Travaux de peinture dans une cuve de stockage

Sainte-Rose a failli boire de l'eau contaminée

  • Publié le 13 novembre 2012 à 17:27

La population de Sainte-Rose a bien failli boire et utiliser une eau impropre à la consommation. En effet, s'il n'y avait pas eu un contrôle inopiné de la mairie il y a quelques semaines, les habitants auraient consommé une eau présentant une menace réelle pour leur santé. En cause : une peinture contenant du bisphénol et des produits cancérigènes, utilisée par EDF à l'intérieur de l'une des quatre cuves alimentant la ville en eau. La présence des produits toxiques a été détectée par l'Agence régionale de santé. EDF estime ne pas être dans l'obligation de fournir une eau propre à l'alimentation humaine puisqu'il s'agit d'un "chantier industriel". La mairie, soutenue par l'ARS, note qu'en cas de contamination de la ressource par la peinture, il ne sera plus possible de la traiter en circuit de potabilisation. Une réunion s'est tenue ce mardi après-midi 13 novembre 2012, à la sous-préfecture de Saint-Benoît pour tenter de trouver une solution. La population sainte-rosienne n'a pas été informée du risque auquel elle a échappé.

Sainte-Rose compte plus de 6 800 habitants. Cette population a failli être alimentée pour ces besoins courants par une eau polluée, sans qu’elle n’en sache rien. En effet, il y a environ trois mois, l’entreprise EDF  a entamé des travaux sur l’un des quatre réservoirs de la ville (celui situé au lieu-dit les Radiers). Elle a utilisé une peinture non adaptée à la consommation humaine pour repeindre l'intérieur de la cuve.

Pour alimenter son unité de production électrique de Sainte-Rose, EDF – en contrat jusqu’en 2050 avec la commune sainte-rosienne -, capte intégralement la seule source d’eau permanente de la ville. La seule obligation pour l’entreprise est de fournir à la Ville une "eau brute". C’est-à-dire une eau non traitée, mais qui peut-être prélevée par les services de la mairie pour la rendre potable.

Or, affirme la commune, soutenue par l'ARS (Agence régionale de santé), cette potabilisation n'est plus possible en raison de la toxicité de la peinture utilisée à l'intérieur de l'une des quatre cuves. Cette peinture contient en effet du bisphénol et d’autres produits cancérigènes. Ces composants ont été identifiés par l'ARS, il y a un mois et demi, après une visite de terrain en compagnie de la commune.

"L’ARS nous a informé que la peinture utilisée par EDF n’était pas aux normes pour la consommation de l’eau. Sans cette visite, nous ne l’aurions jamais su", s'indigne Bruno Mamindy-Pajany, maire de Sainte-Rose. "Nous ne savions même pas qu'EDF avait engagé des travaux de réfection de la cuve, c'est par hasard que nous avons découvert le chantier" fustige-t-il.

Cela d'autant plus que selon les indications fournies par l'ARS, les composants de la peinture utilisée par EDF ne pourraient être évacués dans les stations de traitement. Ce qui signifie aussi que les habitants ont échappé de peu à une contamination de l’eau. Car même en suivant le circuit normal de potabilisation, l'eau n'aurait pas été propre à la consommation humaine.

La menace est prise très au sérieux par l'ARS. Une zone de sécurité a été mise en place autour des sources captées à la rivière de l'Est. Et pour cause, sans ces sources, toute la ville de Sainte-Rose serait privée d'eau, puisqu'il s'agit des seuls points d'alimentation de la commune.

À la demande de l'ARS, une réunion a été organisée ces derniers jours en mairie de Sainte-Rose. Pour EDF, il n’y a "pas de problème sur ce chantier". Soutenue par ces juristes, l’entreprise a décliné toute obligation de fournir une eau non polluée à la commune sainte-rosienne. L’entreprise explique qu’elle est chargée de fournir une "eau industrielle", non destinée à la consommation humaine. Certes, admet la mairie, mais si l'eau fournie ne peut être traitée en circuit de potabilisation en raison de sa contamination lourde par la peinture de la cuve, le contrat n'est plus respecté.

Au cours de cette réunion, l'entreprise a proposé à la mairie de modifier la convention qui les lie et de capter l’eau avant le passage aux cuves. La commune a refusé au motif qu'une petite centrale aurait été installée, sans déclaration, par EDF dans le tunnel de récolte des eaux et que ces dernières seraient déjà polluées par des insecticides notamment.

Sainte-Rose a émis une contre proposition. Elle a demandé à EDF de mettre en place une canalisation allant de l'une des sources jusqu’au captage d’eau destiné à la consommation. Reste à déterminer qui va payer et entretenir cet équipement. EDF estime que cette responsabilité relève de la Ville en raison de son obligation de service public. Argument réfuté par la commune. Elle a menacé EDF de prendre un arrêté de suspension des travaux effectués sur le réservoir des Radiers. Ce qui devrait générer des frais considérables et un sérieux manque à gagner pour l’entreprise. EDF a riposté en se disant prête à fermer l’arrivée d’eau alimentant la commune et donc de priver les habitants de la précieuse ressource.

Pour trouver une solution, l’ARS a demandé qu'une réunion ait lieu sous l'égide de la préfecture. La rencontre a eu lieu ce mardi après-midi 13 novembre à la sous-préfecture de Saint-Benoît avec l'ensemble des acteurs concernés, excepté EDF. "EDF n'a pas été convié", explique Laurent Fontaine, directeur de cabinet à la mairie de Sainte-Rose. "Il s'agissait pour les services de la préfecture de prendre connaissance de la situation", dit-il. "Une autre réunion sera programmée, avec EDF cette fois-ci, afin de travailler en partenariat avec eux pour l'amélioration de la qualité de l'eau", ajoute-t-il. "Il ne faut pas oublier qu'il y a trois autres réservoirs à Sainte-Rose et que les règles sanitaires peuvent évoluer. Nous devons travailler ensemble aujourd'hui pour vérifier que les matériaux et les produits utilisés pour ces réservoirs sont toujours agréés", poursuit Laurent Fontaine.

A noter que les habitants de Sainte-Rose n'ont pas été informés de la pollution à laquelle ils ont échappée. "Il n’y a pas d’eau qui transite pour le moment dans le réservoir qui a fait l’objet des travaux menés par EDF", indique Bruno Mamindy-Pajany. "Il ne faut pas affoler les habitants alors que les travaux ont été arrêtés", estime-t-il. "Il ne faut pas engendrer une psychose"", surenchérit Laurent Fontaine.

Malgré nos appels réitérés, à 17 heures ce mardi, l'ARS n'avait toujours pas donné suite à nos demandes de réactions.

Pour rappel, le bisphénol A serait impliqué dans de nombreux cancers tels que celui de la prostate, des testicules, du sein, ou encore du neuroblastome chez l’enfant. Déjà visé comme perturbateur endocrinien, suspecté d’agir négativement sur la fertilité et d’induire des effets sur les maladies cardio-vasculaires et le diabète, le bisphénol A favoriserait par ailleurs l’obésité infantile. Le gouvernement français s’est en outre prononcé en faveur de l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires, tandis que des chercheurs de l’Inserm (institut national de la santé et de la recherche médicale) tentent de le remplacer par des substituts moins toxiques.

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