Milieux naturels de La Réunion

L'invasion végétale

  • Publié le 9 juillet 2010 à 05:00

Les bénévoles de la société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement (Srepen) sont inquiets pour les milieux naturels réunionnais face aux dangers des espèces exotiques envahissantes. En conférence de presse ce jeudi 8 juillet 2010, à quelques jours de la présentation de la candidature de La Réunion au patrimoine mondial de l'Unesco, les bénévoles de l'association alertent les politiques, administratifs et décisionnaires sur l'urgence des mesures à prendre. Une lutte trop fragile contre les espèces envahissantes comme le goyavier serait fatale pour la biodiversité de l'île, mais aussi pour le précieux label de l'Unesco.

À quelques jours de la réunion de la commission de l'Unesco à Brasilia, René Squarzoni, président du conseil scientifique du Parc, a qualifié "d'extrémistes" ceux qui souhaitaient l'éradication du goyavier, "alors que tous les scientifiques reconnaissent l'arbre en tant qu'espèce envahissante et menaçante pour la biodiversité de l'île" s'insurge Joël Dupont, naturaliste de la Srepen.

Pour la candidature de La Réunion au patrimoine mondial de l'Unesco, les experts de l'union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ont mis en avant la biodiversité de l'île, c'est-à-dire la diversité des espèces végétales et animales. L'UICN a aussi relevé le nombre important d'espèces endémiques, uniquement présentes à La Réunion, comme les bois de couleurs, les fanjans, les tamarins, végétation originelle de l'île Bourbon.

Aux espèces indigènes, présentes naturellement sur l'île, s'opposent les espèces exotiques, "qui ont été introduites dans la plupart des cas par l'homme" explique Gisèle Tarnus. "Contrairement aux différentes cultures de la population réunionnaise, il n'y a pas de métissage possible entre les plantes exotiques et indigènes" précise Joël Dupont. Les premières, beaucoup plus compétitives, envahissent les terrains et détruisent les secondes. À La Réunion, la plus féroce de toute est le goyavier qui a colonisé de larges hectares en quelques dizaines d'années. "Naturellement, une espèce s'installe dans un lieu tous les 5 000 ans" compare Joël Dupont.

Pour le naturaliste, la disparition des espèces indigènes serait un "crime contre l'humanité". Joël Dupont argumente, "la biodiversité de La Réunion c'est 4 millions d'années d'évolution et nous détruisons l'écosystème en quelques années". Les îles sont en effet plus fragiles que les continents, car "la destruction de la végétation naturelle y est irrémédiable" explique-t-il. La Srepen est consciente des traditions réunionnaise et notamment de la place du goyavier dans les foyers. L'association rappelle, "nous ne pouvons pas vivre à un million d'habitants comme si nous n'étions que 5 000". Pour Joël Dupont, au même titre que le patrimoine culturel, "nous sommes responsables de notre patrimoine naturel. Cela ne nous viendrait pas à l'idée de détruire Notre Dame de Paris" interpelle-t-il.

De la confiture au rhum arrangé, le goyavier est dans toutes les cuisines pendant l'hiver austral. Le petit fruit rouge est aussi fêté tout un week-end à La Plaine des Palmistes. Mais parallèlement, la biodiversité de l'île est aussi mise en avant, pour faire venir les touristes ou classer La Réunion au patrimoine mondiale de l'Unsco. Face à ce paradoxe, Ian Mac Donald, scientifique sud-africain interroge "dans 50 ans, les touristes viendront-ils à La Réunion pour voir des milieux naturels uniques au monde ou pour manger de la confiture de goyavier?"

"Cultiver des goyaviers dans des vergers, et éradiquer les goyaviers sauvages" sont les alternatives proposées par la Srepen pour stopper l'invasion des milieux naturels. En agronomie, il serait possible de trouver "une espèce de goyavier qui ne se reproduit pas naturellement", espère Joël Dupont.

La Srepen a alerté les experts de l'UICN, dont elle est membre, sur la nécessité de lutter contre les espèces envahissantes pour préserver la biodiversité. "La Réunion pourrait se voir refuser le label mondial, ou se le faire retirer si cette lutte n'est pas effective" déclarent les naturalistes. Si la Srepen ?uvre depuis 35 ans pour la protection de l'environnement, en réalisant des études et des actions de sensibilisation, les membres de l'association sont las de leurs efforts et déplorent l'"inaction de ceux qui ont les moyens et le pouvoir".

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