Santé et environnement professionnel

Travailler plus pour déprimer plus

  • Publié le 5 mars 2012 à 07:00

"Le travail, c'est la santé", chantait Henri Salvador. Pour autant, si le chômage augmente le risque de dépression, une étude britannique publiée récemment par la revue scientifique PLoS One démontre que la surcharge de travail est tout aussi inquiétante. En effet, passer 11 heures à travailler par jour double les risques de dépression sévère par rapport à une journée normale de travail, soit 7 à 8 heures. Un phénomène qui peut toucher toutes les branches professionnelles, et qui concernerait davantage les femmes que les hommes.

Quel que soit le type de travail effectué, on sait qu'il peut être fatigant, voire éprouvant. Ce que l'on sait moins, c'est que la surcharge de travail peut devenir dangereuse pour la santé d'un individu, lorsqu'elle conduit à un épuisement professionnel, plus communément appelé "burn out". Un épuisement qui résulte d'un stress chronique dans l'environnement professionnel et se développe progressivement chez certaines personnes exposées à des conditions de travail frustrantes et démotivantes.

Le Dr Geneviève Libertino, médecin du travail, explique que les coups de pression qui peuvent être à l'origine d'un épuisement professionnel peuvent toucher toutes les branches professionnelles. "Dans le BTP, les employés sont soumis à un stress quand les échéances de fin d'année arrivent ; dans le commerce, la période des soldes et des fêtes, où la clientèle est nombreuse, peut aussi générer de la pression chez un travailleur. Aucune branche n'est épargnée par le stress", explique-t-elle.

"La pression ressentie vient généralement d'une surcharge de travail qui est difficile à définir", poursuit le Dr Geneviève Libertino. "Tout dépend de la perception que la personne a de son travail. Un individu sent qu'il y a surcharge quand il se trouve dans l'incapacité de terminer les tâches qu'on lui demande dans le temps qui lui est imparti ou quand il considère que son travail effectif ne correspond pas à celui pour lequel il a signé", indique-t-elle. "Cependant, il est difficile à définir s'il y a une réelle surcharge, puisqu'un travailleur peut se sentir sous pression, là où un autre qui fait le même travail ne rencontre aucun problème", annonce le Dr Libertino.

"Ce qu'on peut dire, c'est que la surcharge de travail est ressentie quand il y a un problème d'organisation. Ce problème ne relève pas de la personne qui est en souffrance, il s'agit d'un problème d'ordre général au sein de l'entreprise", précise Geneviève Libertino. Le médecin du travail explique également que "lorsque l'environnement professionnel est favorable à de bonnes conditions de travail, la surcharge de travail est plus facilement vécue".

Au contraire, lorsque l'environnement professionnel est difficile à vivre, la surcharge de travail sera d'autant plus ressentie comme une lourde peine. "S'il n'y a pas de dialogue social, pas de bonne ambiance, pas de solidarité, l'employé va forcément commencer à se sentir mal. Ce mal-être va jouer sur sa santé mentale, et l'épuisement général va se manifester par une fatigue excessive, des épisodes d'énervement, et des états de dépression grave", souligne Geneviève Libertino.

Le travailleur se sent ainsi démotivé par rapport à son travail, et se renferme sur lui-même, avec le sentiment d'être incompétent. Irritabilité, colère, pleurs fréquents, isolement, sentiment d'échec sont les symptômes d'un mal-être professionnel, qui peut conduire à des tendances suicidaires.

La surcharge de travail peut aussi impliquer des problèmes de santé physique. "Trop travailler génère un stress difficile à gérer. Chez certaines personnes, ce stress peut causer des migraines, des troubles du sommeil comme des insomnies, des problèmes cutanés, tels que l'eczéma, ou des problèmes cardiaques", indique le Dr Libertino.

Pour sortir de ce cercle vicieux, l'arrêt de travail est souvent nécessaire. La durée du congé peut être variable, mais en règle générale, on n'a pas tendance à prescrire de longs arrêts pour éviter une reprise du travail encore plus difficile. Toutefois, le repos est insuffisant pour régler le problème de "burn out". Il faut en effet que l'employé puisse retrouver un sentiment de contrôle sur sa vie et pour cela, comprendre les causes qui l'ont mené à développer ce syndrome d'épuisement. Pour ce faire, la consultation d'un psychologue ou d'un psychothérapeute peut être d'une aide précieuse.

Samia Omarjee pour
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