Chasse aux requins - Risque d'empoisonnement

Porteur de ciguatera, le bouledogue n'intéresse pas les pêcheurs

  • Publié le 8 août 2012 à 11:00

Le 30 juillet dernier, Thierry Robert, le maire de Saint-Leu, créait la surprise en autorisant, par arrêté municipal, la chasse au requin bouledogue sur sa commune, par tous moyens, de jour comme de nuit. Dans cet arrêté, retiré dès le lendemain, le maire proposait également le rachat des prises par la municipalité, alors que la commercialisation du requin bouledogue est interdite puisque l'espèce est vecteur potentiel de ciguatera. Si des prélèvements doivent être effectués pour évaluer le risque, le site d'actualités médicales www.jim.fr est formel : la consommation de requin bouledogue peut être dangereuse pour l'homme. Cette espèce serait donc finalement peu intéressante pour les pêcheurs.

"Les Réunionnais vont (peut-être) partir à la chasse, et fournir la mairie en requins. Pour en faire quoi, puisque la commercialisation de ces bestiaux est interdite ?", s'interrogeait le journal international de médecine Jim.fr après l'arrêté de Thierry Robert. "Ceux qui imagineraient un grand banquet municipal se trompent lourdement. Il n'en sera pas question, car le requin bouledogue est aussi dangereux par une autre caractéristique, celle d'être vecteur potentiel de ciguatera", poursuit le site d'actualités médicales.

La ciguatera, c'est cette intoxication alimentaire due à la présence possible dans la chair du requin bouledogue, de l'une des plus puissantes toxines marines connues, "avec une dose létale 50 de 0,33 mug/kg en injection péritonéale à la souris", souligne Jim.fr. "Une neurotoxine habituellement responsable chez l'homme de nausées, vomissements et symptômes neurologiques divers (comme des picotements des doigts et orteils ou une inversion des sensations thermiques) survenant de 10 minutes à 24 heures après ingestion de l'aliment contaminé et pouvant persister de quelques jours à plusieurs années", poursuit le site. L'intoxication peut également, dans les cas les plus graves, être mortelle.

Pour Jim.fr, "les Réunionnais ne consommeront donc pas leurs requins bouledogues". Le site précise par ailleurs que les requins ne sont pas les seuls vecteurs de ciguatera. Il reprend une publication, réalisée sur les marchés de Nouméa l'année dernière, qui dresse une liste des animaux localement les plus dangereux, mais pourtant consommés : mérous, certains maquereaux, vivaneaux, barracudas, empereurs ou labres. "Le problème, c'est que la ciguatera semble gagner chaque jour de terrain et ne plus seulement être exotique", souligne le site.

Jim.fr cite pour exemple le journal scientifique de référence pour la surveillance et le contrôle des maladies infectieuses Eurosurveillance, qui signalait une épidémie familiale à Ténérife aux îles Canaries. "Des cas survenus après consommation de sériole achetée au marché du coin, et alors que deux autres épisodes épidémiques avaient déjà été signalés cette année", souligne Jim.fr. Selon un article du J Travel Med, l'infection sévirait jusque dans le port de Hambourg en Allemagne. "Pas tout à fait, en réalité, puisque les marins concernés avaient consommé des poissons congelés, conservés au froid après avoir été péchés deux semaines plus tôt aux Caraïbes", dit cependant Jim.fr.

De telles explications laissent présager que la commercialisation du requin bouledogue ne rencontrerait pas un grand succès sur les marchés de poisson à La Réunion. Cela peut aussi expliquer pourquoi les pêcheurs se sont montrés frileux lorsque Thierry Robert a autorisé la chasse au requin le 30 juillet dernier...Les pêcheurs ne s'étaient en effet pas rués à la chasse, l'activité ne paraissant pas rentable.

