Violences conjugales

Rendre la parole aux victimes

  • Publié le 27 mai 2011 à 06:00

Ecouter une personne victime de violence psychologique n'est pas chose facile. Membres tremblants, discours incompréhensible, énervement... Les policiers se sentent désarmés et laissent parfois tomber. Depuis le début de l'année, un poste d'assistante sociale a été ouvert au commissariat de Malartic, financé par le conseil général. Sorte de filet de sécurité pour ne pas passer à côté de vraies détresse, elle agit au plus près des victimes de violences conjugales. Bilan et explications après 5 mois d'exercice.

Une assistante sociale chez les forces de l'ordre? Quoi de plus logique finalement... Mais le poste de Véronique Lucas n'a été crée qu'en janvier 2011, suite à une convention entre le conseil général et le commissariat de Malartic à Saint-Denis. Après quelques mois de présence, elle est devenue indispensable. Dans son petit bureau au premier étage, cette assistante sociale reçoit femmes et hommes victimes de violences conjugales, souvent en état de choc, aux propos parfois incohérents. Avec ces personnes, les policiers ont bien du mal à démêler le vrai du faux et comprendre leur détresse.

Elle cite l'exemple d'une femme venue porter plainte pour violences psychologiques et séquestration : son mari la harcelait et l'autorisait à sortir seulement trois fois par semaine... Mis en garde à vue, il a nié. L'enquête n'ayant pu apporter les preuves de sa culpabilité, les policiers se trouvaient dans le cas de figure, fréquent quand il s'agit de violences psychologiques, de paroles contre paroles. L'affaire a été classée sans suite. Un coup de massue pour Véronique Lucas et la jeune femme qui a été placée dans un foyer, son harceleur présumé en liberté.

" Quand il y a violence physique, l'infraction est facile à prouver. Mais le seul moyen pour lutter contre les violences psychologiques serait de présenter une accumulation de mains courantes. Or, les femmes victimes viennent souvent en dernier recours. Elles supportent et quand elles finissent par venir, il est trop tard ", explique le lieutenant Vincent Viranaicken, correspondant départemental "aide aux victimes".

Arrivé au mois de janvier également, il est régulièrement saisi de cas de victimes qui n'ont pas été satisfaites de l'accueil au commissariat. Dans chacun d'entre-eux, un référent "aide aux victimes" est désigné et une autre assistante sociale est basée au Tampon. Parce que nombre de femmes craignent d'aller porter plainte : peur de l'incompréhension ou du refus de prendre la plainte. Soumise au secret professionnel, l'assistante sociale écoute et " débroussaille " l'histoire de la personne qui peut enfin porter plainte, sur la base de faits précis.

Autre obstacle : la lassitude de certains policiers de voir les plaintes de femmes harcelées classées sans suite. " Très souvent, les femmes retirent leur plaintes. Elles arrivent excédées mais quand elles rentrent chez elles, elles ne veulent pas perdre leur famille, leur maison et tout ce qu'elles ont construit ", indique Véronique Lucas. Et suite à la crise, une période de " lune de miel " est souvent observée. Le conjoint violent se transforme en agneau et la femme décide de se remettre avec lui. Mais souvent, le harcèlement revient " si monsieur ne se fait pas soigner ".

" Il s'agit d'un cycle. Avant la décision du départ, il y a souvent plusieurs rechutes. Ce cycle, n'est pas vraiment pris en compte par les policiers ", poursuit-elle. Et à force de voir la même personne revenir, ils ne la prennent plus au sérieux. " A chaque fois que la plainte est retirée, le travail des policiers est réduit à néant ", explique le Lieutenant Viranaicken.

C'est pourquoi des formations pour les policiers ont été mises en place depuis quelques années. Des stages de quelques jours sont proposés aux volontaires qui souhaitent se perfectionner dans la compréhension des victimes de violences psychologiques. Anthropologues, psychologues, magistrats, services d'urgence interviennent pour expliquer comment mieux prendre en charge les victimes de ce type de violence. Avec en ligne de mire, l'idée que la violence psychologique est le prélude à la violence physique.

L'assistante sociale aide et rassure ces victimes dans les épreuves de la confrontation avec l'auteur et la caractérisation des faits. Si besoin, elle les oriente vers des associations ou des structures qui peuvent les aider. Véronique Lucas reçoit environ 40 personnes par mois. " Il y a une réelle demande ", indique-t-elle. Son poste, financé par le conseil général pour un an pourrait être reconduit. Mais peut-être pas. " Elle a crée un besoin ", estime le lieutenant Viranaicken. Un besoin qui durera tant qu'il y aura des victimes.

Marine Veith pour
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