Santé

Avoir un enfant quand on a le Sida

  • Publié le 11 juillet 2015 à 05:00

Sur l'île, près de 900 individus porteurs du VIH sont pris en charge à La Réunion. Les femmes séropositives ayant un désir d'enfant ont, à l'heure actuelle, la capacité d'enfanter et de donner naissance à des nourrissons séronégatifs. Toutefois il arrive que certains couples atteints du virus du Sida rencontrent des difficultés pour concevoir un enfant. Ainsi, lorsque bébé tarde à venir, ces couples se tournent vers la procréation médicalement assistée.

Mettre au monde un enfant sain et en bonne santé, c’est le souhait de toutes femmes désirant enfanter. C’est également le vœu le plus cher des femmes séropositives ayant un désir d’enfant. Aujourd’hui, les avancées de la médecine ont permis aux femmes enceintes porteuses du VIH de donner naissance à un bébé séronégatif. Cependant lorsque les méthodes naturelles ne fonctionnent pas, certains couples font appel à la procréation médicalement assistée. Un arrêté ministériel datant de mai 2001 a défini les possibilités et les conditions de prise en charge des couples séropositifs. Depuis cinq ans, une quinzaine de couples séropositifs réunionnais ont eu recours à l’assistance médicale pour la procréation. "Il faut savoir que le spermatozoïde et l’ovule ne véhiculent pas le VIH. Le virus est présent dans les liquides spermatique et vaginal", rappelle Catherine Gaud, responsable du service immunologie du CHU de Bellepierre.

Les couples séropositifs peuvent être suivis par le centre d’assistance médicale pour la procréation (AMP) du hroupe hospitalier sud réunion, uniquement si le nombre de virus circulant dans le sang également appelé "charge virale" est dit  "indétectable". En effet, le traitement usuel pour empêcher l’évolution de la maladie est la trithérapie. Ce sont des médicaments "antirétroviraux" qui abaisse la quantité de virus présente dans le corps humain. Lorsque les conjoints sont rigoureux dans leur traitement, le service immunologie délivre un certificat approuvant la charge virale indétectable. Les partenaires peuvent ensuite se rendre au centre d’AMP de Terre Sainte afin d’être suivis.

Sabrina* est porteuse du virus depuis 2006. Son compagnon et elle ont opté pour la fécondation in vitro après avoir tenté de concevoir un bébé naturellement pendant 4 ans. Elle fait partie des premières patientes séropositives du centre d’AMP de Saint-Pierre. La jeune femme raconte : "lorsque les médecins m’ont annoncé que j’attendais un bébé. J’étais ravie mais angoissée à l’idée de perdre le fœtus". Grâce à une fécondation in vitro, Sabrina a mis au monde Lucie* âgée aujourd’hui de deux ans et demi. Il y a trois mois, la mère a mis au monde un deuxième enfant nommé Sophia*. "Elle a été conçue naturellement, on ne s’y attendait pas du tout. Nous avions décidé de la garder parce qu’on avait eu beaucoup mal à concevoir notre 1er enfant", précise t-elle.

Créé en 2010, le centre d’Assistance médicale à la procréation est le seul centre habilité sur l’île à prendre en charge les couples séropositifs. Les techniques actuellement proposées sont l’insémination artificielle, la fécondation in vitro et la fécondation par micro injection. D’ailleurs, lorsque les couples sont "sérodiscordants" - c’est à dire qu’un seul des partenaires est contaminé - la procréation médicalement assistée peut constituer une solution. Trois cas de figures existent : l’homme est contaminé et non la femme, ou la femme est contaminée et non l’homme, ou les deux partenaires sont porteurs du virus.

"Tout doit se faire dans la douceur"

Si le couple s’oriente vers l’insémination artificielle, le sexe du partenaire contaminé détermine la prise en charge. Si l’homme est séropositif, le liquide séminal est filtré afin de retirer au maximum le virus. Les médecins procèdent ensuite à l’insémination de la femme séronégative avec le sperme non infecté. Lorsque la femme est séropositive, le compagnon séronégatif doit recueillir sa semence dans un récipient propre. Le sperme est ensuite injecté rapidement dans l’appareil génital de la femme à l'aide d'une seringue. Cette technique peut être effectuée par le couple, dans leur intimité. Toutefois le médecin Catherine Gaud explique : "si la femme suit rigoureusement son traitement antirétroviral, qu’elle a une charge virale indétectable depuis plus de 6 mois, les partenaires peuvent avoir des relations sexuelles non protégés uniquement s’ils n’ont aucune lésions génitales, c’est important. Tout doit se faire dans la douceur", poursuit la responsable du service immunologie du CHU de Bellepierre.

