À Saint-Denis

Les tags font la bombe

  • Publié le 12 août 2005 à 00:00

Ils tapissent les murs, les panneaux et les vitrines des magasins. À Saint-Denis, les tags sont partout. En moyenne 300 inscriptions sont effacées par la brigade anti-tags chaque semaine. Art à part entière ou acte de vandalisme ? Les avis sur ce phénomène urbain sont partagés

La surprise est désagréable lorsqu'on se réveille un matin et que l'on découvre de nombreuses inscriptions appliquées à la bombe pendant la nuit sur ses murs ou son portail. Ces inscriptions s'appellent des tags. Il s'agit d'une signature ou d'un pseudonyme écrits à la bombe. Apparus d'abord à New York, ils ont été révélés au public par le New York Times en 1971. L'article présente alors le cas d'un jeune homme de dix-sept ans, d'origine grecque, qui signe, sur les monuments et le métro, TAKI 183.
Depuis, les tags ont évolué et franchi les frontières. À La Réunion, ils font depuis longtemps partie de l'environnement urbain ordinaire . Tantôt, ils sont évoqués comme une forme de pollution et d'agression visuelle et tantôt, comme des ?uvres d'art. Légalement, les tags appartiennent en fait à la catégorie des graffiti : ce sont des inscriptions non-autorisées.

Des zones "à risques"

À Saint-Denis, les tags tapissent les murs, les devantures des magasins, les façades des grandes surfaces, les panneaux publicitaires ou de signalisation... Bref toutes les surfaces suffisamment grandes pour y déposer une ou plusieurs signatures. Les "zones à risques" sont le centre-ville, particulièrement la rue du Maréchal Leclerc, le Chaudron et les boulevards.
L'ampleur du phénomène est tel, que le service environnement de la mairie de Saint-Denis, (qui dispose déjà d'une petite équipe anti-tag), a conclu un accord avec le GLEM (groupement local d'employés pour la médiation), basée à Saint-Denis, pour le nettoyage de ces graffitis. Le GLEM a mis sur pied il y a deux ans, une brigade anti-tag. Celle-ci, explique Claudine Marouvin, directrice du groupement, travaille en étroite collaboration avec la mairie de Saint-Denis et la police. "Notre brigade est composée d'une équipe de six hommes. Nous intervenons 7 jours sur 7. La brigade doit parfois nettoyer jusqu'à 300 tags par semaine. L'équipe effectue aussi des relevés de terrain, fait des photos des tags et les renseignements sont ensuite transmis à la police et à la mairie ". Fait notable, les autorités policières arrivent parfois à identifier les tagueurs par leurs signatures.

Produits spéciaux

Le nettoyage des tags n'est pas simple. La méthode la plus facile est le recours aux bombes antigraff, lancées au karcher. Les tags les plus tenaces nécessitent souvent des produits spéciaux (appropriés selon le support tagué) et des "lingettes" imprégnées de solvants. Un travail long et minutieux, qui relève du mythe de Sisyphe. Car une fois nettoyées, les surfaces sont recouvertes très rapidement d'autres tags...
Les propriétaires de commerces n'apprécient que très modérément. Pour André, commerçant depuis plus de 20 ans, les tags "sont de véritables horreurs. Ce ne sont même pas des dessins. Ce sont des signes d'une jeunesse en pleine décadence". Lui préfère de loin, avoir peint sur les murs de sa boutique "la dodo lé la", plutôt que "des signatures diaboliques". Avis que ne partage pas Rico, qui habite le centre-ville. Même s'il n'aime pas "les inscriptions sauvages", il fait ressortir que "les tags fleurissent sur les murs en béton qui sont eux-mêmes des insultes aux paysages. La vraie délinquance, ce sont ces murs qui s'érigent dans les lotissements au mépris du code de l'urbanisme. Les proprios qui crient au loup lorsqu'ils découvrent des tags sur leur murs feraient bien de se rendre compte de l'affront indélébile qu'ils causent à la ville. Je pense qu'ils sont plus responsables pénalement que les quelques gamins qui jouent de la bombe à peinture".
Et les principaux concernés, les tagueurs, qu'en-pensent-ils ? Aurélien, 16 ans estime que "taguer est bien". Cette activité de signature s'est d'abord développée dans un contexte de sociabilité, dit-il. "Au collège, les jeunes le font. C'est la grande mode, je fais pareil, pour être dans le mouvemen". Pour Julien, 15 ans, taguer est "un moyen de s'exprimer, de s'imposer, d'imprégner sa marque, voire même son territoire. C'est cela le message. Dire et montrer qu'on existe". Ou la constante quête de l'identité.
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