Témoignage - Vivre avec le Sida à La Réunion

"Une maladie comme une autre"

  • Publié le 11 août 2010 à 05:00

Chaque année, près de 3 millions de personnes sont contaminées par le VIH dans le monde. Sur l'île, on compte 694 patients atteints du Sida. Un combat au quotidien, même si de nos jours nombreuses sont les améliorations des traitements antirétroviraux. Vivre avec cette maladie n'empêche pas d'avoir une vie normale. Bernard*, la trentaine a accepté de témoigner. Pour lui, il est important de montrer que l'espoir existe.

"J'aimerais dire aux gens de ne pas reproduire les mêmes erreurs que moi." Il y a 2 mois et demi, Bernard* découvre qu'il est atteint de la maladie. On lui diagnostique alors une douzaine de maladies infectieuses. "Je me suis senti mourir", précise-t-il. Les médecins pensent que cette contamination date depuis trois ans. Quand on lui demande alors pourquoi il ne s'est pas fait dépisté plus tôt, il répond tout simplement "par phobie des piqûres." Après des semaines d'hospitalisation, le trentenaire reprend peu à peu goût à la vie. "J'ai de nouveau l'appétit. Ce n'est pas tous les jours facile, mais je veux montrer qu'il y a de l'espoir. La vie est quelque chose qu'on nous a donnée, il faut la préserver."

Aujourd'hui, Bernard aime à nouveau. Son amour n'est pas contaminé. Toutes les précautions sont prises dans ce sens. "Cette personne a su abandonner son emploi pour s'occuper de moi. C'est une plus belle preuve d'amour, elle m'a accepté comme je suis." Du côté de sa famille, Bernard a préféré les ménager au départ. "Je n'ai pas voulu le dire tout de suite, j'ai attendu de me rétablir." Il avoue que l'annoncer à ses proches fut une libération.

Si Bernard a pu bénéficier du soutien de ses proches, d'autres, en revanche, ne l'ont pas. Même si les temps et les m?urs changent, le Sida reste malgré tout un sujet tabou, difficile à vivre dans la société réunionnaise. "Il faut apprendre à respecter les gens. L'être humain est borné," précise Bernard. Selon Marion Patoureau, docteur au Dépist'Ouest, "la séropositivité peut tout simplement être vécue comme une infection chronique". Un point de vue que partage également Catherine Gaud, docteur au service Immunologie du CHR de Bellepierre. "Il y a 20 ans, la maladie faisait peur. L'arrivée de la trithérapie en 1996 a aidé à dédramatiser la maladie. Aujourd'hui, un malade a une vie normale, une espérance de vie normale et une sexualité normale. On peut avoir des enfants. Et les personnes le vivent très bien", souligne-t-elle.

Sur l'île, 694 patients au total ont été suivis par les antennes Nord et Sud du CHR, selon un rapport de la COREVIH (coordination régionale de lutte contre l'infection due au virus de l'immunodéficience humaine) de 2009. "Une trentaine de nouveaux cas ont été recensés, pour dix décès", souligne Shantala Éthéocle, chargée de communication et de prévention à l'association RIVE. Les hommes sont plus touchés que les femmes (69,45% contre 30,55%). 84,5% des patients ont entre 30 et 60 ans. Il faut toutefois rappeler que "tout le monde est concerné, ce n'est pas une question d'orientation sexuelle, ni une question d'âge".

D'ici 2050, les experts espèrent notamment une baisse de plus de 90% des contaminations. "Dans un monde idéal", souligne Catherine Gaud. Le traitement comme prévention est peut-être une solution possible d'éradication de la maladie sur le mode épidémique. Il est vrai qu'aujourd'hui les traitements sont plus efficaces et d'ailleurs avec moins d'effets secondaires. Et, en ce qui concerne un possible vaccin, "il n'y a aucune piste pour le moment", déclare le docteur.

"Le plus dur à vivre, ce n'est finalement pas le traitement en lui-même mais bel et bien les paperasses", termine en riant Bernard.

*Prénom d'emprunt

Émilie Sorres pour
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