
- Le déroulement du débat -
Le débat d’entre deux tours aura donc lieu ce mercredi 20 avril à 23h (heure de La Réunion). L’émission sera coproduite et codiffusée par les deux chaînes principales du paysage télévisuel français, TFI et France.
Deux journalistes ont été choisis, d’un commun accord entre les deux candidats, pour présenter cette émission, à savoir Gilles Bouleau pour TF1 et Léa Salamé pour France 2. Un temps pressenti pour être présente sur le plateau, la journaliste Anne-Sophie Lapix a été recalée du casting, notamment par le camp de Marine Le Pen qui estime que cette dernière 'n’arrive pas à dissimuler son hostilité'" à l’encontre de la candidate du Rassemblement National.
Les deux candidats auront environ 2 heures pour convaincre les Français encore hésitants.
- Le débat, un moment de bascule ? -
En théorie, le débat d’entre deux tours ne fait généralement pas le résultat l’élection présidentielle mais il permet très certainement de créer une dynamique en faveur ou en défaveur d’un des candidats.
En 2012 par exemple, le débat entre François Hollande et Nicolas Sarkozy était très attendu, car confrontant deux personnalités opposées. Si les spectateurs pouvaient penser que François Hollande pourrait plier sous les coups de Nicolas Sarkozy, il n’en fut rien. Avec sa longue tirade anaphorique "Moi Président", le candidat socialiste a su créer un moment de rupture dans le débat, dans la campagne, et installer cette stature présidentiable attendue par les Français.
Cette émission est surtout le seul moment de la campagne où un véritable débat peut s’instaurer entre les deux finalistes, qui, face à face, vont défendre leurs projets, leurs idées, mais aussi se critiquer, parfois à coups de petites phrases.
- Marine Le Pen en opération normalisation -
Pour Marine Le Pen, l’enjeu de ce débat sera double. D’abord faire oublier sa prestation cauchemardesque de 2017 où, face à Emmanuel Macron, elle a été dépassée sur tous les aspects. Ne maitrisant pas ses dossiers, semblant perdue dans ses papiers, faisant preuve d’agressivité, elle a rapidement hypothéqué toutes ses chances de rattraper son retard sur le candidat de la République en Marche. Marine Le Pen prépare cette fois de façon méthodique ce débat, afin de se donner la stature présidentielle qui lui a cruellement manqué en 2017. Un échec à ce niveau pourrait lui coûter extrêmement cher.
L’autre enjeu sera de poursuivre sa stratégie de normalisation de son parti, pourtant placé à l’extrême droite de l’échiquier politique.
Marine Le Pen a commencé ce travail dès 2015 en prenant ses distances vis-à-vis de son père, Jean-Marie Le Pen connu pour ses postures polémiques. En parallèle, la nouvelle femme fort du parti tâche de lisser le discours, adoucissant les idées sur l’immigration, promouvant davantage d’intervention de l’Etat et répondant aux sujets qui concernant principalement les Français : l’emploi, le pouvoir d’achat ou encore la sécurité.
La seconde étape de cette stratégie est la renomination en 2018 du Front National qui devient Rassemblement National, une manière pour le camp de se refaire une virginité et faire définitivement oublier l’image de Jean-Marie Le Pen.
Ce débat d’entre deux tours sera l’occasion de définitivement asseoir sa légitimité et de défendre sa capacité de diriger le pays, sur des projets qui, si fondamentalement reposent sur l’idéologie d’extrême droite, semblent désormais entendables et entendus par bon nombre de Français.
- Emmanuel Macron en opération séduction -
Pour le Président de la République sortant, la tâche sera différente de celle de son adversaire du jour. Elu largement en 2017 (66,10%), Emmanuel Macron incarnait un espoir de changement, une alternative aux partis traditionnels et une nouvelle manière de gouverner. Force est de constater que son quinquennat, marqué par la crise des gilets jaunes, la crise Covid-19, des petites phrases qui sont très mal passées, a laissé un goût amer pour beaucoup de Français.
Au point que pour la première fois depuis 2002, le front républicain face à l’extrême droite a du mal à prendre.
Emmanuel Macron doit aussi faire face à une banalisation des idées du programme porté par le Rassemblement National, au point que de plus en plus de Français assument ouvertement de soutenir Marine Le Pen, alors que ce soutien était encore tabou il y a encore quelques années.
Emmanuel Macron aura donc fort à faire pour défendre non seulement son bilan largement critiqué mais aussi son programme auquel les Français n’y croient guère, avec quelques boulets à assumer tels que la retraite à 65 ans (même s’il s’est déclaré favorable à un consensus sur ce sujet) ou encore l’obligation d’activité pour les bénéficiaires du RSA.
Il devra par ailleurs réussir à parler aux électeurs qui n’ont pas voté en sa faveur, notamment ceux de gauche qui ont largement plébiscité Jean-Luc Mélenchon. Il sera donc très attendu sur des questions relatives au social et au pouvoir d’achat des Français.
Emmanuel Macron devra enfin réussir à convaincre les Français du risque que représente le Rassemblement National s’il arrive au pouvoir, une stratégie qu’il a déjà commencé à bâtir, évoquant un "choix de civilisation" en parlant du second tour, et transformant ce scrutin en "référendum pour ou contre l’Europe, pour ou contre la République laïque et fraternelle dans laquelle nous croyons, pour ou contre l’écologique".
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