La fécondation in vitro (FIV) et la fécondation par micro-injection se font uniquement au sein d’un laboratoire. Si les deux partenaires sont contaminés et qu’ils ne peuvent pas concevoir d’enfant, le centre AMP de Terre-Sainte prélèvera leurs cellules reproductrices. " Les ovules de la femme séropositive sont prélevés lors d’une ponction puis nous effectuons les manipulations avec les cellules masculines dans un espace réservé au risque viral ", insiste Marc Gabriele, responsable du centre d’Assistance médicale à la procréation de Saint-Pierre et gynécologue obstétricien.

Le responsable rappelle les trois risques majeurs liés à la pratique médicale. Il s’agit de la transmission du virus au personnel lors des manipulations, de la contamination au sein du laboratoire via les prélèvements des patients et de la contamination d’une patiente lorsque l’embryon est transféré dans l’utérus. "L’embryon n’est pas porteur du VIH mais les cellules qui l’entourent, elles, peuvent contenir du virus. Donc si nous les injectons chez une femme séronégative, il y a potentiellement un risque d’infection", informe Marc Gabriele.

Il poursuit : "par an, sur 40 FIV avec un risque viral avéré (hépatite B, hépatite C ou VIH), environ 5 FIV sont réalisées à partir de cellules reproductrices de couples séropositifs". Selon le gynécologue obstétricien, la trithérapie altère la qualité des spermatozoïdes et des ovules. "En général, les femmes séropositives tombent moins souvent enceinte. Elles ont 10 % de chance contre 40 % pour une femme non contaminée", indique le responsable.

Un accouchement à risque

La grossesse d’une femme séropositive est considérée comme une grossesse à risque d’autant plus que l’accouchement est une situation de contamination pour le bébé. En effet, le bébé est en contact avec le sang de la mère. Selon le médecin Catherine Gaud, le virus a la capacité de s’introduire dans le corps du nourrisson par la voie des muqueuses (yeux, narines, anus, sexe,…). De ce fait, les femmes porteuses du VIH doivent obligatoirement accoucher au service maternité du CHU de Bellepierre ou du GHSR de Saint-Pierre car un protocole spécifique doit être appliqué.

"Nous savons que le foetus avale les sécrétions maternelles et qu’il est possible de retrouver du virus dans son œsophage. Même si le bébé est séronégatif, nous le mettons sous traitement antirétroviral pendant un mois par mesure de précaution", souligne Catherine Gaud. Le médecin pointe un autre facteur à risque : "une maman séropositive peut contaminer le bébé via l’allaitement. Il y a 1% de risque par mois d’allaitement, si elle allaite durant 6 mois par exemple, il y a 6% de risque, ce n’est pas anodin et l’on déconseille fortement."

A La Réunion, depuis quinze ans, aucune femme séropositive sous traitement médical n’a contaminé son bébé lors d’une grossesse. "On a toutefois eu deux cas de bébés contaminés. Leurs mères n’avaient pas suivi de traitement durant leur grossesse dans leur pays d’origine. Et lors de leur accouchement sur le département, le virus a malheureusement été transmis au fœtus", confie la responsable du service immunologie du CHU de Bellepierre. Selon le médecin, une femme séropositive traitée avant la grossesse et ayant a une charge virale indétectable a un risque quasi nulle de transmettre le virus à son bébé.

D’après l’organisation mondiale de la santé (OMS) environ 1,4 million de femmes séropositives tombent enceintes chaque année dans le monde. La majorité d’entre elles vivent dans les pays en développement et notamment en Afrique subsaharienne. Faute de traitements à base d’antirétroviraux, ces femmes ont de 15 à 45 % de risques de contaminer leur enfant pendant la grossesse, lors de l’accouchement ou en donnant le sein. Cuba est devenu le mardi 30 juin 2015 le premier pays à avoir éradiquer la transmission du VIH de la mère à l’enfant selon l’OMS. "Eliminer la transmission d’un virus est l’un des plus grands accomplissements en matière de santé publique", a déclaré Margaret Chan, directrice générale de l’OMS.

* nom d’emprunt

Alyssa Mariapin pour www.ipreunion.com

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