, une trentaine de militants communistes sont violemment interceptés par une quarantaine de partisans d’André Thien Ah Koon, alors député-maire. Un événement dont se fait l’écho à l'époque le journal Le Monde : "Ces derniers ont jailli d'une dizaine de véhicules, armés de barres de fer, de marteaux et de fusils, avec lesquels ils ont brisé les vitres des véhicules bloqués après avoir tiré une dizaine de coups de feu en l'air et lancé des grenades lacrymogènes." L’un des militants PCR, Jean-Bernard Grâce, a été très grièvement blessé : fractures du crâne, de la jambe droite et de deux côtes. Il aurait été "poursuivi par un véhicule qui a foncé sur lui, l'aurait heurté, renversé et traîné sur plusieurs mètres. Le conducteur aurait ensuite fait marche arrière en lui passant sur les jambes avant de faire demi-tour pour le percuter une troisième fois", écrit le journal.
Violences et affrontements ont ainsi perduré jusqu’au milieu des années 1990. La député-maire de Saint-Paul Huguette Bello peut en témoigner, elle qui fut tabassée le 23 mars 1994 en compagnie d’autres manifestantes de l’UFR (Union des femmes réunionnaises) par des nervis d’André Thien-Ah-Koon : "400 personnes en tenue de combat nous attendait", avait-elle relevé à l’époque. Il y aura 13 personnes blessées, dont 5 grièvement.
Depuis une vingtaine d’années, ces pratiques ayant rythmé les luttes politiques et les campagnes électorales durant une bonne partie de la seconde moitié du XXe siècle se sont fait de plus en plus rares. Mais les derniers événements – s’ils n’ont pas atteint le degré de violence des années passées – viennent rappeler que La Réunion n’en est pas encore totalement débarrassée.
Il convient de s'en souvenir, de s'en soucier, pour éviter la résurgence de pratiques aussi inaceptables qu'indignes.
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