Entretien avec le président du conseil régional du culte musulman

Islamisme : "La Réunion n'est pas à l'abri" selon Houssen Amode

  • Publié le 29 octobre 2014 à 05:15

Alors que quatre jeunes Mahorais se seraient rendus en Syrie pour faire le jihad et qu'une cérémonie "extrémiste" s'est déroulée ce dimanche en plein centre de Mamoudzou, qu'en est-il de l'islam radical à La Réunion ? Pour Houssen Amode, président du conseil régional du culte musulman (CRCM), l'île n'est "pas l'abri", notamment en raison des discours extrémistes circulant sur un internet. C'est pourquoi, s'il assure que les mosquées réunionnaises sont épargnées, il préfère rester prudent : "Toutes les instances musulmanes de La Réunion parlent d'une seule voix sur ce sujet. Notre discours est clair, c'est le vivre-ensemble. On aura fait tout ce qu'il fallait, mais il peut toujours y avoir des comportements individuels qu'on ne maîtrise pas..."

À Mayotte, quatre jeunes seraient partis pour faire le jihad en Syrie et une cérémonie "extrémiste" organisée ce dimanche a fait couler beaucoup d’encre. Assiste-t-on à une montée de l’islam radical ?

"Je n’ai pas beaucoup plus d’éléments. Il semblerait effectivement que des jeunes de Mayotte soient partis en Syrie pour faire le jihad. C’est un phénomène qu’on ne peut que regretter. Internet fait beaucoup de dégâts, car tout ça ne vient pas des mosquées. À Mayotte, l’islam a toujours été tolérant, il n’y a jamais eu de positions extrêmes. Mais aujourd’hui même ici à La Réunion, on n’est pas à l’abri. Internet se moque des frontières."

Comment voyez-vous la situation à Mayotte ?

"Ils vont devoir faire face à de plus en plus de problèmes à cause d’une évolution trop rapide. C’est devenu un département du jour au lendemain et on est revenu sur des coutumes, des traditions, en voulant imposer la loi. Mayotte n’a pas eu le temps d’une évolution longue. À La Réunion, la départementalisation date de 1946 et il y a encore des problèmes... Je suis pour des lois péï, ce qui ne nous empêcherait pas d’être français. À Mayotte ça va tellement vite... Il faut prendre en compte les aspects culturels et religieux, on n’est pas à Lyon ou à Clermont-Ferrand."

"Il y a des gens qui viennent d’ailleurs, des idées qui se propagent"

Comment expliquez-vous cet attrait du jihad chez certains jeunes ?

"Tout d’abord, pendant longtemps, les autorités françaises ont appelé à faire la guerre contre ce régime en Syrie. Ces jeunes sont eux aussi allés combattre le régime en place, mais ils sont tombés dans le terrorisme et la barbarie. Ensuite, je crois qu’aujourd’hui les valeurs se perdent. Les parents sont parfois dépassés, ils ont de moins en moins de prise sur des enfants qui cherchent des repères. C’est déroutant et La Réunion n’est pas à l’abri. Il y a des gens qui viennent d’ailleurs, des idées qui se propagent..."

Quel est selon vous le profil de ces jeunes ?

"Parmi eux, il y a beaucoup de convertis qui ont une mauvaise lecture de l’islam. L’islam n’a jamais enjoint à faire la guerre ou à tuer qui que ce soit. Ce n’est pas dans les mosquées qu’ils ont entendus des discours appelant au jihad en Syrie. Ce n’est pas non plus lié au statut social car ce ne sont pas forcément des gens démunis. Ils cherchent à donner un sens à leur existence."

À Mayotte comme à La Réunion, n’y a-t-il pas des imams venus de l’extérieur aux discours plus radicaux ?

"Le problème c’est que n’importe qui peut s’autoproclamer imam. Du coup on parfois affaire à des gens mal intentionnés. Il y a des gens qui sont venus faire des interventions, mais on s’est rendu compte qu’ils n’avaient pas de réelle formation religieuse. On peut les qualifier de faux imams, alors qu’à La Réunion il y a des formations de théologiens. Il y a notamment un institut de formation à la Plaine des Cafres qui fonctionne bien."

"On est dans un monde de préjugés"

Peut-il y avoir certains propos extrémistes prononcés dans les mosquées réunionnaises ?

