Conseil départemental - Artisanat

Bois de Goyavier  : la peste végétale devenue noble

  • Publié le 14 février 2016 à 11:53
  • Actualisé le 1 août 2018 à 08:50

Produisant un petit fruit rouge fortement prisé par les gourmets mais aussi peste végétale menaçant les espèces endémique, le bois de goyavier est en train de gagner ses lettres de noblesse. Structurée au sein d'une filière mise en place par le conseil départemental, l'exploitation artisanale de cette matière première bon marché permet la réalisation de mobilier urbain, de meubles et même de bungalows

Tout le monde à La Réunion connaît le goyavier. Ce petit fruit rouge acidulé qui pousse à l'état sauvage se déguste tel quel parfois avec une pointe de piment et de sel, en salade aigre-douce, en confiture, en gelée et même en rougail en accompagnement des caris. L'imagination des gastronomie réunionnaise  est sans borne.

Ce que l'on sait moins est que  le goyavier est aussi une peste végétale envahissante menaçant d'étouffer les plantes endémiques de l'île. On sait encore moins que le bois de goyavier peut être transformé en objets de décoration, en meubles, en mobilier urbain et même en bungalow.

L'histoire de cette transformation n'aurait pas été possible sans la rencontre de deux personnes. "C'était en juillet 2011, Nassimah Dindar revenait d'une randonnée au volcan. Elle est venue me voir la haut dans mon brouillard et elle a vu ce que je faisais" se souvient Jean-François Hoareau. Il a commencé à travailler le bois de goyavier en 2002 dans sont atelier de la Plaine des Cafres. Il fabrique alors artisanalement des éléments de décoration et des petits meubles. Son objectif est de "valoriser une peste végétale en l'empêchant de nuire aux forêts de l'île" commente l'artisan

L'idée retient toute l'attention de la présidente du conseil général (devenu conseil départemental depuis). Propriétaire de 80% des forêts de l'île –classées au patrimoine mondiale de l'Humanité -,  doit aussi veiller à leur bon entretien et leur protection, notamment en ce qui concerne les espèces endémiques qui ne font pas le poids face à l'envahissant fruit rouge.  10 millions d'euros sont consacrés tous les ans dans le budget départemental pour la préservation du milieu naturel qui représente 850 km de sentiers de randonnées et 21 espaces naturels sensibles (ENS) soit 1 500 km2 de la superficie de l'île.

La structuration de la filière goyavier est décidée peu de temps après et les choses se mettent très vite en place.

ean-François Hoareau est nommé chargé de mission pour le développement de la filière. "Le Département est compétent en matière d'insertion des publics en difficulté et de protection des forêts. Nassimah Dindar m'a demandé de conjuguer ces deux axes et de transmettre mon savoir-faire" raconte-t-il.

A la fin de  l'année 2011, le chargé de mission a déjà formé une douzaine de personnes "y compris des chefs d’équipes. La filière a fini par se structurer d’elle-même" dit-il.  Actuellement "nous sommes une cinquantaine. 60% des agents sont en contrat aidés"  note-t-il. Les personnels sont affectés au ramassage de la matière première "qui n'est pas chère puisqu'elle pousse à l'état sauvage" et à sa transformation.

"Que les Réunionnais s'approprient notre travail"

Plus de 2 500 gaulettes – soit environ 15 M3 -, de bois de goyavier sont collectées toutes les semaines. Entre les mains expertes des artisans ce bois brut s'offre une nouvelle vie. Commandés par des collectivités des poubelles, des bancs, des kiosques de forêt et des abri bus sortent des ateliers. Les communes du Port, de Saint-Leu et du Tampon – dans le quartier de la Plaine des Cadres -, sont déjà équipés en abri bus en bois de goyavier.

A ce mobilier urbain s'ajoutent les meubles d'intérieur et des objets de décorations. Chaises, tables, tabourets, lampes, dessous de verre, cendriers, porte-crayons, brise-vue… sont exposées, notamment, au showroom de l’espace Reydellet dans le Bas de la Rivière à Saint-Denis qui a ouvert ses portes en 2013. Les particuliers peuvent acheter des pièces sur place. Depuis 2014 une société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) a été créée afin de permettre la vente et la commercialisation des produits.

Une nouvelle étape a été franchie il y a quelques mois avec la fabrication de bungalows  et de petites structures domestiques (les cabanes de jardin par exemple) réalisés en partie avec du bois de goyavier.  Les structures peuvent être commercialisées auprès de fermes – auberges, des chambres d'hôtes, des VVF (villages de vacances) et des particuliers.

Jean-François Hoareau aimerait que la nouvelle vie qu'il donne avec ses équipes au bois de goyavier soit mieux connue du grand public. "Les gens qui me connaissent me disent "c’est super de voir un abri bus en goyavier", mais ce serait bien que tous les Réunionnais s'approprient le travail que nous faisons, qu'ils s'identifient dans ses œuvres" souffle le chargé de mission.

"Je serai heureux lorsque des usagers diront en s'asseyant sous des abri bus au Port où à Saint-Leu par exemple disent "ce sont des agents réunionnais qui les ont construits". Mais il y encore du travail à faire pour que les gens s’approprient vraiment le goyavier et qu’ils soient fiers de ce que l’île peut leur donner" termine Jean-François Hoareau.

www.ipreunion.com

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3 Commentaires
Renard
Renard
8 ans

Excellente info

JH Savigny
JH Savigny
8 ans

Quelle aventure ! Comme quoi, même dans ce que l'on croyait mauvais, on est parvenu par la combinaison de l'audace, de l'intelligence et du talent à faire émerger une filière. Félicitations aux personnes citées.

lou_gabrielle
lou_gabrielle
8 ans

Bravo pour cet article qui contient une vraie information qui a fait changer mon regard sur cette activité. Je ne voyais pas une telle entreprise derrière ces réalisations que je trouve vraiment très simples et belles parce que naturelles. Je vais aller faire une tour à la boutique et voir si je peux emmener mes élèves visiter l'atelier. Merci à vous