Mortalité maternelle périnatale 4 fois plus élevée qu'en Métropole

Il faut sauver les mères

  • Publié le 18 mai 2011 à 06:00

Avec 26 décès pour 100 000 naissances sur la période 2001-2006, La Réunion affiche un taux de mortalité maternelle périnatal bien plus élevé qu'en métropole alors que les futures mamans sont très suivies. En pleine élaboration du schéma d'organisation sanitaire de l'île, l'Agence Régionale de Santé (ARS) voudrait casser ce paradoxe. En la matière, beaucoup reste à faire.

La publication en janvier 2010 des chiffres de l'étude sur la mortalité périnatale a fait l'effet d'une bombe dans le monde médical de l'île. Cette étude de l'INSERM établit que le taux de mortalité des mères réunionnaises est de 26 pour 100 000 naissances, près de quatre fois plus qu'en métropole. Un taux beaucoup trop élevé au regard des moyens disponibles : à La Réunion, les femmes enceintes sont très suivies et très consommatrices de soins.

Si sept visites médicales et trois échographies sont indiquées pour suivre une grossesse, à La Réunion ce sont plutôt 9 visites de contrôle et 4 à 5 échographies qui sont pratiquées. Beaucoup d'actes, beaucoup d'échographies, beaucoup de prescriptions mais toujours autant de problèmes.... Sans compter que l'île est très bien dotée concernant l'effectif de sages-femmes, a priori les premières concernées par le suivi de grossesse.

Alors où est le problème? Les équipements et le nombre d'actes pratiqués sont comparables à la métropole mais la mortalité maternelle périnatale est bien plus élevée. Si le problème ne vient pas de la quantité, il vient donc de la qualité? La question est posée.

Ces très mauvais résultats, l'ARS veut les combattre. L'agence rédige actuellement le schéma régional d'orientation des soins pour lequel tous les professionnels de santé publics et libéraux sont consultés. L'idée : réduire de moitié l'écart avec la métropole en trois ans. Mais les négociations sont âpres et impliquent une refonte du système de prise en charge des jeunes mamans. Donc des efforts de la part de chacun.

Premier point : l'ARS voudrait proposer un service d'embolisation artérielle disponible 24h sur 24 dans les quatre micro régions de l'île. Cette technique permet d'arrêter une hémorragie de la délivrance sans recourir à la ligature de l'artère ou pire, l'hystérectomie. Le hic? Elle n'est disponible en permanence qu'au centre hospitalier de Saint-Pierre. Ailleurs dans l'île, on fait selon les disponibilités.

Nul besoin de dire que les contractions d'une future maman et son accouchement n'ont que faire des horaires de disponibilité. Or, l'hémoragie de la délivrance est à la principale cause de décès périnatal. Le problème, est qu' hormis l'embolisation artérielle, les moyens de stopper une hémorragie de la délivrance sont limités.

Pratiquée en dernier recours, l'hystérectomie, qui consiste à enlever l'utérus de la patiente, entraine une stérilité définitive... "C'est inacceptable", estime le docteur Anh-Dao Nguyen, médecin inspecteur de santé publique, en charge de la périnatalité pour l'élaboration du prochain schéma d'organisation des soins.
 
Mais là aussi le bât blesse : la morbidité, c'est à dire les pathologies qui résultent de l'accouchement ou de la grossesse, n'est pas chiffrée à La Réunion. Seule la maternité de Saint-Pierre rédige un rapport sur le sujet et est en mesure de fournir des chiffres récents. Difficile d'améliorer un problème que l'on ne peut quantifier. "L'ARS se donne pour objectif de mettre en place ce signalement dans toute l'île", indique encore le docteur Nguyen.

Troisième objectif : l'amélioration des pratiques professionnelles, grâce des audits cliniques ciblés, notamment sur la prise en charge de l'hémorragie post-partum. Dans son rapport, l'INSERM compare la situation des DOM à celle des pays d'Europe de l'Est. Un électrochoc pour les professionnels de santé de l'île, bien conscients qu'aujourd'hui les améliorations ne peuvent plus attendre.

Que faire ?  Le 12 mai dernier, les sages femmes sont descendues dans la rue pour réclamer une meilleure reconnaissance de leur travail. Et dans le problème de la morbidité maternelle périnatale elles estiment qu'elles ont leur rôle à jouer.
 
"La mortalité maternelle en périnatalité est un des meilleurs indicateurs du bon fonctionnement du système de soins périnatal", indique Sylvie Laberibe, sage-femme et représentante de l'ONSS (organisation nationale des sages-femmes). Pour elle, le meilleur moyen de faire baisser le chiffre, est de mettre la sage-femme au centre du système de soins périnatal. "Les compétences des sages femmes ne sont pas utilisées à 100%", estime-t-elle.
 
A La Réunion, 70 à 80% des grossesses sont suivies par des médecins généralistes, notamment en raison du manque de gynécologues obstétriciens... Mais pas seulement. "La sage-femme n'est pas située dans le suivi de grossesse. Or, les pays qui ont placé la sage-femme comme pivot du système de soins, ont les meilleurs résultats", indique-t-elle.

Elle cite la Suède où seulement 5 femmes sur 100 000 meurent en couches. "Ces pays ont une politique du risque obstétrical. C'est un système dont la sage-femme est le pivot", dit-elle encore.  "Il faudrait que l'on calque le système périnatal français sur celui des pays qui ont des meilleurs résultats", poursuit-elle. Et de conclure, "c'est faisable".

Mieux suivre les grossesses, mieux traiter les hémorragies de la délivrance, mieux signaler les décès et la morbidité... Voilà ce qu'il reste à faire pour réduire une mortalité maternelle bien trop élevée. Facile à dire, mais pas facile à faire. Et surtout, susceptible de heurter des sensibilités, et des intérêts.

Marine Veith pour  
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