"Non, dans les mosquées réunionnaises, c’est même l’effet inverse. C’est très silencieux. Les gens viennent pour écouter les prêches, prier, et ils rentrent chez eux. On n’est que dans l’accomplissement des rituels, on ne parle de rien qui touche à la vie de tous les jours, ce qui est dommage d’un certain côté. Peut-être devrions-nous davantage parler des sujets de société."

En tant que président du CRCM, avez-vous été interpellé par des jeunes qui se posent des questions, sur ce qu’ils ont vu sur internet, sur l’interprétation du Coran ?

"Il y a parfois des discussions autour d’Internet. Notre rôle, c’est de prévenir. Nos demandons aux professeurs et aux imams d’être vigilants, de se méfier de l’embrigadement. Mais les jeunes voyagent, il peut y avoir certains esprits plus faibles que d’autres..."

Avez-vous l’impression que l’on stigmatise de plus en plus l’islam et les musulmans ?

"Quand je vois que les Comores sont placées sur la liste des pays à risque, pour moi c’est un coup de canon pour écraser une mouche ! Il n’y a pas d’islam plus tolérant que l’islam des Comores. On est dans un monde de préjugés, de méconnaissance totale des situations, des subtilités. Il faut se garder de conclusions hâtives, mais plutôt essayer de comprendre et ne pas chercher des boucs émissaires."

"En France, il y a un climat délétère et électoraliste"

Et concernant la politique française ?

"En France,  il y a un climat délétère et électoraliste. Quand j’entends des propos comme ceux qu’a pu tenir Jean-François Copé, je me dis qu’un certain nombre d’hommes politiques de premier ordre tiennent des positions racistes et xénophobes. On se trouve dans un contexte économique, social et identitaire tendu. On a monté les Français les uns contre les autres et on en récolte les fruits."

Êtes-vous inquiet de l’évolution de la situation à La Réunion dans les années à venir ?

"Je n’ai pas d’inquiétude particulière, mais il y a une évolution par rapport la mondialisation, et un irrespect généralisé envers les parents, les valeurs... Le problème, c’est qu’on a fait des guerres en usant de manipulations. George W. Bush devrait être traduit devant la cour pénale internationale. Nous vivons dans un monde un peu bouleversé, où même ceux qui sont censés faire respecter les grands principes ne les respectent pas... Malgré tout, j’ai confiance. Nous sommes plusieurs à prêcher la bonne parole. Notre discours est clair, c’est le vivre-ensemble. Toutes les instances musulmanes de La Réunion, tous les présidents de mosquée indépendants parlent d’une seule voix sur ce sujet. La sensibilisation a été faite. On aura fait tout ce qu’il fallait, mais il peut toujours y avoir des comportements individuels qu’on ne maîtrise pas..."

www.ipreunion.com

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3 Commentaires
Mové zesprit
Mové zesprit
9 ans

Des lois péi seraient des lois qui permettraient aux musulmans qui se reconnaissent dans un islam conservateur cousin du salafisme ( tabligh) d'avoir des femmes en niqab dans les rues, qui rendraient légales les unions "religieuses" sans mariage civil etc. Qu'est ce qu'un Institut de formation qui fonctionne bien ??

aterla
aterla
9 ans

"Paix aux hommes de bonne volonté". Et monsieur Houssen Amode semble bien être un être humain de bonne volonté.

FOX
FOX
9 ans

Houssen Amode, dit, je cite: je suis pour les lois pays,ce qui nous empècherait pas d ètre français....il faut prendre en compte les aspects culturels et religieux......cher monsieur c est quoi les lois pays?!.....il faut arrèter de sortir des conneries....les cultures et les religions de chacun sont respectées et d une ,et de l autre nous sommes , certes Réunionnais, Mahorais.....mais Français !.... Alors les lois françaises s appliquent à tous.....Pour ceux qui se sentent gèner.....le monde est vaste.....D autre part, mème si IP risque de me censurer....je vous pose une question......pourquoi tous ces conflits....qui pourrissent et terrorise la planète.....est en relation.....avec L ISLAM ?!....N y a t il pas un problème quelque part cher monsieur ? La vérité est ailleurs monsieur le président du conseil régional du culte musulman.....