Interview de la ministre des Outre-mer

George Pau-Langevin : "L'exemple de la Corse n'est pas très bon"

  • Publié le 23 janvier 2015 à 09:11

George Pau-Langevin entame ce vendredi 23 janvier 2015 son second jour de visite à La Réunion. La ministre va notamment rencontrer le comité des pêche, des exploitants agricoles et des jeunes la mission locale. En partenariat avec RTL Réunion, nous avons voulu revenir sur certains sujets avec la locataire de la rue Oudinot. Au menu : la Corse et la continuité territoriale, ses relations avec Didier Robert, la montée du fondamentalisme islamiste à Mayotte et le port du voile intégral à La Réunion.

Depuis plusieurs années, chaque Corse bénéficie d'une compensation financière au titre de la continuité territoriale. Une aide supérieure à celle allouée par l'Etat à chaque réunionnais. Comment expliquez-vous cette différence inversément proportionnelle à la distance séparant l'île de la métropole ?

La comparaison n'est pas totalement pertinente. La Corse est infiniment plus proche de la métropole que La Réunion ou Wallis-et-Futuna. Chacun se rend bien compte qu'il est difficile de dire que tout Polénysien ou Wallisien pourra aller adlibitum en métropole. Nous avons depuis quelques années cette aide qui a été instaurée, mais il s'est passé un phénomène qui est aujourd'hui préoccupant : c'est une prestation qui augmentait de manière exponentielle chaque année. De surcroît, un certain nombre de personnes prenaient leur billet directement et venaient à postériori demander à bénéficier de l'aide. Par conséquent, il n'y a aucun pays qui puisse accepter d'avoir des crédits dont on ne peut pas prévoir à l'avance le montant. C'est la raison pour laquelle, devant la montée en puissance de ce chiffre, nous avons souhaité mettre des critères un peu plus stricts de manière à venir aux fondamentaux de l'aide afin qu'elle soit utile aux personnes modestes. Mais ici à La Réunion, des gens qui gagnent 9 000 euros par mois parvenaient quand même à être aidés. Dans cette période où la solidarité nationale doit s'exercer, il faut recentrer notre dispositif vers les familles les plus modestes et sur des voyages à finalité de formation, d'études ou d'emploi.

Mais il est plus facile pour un Corse de se former sur le continent plutôt qu'un Réunionnais…

L'exemple de la Corse n'est pas très bon parce qu'aujourd'hui la SNCM est en grave crise. La société qui mettait en oeuvre cette continuité territoriale est en train d'être liquidée. On voit bien qu'il ne suffit pas de mettre les crédits. Encore faut-il que tout ça soit fait à bon escient.

Quelles sont vos relations avec les élus locaux, et notamment avec Didier Robert qui regrette votre manque de concertation ?

J'ai l'impression d'avoir des relations tout à fait normales et courtoises avec tous les élus. D'ailleurs, le jour où nous avons voté le budget, tous les parlementaires étaient là et ils avaient plutôt des expressions positives à l'égard du budget que je présentais. C'est vrai que Didier Robert m'a demandé un rendez-vous. Mais il l'a fait à trois jours près. Comme vous le savez je bouge pas mal, et ce rendez-vous n'a pas été possible. Je n'ai aucun souci pour parler avec Didier Robert. On peut très bien ne pas être d'accord avec un certain nombre d'aspects de sa politique, notamment sur sa position à l'égard de la continuité territoriale, et pour autant entretenir un dialogue démocratique. C'est ce que je ferai et je n'ai aucune raison de ne pas lui parler de manière courtoise.

Resteriez-vous ouverte à une discussion pour d'autres financements ?

Mon point de vue est arrêté sur la continuité territoriale. Je souhaite que Didier Robert utilise une partie importante de ses 24 millions d'euros pour compléter les fonds que l'Etat met sur les contrats aidés et les emplois d'avenir afin de trouver des solutions pour les jeunes. Nous avons été obligés de monter à 90 % la part de l'Etat parce que les collectivités ne pouvaient pas faire face à ce qui était à leur charge. J'aimerais que M. Robert puisse dégager plus d'argent pour ces jeunes qui sont en difficulté.

Vous avez voulu montrer un geste fort en démarrant votre visite en rencontrant un groupe de dialogue inter-religieux à La Réunion. On parle beaucoup de menace de radicalisation islamiste à Mayotte où le problème de l'immigration clandestine reste irrésolu à ce jour. Des ressortissants originaires de pays où des factions islamistes sont présentes entrent facilement dans l'île, tandis que des jeunes mahorais sont déjà partis en Syrie pour faire le djihad. Ne craignez-vous pas une montée en puissance de cette radicalisation ?