guest
1 Commentaires
baloo
baloo
10 ans

ici : Accueil / La médiathèque / Fiches d'actualité scientifique / 338 - Ciguatera : les remèdes traditionnels sources d'antidotes 338 - Ciguatera : les remèdes traditionnels sources d'antidotesrnJanvier 2010 Fiches d'actualité scientifique Imprimer© IRDrnLa ciguatéra est une intoxication importante liée à la consommation de produits de la mer. Elle concerne environ 400 millions de personnes vivant dans les zones d'endémie, principalement le Pacifique tropical. On évalue à 100 000 le nombre de personnes intoxiquées chaque année, mais ce chiffre, basé sur le nombre de déclarations, est largement sous-estimé.
En l'absence de traitement, le poids socio-économique de la ciguatéra est d'autant plus lourd pour les populations insulaires qu'il entraîne une transition des habitudes alimentaires associée à l'émergence de maladies cardiovasculaires, d'obésité ou de diabète.
Des scientifiques de l'IRD et leurs confrères( 1) ont élucidé les mécanismes de cette maladie. Ces connaissances leur ont permis de développer des tests pour dépister en laboratoire, parmi une centaine de plantes médicinales candidates, celles qui possédaient effectivement des molécules actives.
Leurs travaux ont abouti au dépôt par l'IRD d'un brevet pour une molécule détoxifiante de la ciguatéra, l'acide rosmarinique." On ne peut plus manger du poisson, ça rend malade "... " Faut pas aller pêcher là, le poisson est gratteux "... De tels témoignages abondent dans de nombreux pays insulaires du Pacifique, où les habitants n'osent plus se nourrir de leurs pêches. Avec une prévalence( 2) estimée à 100 000 cas par an, la ciguatéra -- plus communément appelée " la gratte " dans cette partie du globe -- représente un problème de santé publique majeur. Cette intoxication alimentaire résulte de la consommation de poissons ou de bénitiers contaminés par des toxines marines, les ciguatoxines, produites par une algue microscopique (Gamberdiscus spp) .
Comme de nombreuses toxines, celles-ci s'accumulent dans les organismes et leur concentration augmente au fur et à mesure des échelons de la chaîne alimentaire, des poissons brouteurs jusqu'à l'homme. Parmi les 400 espèces de poissons concernées, les pêcheurs des zones tropicales savent maintenant d'expérience que les grands poissons prédateurs, comme le barracuda, la murène, le mérou, la carangue ou le poisson perroquet, présentent le plus grand risque d'intoxication.© IRD / Dominique Laurent Heliotropium foertherianum, ou " faux-tabac ", est la plante médicinale la plus fréquemment utilisée dans les remèdes traditionnels contre la ciguatéra
Les symptômes de la ciguatéra apparaissent quelques heures après l'ingestion mais peuvent durer des mois, voire des années : dysfonctionnement du système nerveux central (inversion des sensations de chaud et de froid), picotements et fourmillements des extrémités, vomissements, diarrhées...
La médecine moderne ne dispose d'aucun antidote spécifique et ne propose que de traiter ces symptômes. En revanche, les remèdes traditionnels à base de plantes fourmillent. Les scientifiques de l'IRD (UMR 152), en association avec l'Institut Pasteur de la Nouvelle-Calédonie et l'Institut Louis Malardé en Polynésie française, ont dépisté les molécules actives à partir des plantes médicinales.
Étudier les ciguatoxines pour les contrer Première étape, leurs recherches ont porté sur les mécanismes moléculaires de cette maladie, liés aux modes d'actions des ciguatoxines. Ces dernières font partie des plus puissantes biotoxines marines. " Il suffit d'à peine un microgramme pour tuer un homme ", précise Dominique Laurent, qui a dirigé ces travaux au sein de l'UMR 152.
Grâce à des techniques de dosage chimique et de biologie moléculaire, sur des modèles cellulaires de souris et in vivo , les scientifiques ont constaté un lien entre la toxicité des ciguatoxines et leurs activités inflammatoires. " Ceci pourrait expliquer la diversité, mais aussi la durée des symptômes observés ", commente Mariko Matsui, ex-doctorante à l'IRD dont la thèse portait sur ces travaux.r
les remèdes traditionnels à l'épreuve © IRD/ Josiane Patissou Fleurs d'Heliotropium foertherianum
Les scientifiques ont alors développé un test de laboratoire rapide, dans lequel les effets des ciguatoxines sont mimés par l'utilisation d'un inducteur connu des processus inflammatoires, accessible et peu coûteux. " Il s'agit de mesurer les effets protecteurs des extraits de plantes sur des cellules de souris exposées à cet inducteur ", résume Shilpa Kumar-Roiné, doctorante à l'IRD qui vient de soutenir sa thèse sur le sujet. Plusieurs plantes possèdent des activités anti-inflammatoires. Mais il a fallu adapter un test de détection utilisant une toxine pour révéler leur action détoxifiante. Sur une centaine de plantes candidates, une espèce a donné des résultats concluants contre la fixation des toxines : Heliotropium foertherianum , aussi appelée " faux tabac ".
Cette dernière est la plante médicinale la plus fréquemment utilisée dans les remèdes traditionnels contre la ciguatéra, en Nouvelle-Calédonie, mais aussi au Vanuatu, à Tonga, en Micronésie, en Polynésie française et jusqu'au Japon. Ce petit arbuste à cime étalée en ombrelle peut atteindre 5 mètres de haut et sert opportunément comme plantes ornementales sur... les plages. Était-ce un acte préventif des anciens qui a été perpétué ?
Un brevet pour une molécule détoxifiante © IRD / Pierre Laboute Le Poisson perroquet est un poisson de récif très apprécié mais qui peut parfois provoquer de graves intoxications Les chercheurs ont donc confirmé scientifiquement l'efficacité du " faux tabac " contre la gratte. Les analyses moléculaires ont en effet révélé que la molécule active contenue dans les extraits de cette plante correspond à l'acide rosmarinique.
Bien connu pour ses activités anti-virales, anti-bactériennes, anti-oxydantes et anti-inflammatoires, cette molécule n'avait encore jamais été décrite pour ses effets bénéfiques dans le traitement d'intoxication alimentaire comme la ciguatéra.
L'acide rosmarinique traite donc non seulement les symptômes mais aussi les causes de la gratte. L'IRD a donc déposé un brevet pour développer, à partir de sa structure chimique initiale, des dérivés présentant un pouvoir détoxifiant renforcé, tout en conservant son innocuité.
Ces investigations auront duré globalement une vingtaine d'années, mais elles illustrent une aventure scientifique passionnante, alliant l'ethnopharmacologie à la biologie moléculaire, la tradition et la modernité.rnrn(1) Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs de l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie et de l'Institut Louis Malardé de Polynésie française et en partenariat avec les neurophysiologistes du CNRS de Gif-sur-Yvette et de l'Ecole polytechnique de Palaiseau. (2)
La prévalence d'une infection est le nombre de personnes contaminées dans une population à un moment donné.Rédaction DIC - Mina Vilayleckr Fiche d'actualité scientifique n°338 (PDF, 641 Ko) Thématique : Santé