
- La gauche majoritaire, sur le papier... -
La gauche réunionnaise a des raisons d’y croire. D’abord du fait de l’érosion de l’adhésion à Didier Robert. Il recueille 31,10% des voix cette année au 1er tour contre 40,36% des voix en 2015.
D’autre part, d’un point de vue strictement mathématique, la gauche dépasse les 50% des suffrages. En effet, en additionnant purement et simplement les voix des différents candidats de gauche (Huguette Bello -20,74%, Ericka Bareigts - 18,48%, Patrick Lebreton - 7,78%, Olivier Hoarau - 4,24% et Jean-Yves Payet - 1,14%) on parvient à un total de 52,38% des voix, ce qui représente 120 948 suffrages.
Cela, sans ajouter les voix de Vanessa Miranville (9,91% et 22 875 voix) dont le positionnement originel sur l’échiquier politique est de gauche, ni même celles de Jean-Pierre Marchau (2% et 4628 voix) dont l’engagement penche également à gauche.
D’un point de vue purement comptable, la gauche au sens large réunit donc 148 451 voix au soir du premier tour, soit 64,29% des voix.
A titre de comparaison, Didier Robert et ses 31,10% représentent 71 800 électeurs. Le président de Région sortant devra donc, en restant dans cette posture théorique, plus que doubler ses voix s’il souhaite l’emporter au second tour.
- … mais ce n’est pas si simple -
Mais la politique ne rime pas toujours avec arithmétique. Dans le contexte actuel où les "camps" s’effondrent et où l’échiquier politique est de plus en plus flou, il n’est pas rare de voir des électeurs de droite voter à gauche et inversement. C’est ce qui risque de se passer lors de ce scrutin où il semble peu probable que toutes les voix s'étant portés urn,les candidat.e.s de gauche se reportent d'un bloc vers Huguette Bello.
A commencer par les électeurs d’Ericka Bareigts dont la liste, composée de personnalités issues de divers horizons se positionne davantage au centre de l’échiquier politique qu’à gauche. Si une bonne partie de ses électeurs devrait logiquement reporter ses voix vers Huguette Bello, la base électorale de la maire de Saint-Denis se situant fondamentalement à gauche, la droite espère clairement y pêcher quelques voix susceptibles de l’aider à rattraper son retard, notamment chez les électeurs centristes.
Comme pour Ericka Bareigts, les voix de Vanessa Miranville et de Jean-Pierre Marchau pourraient également se disperser entre la droite et la gauche, réduisant légèrement l’écart théorique entre Huguette Bello et Didier Robert.
On peut aussi s’interroger sur l’attitude des électeurs d’Olivier Hoarau. En effet, si ce dernier a appelé dès dimanche soir à soutenir l’union de la gauche, personne n’oublie la brouille entre le maire du Port et celle de Saint-Paul, ce qui avait notamment amené Olivier Hoarau à claqué la porte du parti d’Huguette Bello, PLR.
Néanmoins, s’il est impossible de prévoir avec certitude l’attitude des électeurs qui ont voté en faveur de la liste "Ansanm alon réyoné", il apparait que cet électorat semble avant tout être dans une logique de rejet de Didier Robert, ce qui pourrait conforter Huguette Bello dans un report des voix en sa faveur.
- La participation ne sera pas forcément la clé pour la droite -
A gauche, comme à droite (surtout à droite d’ailleurs), on compte sur la mobilisation des abstentionnistes. Les scrutins des régionales précédents montrent que la participation fait un bon de 10% à 15% entre le premier tour et le second tour. En 2015, alors que la participation était de 45% au premier tour, elle a atteint les 55% au second tour. En 2010, la participation était de 46% au premier tour et de 60% au second tour.
C’est une réalité, les électeurs seront certainement plus nombreux à se mobiliser au second tour. Un bon de 10% à 15% impliquerait que 70 000 à 90 000 électeurs en plus se déplaceront aux urnes ce dimanche. Mais il serait illusoire de penser que tous ces électeurs voteront en très grande majorité pour l’un ou l’autre camp.
Les précédents scrutins ont montré que la mobilisation du second tour ne parvient pas forcément à confirmer ou à renverser une tendance. C’est davantage le bilan (ou les propositions), la personnalité des candidats et leur stratégie d’entre deux tours qui permettent de transformer l’essai, ou au contraire provoquent un raz de marée d’opposition.
La droite saint-pauloise peut en témoigner puisqu’aux municipales de 2020, alors que l’attelage peu orthodoxe Alain Bénard/Joseph Sinimalé/Jean-François Nativel était mathématiquement loin devant (la droite représentait près de 60% des voix en cumulant les scores des candidats au 1er tour), ces derniers ont été largement battus par Huguette Bello au second tour (61,65% des voix). Ce n’est en aucun cas la faible hausse de la participation, de 8% au second tour, qui a aidé l’actuelle maire de Saint-Paul, mais un rejet de l’alliance de droite et du bilan de la majorité sortante.
Aussi, penser que la mobilisation de certains maires de droite suffira à inverser une tendance, comme si la population votait aveuglément, semble très hypothétique.
- Le ras le bol des citoyens -
D’autant plus que les candidats semblent oublier un facteur majeur, celui du ras-le-bol des citoyens. 2 ans et demi après la crise des gilets jaunes, les élus réunionnais ne semblent pas avoir pris la mesure du mal profond qui mine la population et la société réunionnaise.
Cela se traduit, d’une part, par un taux d’abstention qui va de record en record, et d’autre part, par une hausse du vote de contestation (ou de déception). On n’en parle malheureusement pas assez mais les votes blancs et nuls ont représenté durant ce scrutin du premier tour 5,28% des suffrages exprimés, soit 12 858 suffrages exprimés, ce qui est un chiffre énorme comparé à certains candidats qui n’ont même pas dépassé la barre des 5% à ce scrutin malgré des semaines et des mois de campagne et de battage médiatique.
Il semble très probable que ce chiffre sera encore plus important au second tour, au détriment des deux adversaires en lice.
Au soir du 27 juin, il y aura bien un.e gagnant.e. Mais s’il y a bien un camp qui aura véritablement gagné cette élection, ce sera certainement celui de l’abstention ainsi que celui du vote blanc et nul, donnant une fois de plus une grande claque à la démocratie.
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