Je crois que l'hexagone et les départements d'outre-mer sont menacés - ou ne sont pas exempts - d'une menace de radicalisation. Aujourd'hui, un certain nombre de mesures adoptées au niveau national doivent être prises aussi à La Réunion. La Réunion a une chance. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à rencontrer le groupe de contact, d'avoir un islam apaisé et un dialogue entre les différentes religions. La situation à La Réunion est plutôt satisfaisante. Comme La Réunion n'est pas à l'extérieur du monde, elle peut être touchée par des phénomènes de radicalisation et il faut qu'on soit vigilants. S'agissant de Mayotte, on a affaire à un islam très modéré. Mais comme beaucoup d'autres pays, ils ne sont pas à l'abri du fondamentalisme et de personnages radicaux. Là encore, il faut que nous soyons extrêmement vigilants.

Une manifestation anti Charlie Hebdo est prévue ce dimanche à Mayotte. Ce serait la première en France. N'est-ce pas un phénomène inquiétant à vos yeux ?

L'essentiel est de ne pas faire d'amalgame. Quand nous parlons de Charlie Hebdo, nous défendons la liberté d'expression. Par conséquent, on peut dans ce pays dire qu'on est Charlie ou qu'on ne l'est pas. La radicalisation, c'est la violence. On peut très bien ne pas être d'accord avec quelqu'un. Ce qui est inadmissible, c'est de prétendre que cette personne doit se taire ou prétendre la faire taire par la force ou la violence. Par conséquent aujourd'hui, on va regarder ce qu'est cette manifestation. Mais c'est dommage, car nous avions une forme d'unanimité nationale où des gens de toutes couleurs et de toutes religions étaient descendus dans la rue pour lutter contre les amalgames et défendre les valeurs de la république. C'est un petit peu dommage que cet unanimisme ait été interrompu.

Le vivre-ensemble passait également à La Réunion par une tolérance sur certaines pratiques religieuses. Que pensez-vous de la manière douce qui est appliquée à La Réunion concernant l'interdiction du port du voile intégral ?

De part mes fonctions depuis une dizaine d'années, je viens régulièrement à La Réunion et j'ai pas le souvenir d'avoir vu des femmes intégralement voilées. Il est possible que ça existe, mais cela doit être un phénomène relativement marginal. En tout cas, nous en avons parlé ce matin avec M. Houssen Amode qui nous a confirmé que les musulmans de La Réunion respectent la loi et qu'ils ne demandent pas de tolérance pour les personnes qui se voilent intégralement parce que ça ne ressemble pas à l'islam de La Réunion.

Pourtant c'est bien quelque chose qui se voit régulièrement dans les rues et qui est assez bien accepté dans le département.

Nous avons eu tous eu une mission sur ce sujet. Je crois qu'une femme qui se retranche comme ça du monde n'est pas une femme qui va très bien. La loi existe, la loi est votée et la loi doit être respectée.

www.ipreunion.com

guest
5 Commentaires
T42
T42
9 ans

"je viens régulièrement à La Réunion et j'ai pas le souvenir d'avoir vu des femmes intégralement voilées".
C'est sûr que depuis sa voiture à vitre fumées et avec un parcours balisé de policiers elle ne risque pas d'en rencontrer.
Qu'elle vienne donc le matin devant les écoles ou au "petit marché" et elle verra.
Mme la ministre sait manier la langue de bois, c'est tout ce que ça prouve.
Bravo au préfet de faire respecter la loi de la République.
Réunion ou pas, les élus réunionnais ont voté cette loi.
Le temps du laxisme est révolu.

rr
rr
9 ans

Madame la ministre,
C'est de la politique de bas niveau: vous avez raison, mais vous ne savez pas dialoguer, ni même vous exprimer.

le Parti Satanique (le PS)
le Parti Satanique (le PS)
9 ans

Madame la Ministre, comme vous saviez que Didier Robert voulait vous rencontrer le mois dernier, pourquoi n'avez-vous pas intégré dans votre planning de ce déplacement un moment d'échange avec lui!

Pour ma part je retiens dans vos différents discours une chose! Vous ne voulez pas aider le Réunionnais à s'ouvrir! Vous me faites penser à notre ancien Président de région qui a tout fait pour garder la Réunion sous une domination d'un gourou! Eviter de démocratiser la connaissance et ainsi garder le Réunionnais abruti!

Heureusement que certains ont pu sortir de cet enclavement! Chose que vous voulez remettre en place!

gilberte des hauts
gilberte des hauts
9 ans

Aujourd'hui, tout le monde critique ceci ou cela, la continuité oui la continuité non.
Mais je pense que nous devons rester lucide.
Aujourd'hui cela coute très cher le billet d'avion pour aller en métropole.
La Région se bat pour déduire de ce prix un montant de 450 ou 360 euros afin d'honorer le pouvoir d'achat des réunionnais !
Comment peut on ne pas etre d'accord avec ce dispositif ?
Devenons nous trop individualistes ?

charly
charly
9 ans

A bon pourquoi mme la ministre ?
Vous comptiez vous en sortir comme ca ? ha ha ha ha