Aménagement - Plan Local d'Urbanisme

Lave a moin + : ou quand le PLU dionysien baigne en eaux troubles

  • Publié le 17 avril 2013 à 05:00

La commune de Saint-Denis, sous l'égide de son maire, Gilbert Annette, vient de déclasser la bande littorale comprise entre la RN1 et la rue Léopold Rambaud, qui passe du statut protégé de zone verte et de loisirs (UV) à celui de zone urbaine banalisée (UD), où les constructions redeviennent possibles. Heureux hasard qui permet à la société Lave a moin +, providentiellement installée sur des parcelles municipales, et dotée - après réalisation des travaux - d'un permis de construire précaire, de poursuivre ses affaires en toute impunité... La modification du Plan Local d'Urbanisme (PLU) ne vaut-elle pas toutes les régularisations du monde ?

En ces temps de transparence gouvernementale ostentatoire, où l'on voit les ministres afficher leur patrimoine sur ordre du Président, comme les disciples des évangiles abandonnaient le leur pour suivre Jésus, on ne peut qu'être interloqué par certaines spécificités locales ; ainsi de l'édifiante histoire d'une petite entreprise, "Lave a moin +", qui cumule bonnes fortunes et heureux hasards, au point de s'installer, début 2012, sans permis de construire, au 85 rue Léopold Rambaud, sur des parcelles appartenant à la régie funéraire de la commune de Saint-Denis…

Révélée au grand public par Imaz Press Réunion, cette implantation extraordinaire, perpétrée avec la bénédiction des services municipaux et donc fatalement du maire, un certain Gilbert Annette, a bénéficié d'un luxe de préventions et de facilités, tant et si bien que la suspension des travaux d'aménagement prononcée en mai 2012, une période politiquement délicate, a donné lieu à la délivrance d'un permis de construire précaire et irrégulier, le 28 juin 2012. Avec cette "régularisation" (sic), on passait de l'extraordinaire au surréalisme administratif. En effet, le site de la station de lavage pour automobiles est posé pile-poil sur la bande littorale comprise entre la  RN1 et la  rue Léopold Rambaud, donc en  pleine zone urbaine verte - inconstructible - selon le  Plan Local d'Urbanisme. En fait de régularisation, la municipalité de Gilbert Annette, légalisait des travaux réalisés sans permis, deux ans après avoir signé "en misouk", sans mise en concurrence ni publicité, un bail commercial avec l'EURL SOGIS INVEST, ouvrant droit à l'occupation précaire de parcelles de terrain pour une activité de lavage de véhicules, l’exploitation d’un restaurant, la vente d’accessoires et produits divers… 

L'heureux bénéficiaire de cet enchaînement de circonstances favorables, Yves Turgis, chef d'entreprise, promoteur immobilier et soutien proclamé d'Éricka Bareigts, candidate socialiste aux dernières législatives, peut s'enorgueillir de détenir depuis le 18 octobre 2010, un bail de dix ans, réactualisé le 17 février 2011, pour répondre aux obligations dudit document, qui prévoyait que les activités de sa société devaient débuter dans les cinq mois suivant sa signature… 
 
Alors certes, on est en avril 2013, et l'inauguration n'a pas encore eu lieu… mais ce détail infinitésimal ne saurait perturber le cours de cette entreprise hors normes. Sans quoi, il y a belle lurette que la SOGIS, dont la devise est "Savoir investir" serait justement partie investir ailleurs, le bail signé par la mairie annulé, de même que le permis de construire précaire. 
 
Or, Yves Turgis, précédemment interrogé par Imaz Press Réunion, déclarait, s'agissant du fait que sa station de lavage est implantée, sur le littoral, qui plus est sur un site classé zone urbaine verte par plan local d’urbanisme : "Il s’agit plus d’une zone d’activités que d’une zone verte. Si vous passez dans le secteur, vous verrez qu’il y a des commerces. Il y a aussi des maisons. On est dans un contexte de continuité urbaine…"
Ce faisant, tout comme il avait impunément anticipé l'obtention de quelque autorisation que ce soit, permis de construire y compris, Monsieur Turgis, décidément bien informé, annonçait à la manière d'un voyant, l'évolution prochaine du PLU sur la zone qui le concernait. De fait, la commune, lors du conseil municipal du 15 décembre 2012, a déclassé la zone sur laquelle s'est installé "Lave a moin +", la faisant passer de  zone  verte et de  loisirs  ( UV) à zone   urbaine  banalisée  (UD) où  les  constructions  redeviennent  possibles, de façon  à  "poursuivre  la densification  déjà  amorcée…"
 
Le texte soumis dans une relative indifférence aux conseillers municipaux est sans ambiguïté : "Les zones UD (denses) et UI (Intermédiaires) des pôles littoraux et des bas du Piémont, qui présentent encore un important potentiel de restructuration urbaine (…) Le PLU leur confère des possibilités importantes de densification, mais de manière structurée et cohérente. La zone UD traduit un projet de densité significative le long des voies structurantes principales, (Boulevard Sud, TCSP urbain, Rue Léopold Rambaud notamment, ainsi que les secteurs péri-centraux…"
 
En fait de régularisation, la commune de Saint-Denis a reformaté son PLU, dans un sens providentiellement favorable aux intérêts de Monsieur Turgis, qui voit son permis de construire précaire, valable deux ans, transcendé par l'évolution du plan local d'urbanisme, et ses investissements hasardeux engagés sur du long terme…
 
Moralité, les 2 km de rivage reconquis en 30 ans par la ville de Saint-Denis sur son entrée Est, par le moyen de préemptions, vont être détournées de l'objet qui avait justifié l'utilisation de cette procédure aux dépens des propriétaires d'alors, contraints de vendre à la mairie, selon les prix des domaines. On imagine les conséquences d'un tel tour de passe-passe, si les ayant-droit demandent à retrouver leurs biens ou exigent d'être payés au prix actuel du mètre carré… Alors évidemment, la modification du PLU passe par une enquête publique. Mais avant d'en venir là, les administrés dionysiens sont en droit de demander des comptes, à l'Etat, notamment, extraordinairement passif dans cette histoire. 
 
Le service d'Urbanisme de la préfecture semble aux abonnés absents sur un sujet pourtant évident en termes d'anomalies, quand bien même la mairie a reconnu, indirectement, ses carences tant en matière de permis de construire, que de travaux lancés sans autorisation dans une zone protégée.
 
Quant aux successifs préfets en poste à La Réunion depuis le début de cette étrange histoire, qui doivent incarner la légalité républicaine, comment expliquer leur silence, voire leur inertie ?
L'affaire est publique, et l'écologiste Jean-Pierre Marchau a saisi par courrier le représentant de l'Etat, le 27 novembre 2012 (Ndlr : voir ci-dessous). Apparemment il n'a pas été entendu.
Mais les vagues suscitées par l'affaire Cahuzac et la crise de vertu qui a saisi un gouvernement et un président aujourd'hui condamnés à la sainteté décilleront peut-être les yeux de ceux qui nous administrent…
 
Si l'on en croit François Hollande, à l’avenir, des lois veilleront à la publication de tous les patrimoines des politiques et empêcheront que des élus condamnés pour corruption puissent être réélus. Autant traiter le mal à la racine et éviter que la corruption soit possible. Il suffit pour ce faire d'appliquer les lois existantes et de respecter les procédures qui doivent l'être. A méditer doublement sur la bonne ville des Saint-Denis, dont le maire, Gilbert Annette, a été condamné pour corruption, justement.
 
www.ipreunion.com
 
guest
3 Commentaires
Citoyens de St-Pierre
Citoyens de St-Pierre
11 ans

C'est pareil à St-Pierre, avec surtout le terrain face plage et lagon au centre ville. Avec des illégalités effarentes et des magouilles énormes, qui malgré les protestations des citoyens passent tranquillement sous les yeux des préfets .... Conflits d'intérêts? non!... collusion tacite! ou complicités?

Pelican
Pelican
11 ans

LA MAGOUILLE. BANDE D'ENFOIREE

Aterla
Aterla
11 ans

Un scandale! Pauvre SIN-DNI-La-Laide!