VIH, cancers, tuberculose

Derrière le Covid-19, d'autres maladies insuffisamment dépistées

  • Publié le 10 septembre 2021 à 13:19

VIH, cancer, tuberculose... aujourd'hui de nombreuses maladies ne sont plus suffisamment dépistées à cause du Covid-19. Le Fonds mondial parle d'un "impact dévastateur" sur la lutte contre ces maladies à travers le monde. A La Réunion, les praticiens remarquent également un important recul notamment dans la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, à commencer par le Sida. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

"Aujourd'hui quand on dit dépistage on pense tout de suite au Covid." Ce constat, Chloé Robert le fait quotidiennement à l'association Rive (Réunion immunodéprimés vivre et écouter). La conseillère conjugale et familiale remarque depuis un an une focalisation de la population sur le test anti Covid, considéré comme "le seul, le plus important", explique-t-elle.

Pourtant les dépistages ne concernent pas uniquement le SARS-COV-2. VIH, cancers, tuberculose et même paludisme ailleurs dans le monde : ces maladies ne sont pas suffisamment dépistées depuis plus d'un an maintenant, car le Covid-19 prend toute la place.

Le "Fonds mondial" fait état dans un rapport publié ce mercredi 8 septembre de retour en arrière, une première depuis la création de la fondation en 2002. "L'impact du Covid-19 a été dévastateur. Pour la première fois de notre histoire, nos principaux indicateurs sont en recul" note Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial.

Selon le rapport, en 2020, le nombre de personnes traitées pour une tuberculose résistante aux médicaments a baissé de 19%. Pour le paludisme, le nombre de dépistages de personnes soupçonnées d'avoir le paludisme a baissé de 4,3% en 2020. Une maladie aujourd'hui éradiquée de La Réunion.

- Chute de 32% des dépistages des IST -

Dans le monde, le dépistage du Sida a globalement fléchi de 22%, retardant le début des traitements dans la plupart des pays, selon le rapport du Fonds mondial. A La Réunion, la chute des dépistages des infections sexuellement transmissibles (VIH, chlamydia, syphilis…) atteint -32,3% entre 2019 et 2020.

Pour la Chlamydia, on enregistrait 5.350 dépistages en 2019, contre 4.023 en 2020, nous indique l'association Rive. Pour le VIH, on enregistrait 6.372 dépistages en 2019 contre 3.880 en 2020. "Depuis le début de l'année 2021, on recense 23 nouveaux dépistés positifs au VIH, contre 41 en 2019" explique Isabelle Rigolier, coordinatrice du Corevi (Coordination régionale de lutte contre le VIH et les IST). "Cette baisse des dépistages est liée à la pandémie. Avec le confinement notamment, les gens se sont moins déplacés."

L'agence régionale de santé confirme qu'en 2020, "une baisse importante de l’activité de dépistage de certaines IST a été observée en mars et avril". Ainsi, entre janvier et avril 2020, le nombre de dépistages réalisés a diminué de 56% pour la syphilis - avec une baisse plus importante chez les hommes que chez les femmes -, de 61% pour les infections à gonocoque, de 62% pour les infections à Chlamydia trachomatis. En mai 2020 l'activité des dépistages a repris, avant de baisser à nouveau dès le mois de juin.

"Nous craignons une recrudescence des IST… quand je vois toutes les questions que l'on me pose encore au téléphone, malgré les informations disponibles, c'est alarmant" s'inquiète Chloé Robert.

Avant même la crise Covid, les IST étaient en hausse chez les 15-25 ans à La Réunion "car les jeunes n'utilisent pas de protection pour les rapports buccaux" explique la conseillère de l'association Rive.

De passage à La Réunion, Jean-Luc Romero, adjoint à la maire de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations, et président-fondateur des Élus locaux contre le Sida (ELCS), estime que le VIH est "victime du Covid-19". "Avant il y avait une mobilisation internationale, on visait une disparition du VIH d'ici l'horizon 2030… et puis il y a eu le Covid-19." Et avec le virus, un frein brutal pour les opérations de dépistage.

Or sans dépistage, difficile d'avoir une visibilité sur le nombre de personnes touchées. "Pourtant une fois sous traitement, les personnes séropositives n'infectent plus. Avoir un monde sans Sida, vous imaginez ?" Jean-Luc Romero estime que l'on a trop vite "oublié les autres maladies", face au Covid-19. "On laisse mourir des gens dans une indifférence glacée."

- Le pass sanitaire, dissuasion supplémentaire -

La baisse des dépistages s'est accélérée avec l'arrivée du pass sanitaire. "Dans la tête des gens il devient difficile de se déplacer dans un centre de santé sexuelle, pourtant ces centres et les cabinets médicaux ne sont pas soumis au pass mais tous ne le savent pas" remarque Chloé Robert. Et si la population ne se déplace pas d'elle-même, il est compliqué d'aller vers elle. "Les associations sont toujours présentes mais nous n'organisons plus de grandes actions comme les testing days, pour lesquels nous étions pourtant précurseurs à La Réunion." Une seule action de ce type a pu être réalisée cette année, le 28 juillet dernier à Saint-Denis.

Côté suivi des maladies, le pass a entraîné "un nouveau recul", déplore Reuben Veerapen, à l'Union régionale des médecins libéraux. "Il y a une mauvaise compréhension des conditions d'accès aux cabinets et les médecins de ville font part de fuites énormes des patients." C'est le cas notamment en service de pédiatrie ou encore en gynécologie. Des retards qui viennent s'ajouter à ceux déjà accumulés l'an dernier.

Dès 2020, notamment en cancérologie, de nombreux patients ont souffert de soins trop tardifs, par peur de se rendre dans un établissement de santé, par crainte de déranger en temps de pandémie, ou à cause des opérations déprogrammées pour libérer des lits destinés aux patients Covid.

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires