Environnement - Animaux

Les pétrels de La Réunion parmi les espèces les plus menacées au monde

  • Publié le 20 mars 2015 à 05:00

La revue scientifique "Current Biology" vient de publier les résultats d'une étude internationale classant les animaux selon leurs chances de survie. Quinze espèces sont ainsi identifiées comme les plus en danger au monde et proches de l'extinction, dont le pétrel noir de Bourbon, oiseau marin endémique de La Réunion. Dans une situation moins critique, le pétrel de Barau est lui aussi menacé.

Par cette étude, les scientifiques souhaitent alerter sur l’accélération de la disparition d’espèces à travers le monde. "Le rythme de disparition est dix fois supérieur à la normale", estime ainsi la zoologue Dalia Amor Conde, première signataire de l’article et citée par lemonde.fr.

Parmi les 15 espèces animales ayant le moins de chances de survivre, on retrouve une salamandre de Turquie, des grenouilles brésiliennes, le rat grimpeur du Chiapas, mais aussi beaucoup d’oiseaux, dont le monarque de Tahiti, l’albatros d’Amsterdam et... le pétrel noir de Bourbon.

"L’un des plus rares oiseaux du monde"

Endémique de La Réunion, ce volatile marin est "l’un des plus rares oiseaux du monde", explique François-Xavier Couzi, directeur de la Société d’études ornithologiques de La Réunion (SEOR), confirmant que le pétrel noir de Bourbon est aujourd’hui "en danger critique d’extinction".

"Il est encore très mal connu. On estime sa population à quelques dizaines d’individus, peut-être entre 15 et 60, mais même ça c’est à prendre avec des pincettes", précise l’ornithologue. C’est que le pétrel noir de Bourbon est un animal assez insaisissable : "C’est un oiseau qui vit quasiment toute sa vie en mer, qui se promène au gré des vents dans l’ensemble de l’océan Indien et qui vient sur les côtes réunionnaises en période de reproduction pour nicher dans certaines zones", détaille François-Xavier Couzi. "C’est seulement à ce moment-là qu’on peut l’observer, et encore il ne rentre qu’à la nuit tombée et repart dès le lever du jour", ajoute-t-il.

Mais si le pétrel noir aime à se faire discret, il pourrait l’être encore de plus en plus, jusqu’à disparaître totalement. "Une cascade de menaces pèsent sur lui, provoquant un déclin de l’ensemble de la population", s’alarme le directeur de la SEOR.

Au premier rang de ces dangers se trouvent les "prédateurs introduits", à savoir les chats et les rats, "qui pullulent même dans des falaises qui sont inaccessibles à l’homme", décrit François-Xavier Couzi. "Les rats attaquent les œufs et peuvent s’en prendre aux jeunes oiseaux, tandis que les chats attaquent les jeunes comme les adultes", poursuit-il.

Menacés par les chats, les rats et l'éclairage urbain

L’autre grande menace est constitué par l’éclairage urbain qui "désoriente les oiseaux", au point que ceux-ci viennent s’échouer au sol. Deux hypothèses sont susceptibles d’expliquer ce phénomène. "Les pétrels s’orientent grâce à la lune et aux étoiles, donc en période de lune noire, on pense qu’ils confondent les lumières des villes avec des étoiles", confie François-Xavier Couzi. "La deuxième possibilité, c’est qu’ils confondent ces lumières avec les calamars dont ils se nourrissent et qui sont luminescents la nuit", complète-t-il.

Du côté de la SEOR, avec des partenaires comme le Parc national ou le CCEE (Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement), on est mobilisé depuis plusieurs années pour sensibiliser la population et lutter contre ces dangers. C’est le sens notamment d’une opération comme les "Nuits sans lumière", dont la septième édition aura lieu cette année du 16 au 26 avril, période correspondant à l’envol des pétrels.

Pendant dix nuits, une réduction des éclairages sera mise en œuvre pour permettre aux jeunes pétrels de prendre leur envol en toute sécurité mais aussi "de sensibiliser chacun à tous les effets négatifs de la pollution lumineuses", car "cela concerne aussi les tortues, les insectes et la santé humaine", souligne le directeur de la SEOR.

"Notre responsabilité est extrêmement forte"

Par ailleurs, "depuis trois ou quatre ans, on mène une opération pour réduire la population de prédateurs sur les zones de colonie des pétrels, avec des captures de chats sauvages et un travail important de dératisation", ajoute François-Xavier Couzi.

Autant d’actions qui nécessitent pas mal de moyens, qui seront renforcés par le programme européen nommé "Life + pétrels" qui sera lancé officiellement le 9 avril prochain. Un financement primordial, d’autant que le pétrel noir de Bourbon, s’il est le plus directement menacé, n’est pas la seule espèce en danger à La Réunion.

"Le pétrel de Barau est dans un situation moins critique car sa population est bien plus importante et qu’on le trouve sur des sites plus diversifiés, mais il est également menacé", explique l’ornithologue. "C’est très rare d’avoir deux pétrels endémiques, donc notre responsabilité est extrêmement forte. Car si on continue comme ça, on sera responsable de la disparition de ces deux espèces. C’est maintenant qu’il faut agir", alerte-t-il.

"Chacun peut agir à son niveau. En cette période électorale, on n’entend pas trop parler d’environnement, mais c’est toujours d’actualité. Il faut défendre les notions d’éco-citoyenneté et de responsabilité par rapport à ce qui nous entoure. Petit à petit on va peut-être y arriver...", conclut le directeur de la SEOR.

www.ipreunion.com

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