Antonin Blaison (institut de recherche pour le développement)

"Il n'y a pas de réelle indication expliquant les attaques à répétition des requins"

  • Publié le 15 mai 2013 à 06:00

Ce mercredi 8 mai 2013, Stéphane Berhamel, un bodyboarder de 36 ans, était attaqué et tué par un requin sur le spot des Brisants à Saint-Gilles. Entre ce drame et février 2001, dix attaques de requins, dont quatre mortelles, ont eu lieu. Selon Antonin Blaison, l'un des scientifiques en charge de l'étude Charc (connaissances de l'écologie et de l'habitat de deux espèces de requins côtiers sur la côte Ouest de La Réunion) à l'institut de recherche pour le développement (IRD), il n'y aucune réelle indication sur la recrudescence de ces attaques. Il évoque, toutefois, des pistes comme l'hiver, période liée à la phase de reproduction et où les squales sont plus "agressifs" et le déséquilibre de l'écosystème marin. Par ailleurs, le scientifique estime que les vigies requins sont efficaces, à court terme, pour prévenir le risque requin. Selon lui, il faut plus de discipline et limiter les comportements à risques. Il note aussi que le déséquilibre de l'éco système marin pourrait être l'une des causes des attaques de squales. Pour rappel, la préfecture a décidé ce lundi de mettre en place une expérimentation de pose de drum-line ou palangre de surface en baie de Saint-Paul.

* Comment expliquez-vous la recrudescence d’attaques de requins de ces deux dernières années ?

Nous n’avons aucune réelle indication concernant les répétitions d’attaques. Mais nous avons des pistes avec un pic en hiver, lié à la phase de reproduction. Les mâles sont, en effet, en conflit pour avoir des femelles. Agressifs, ils vont vouloir défendre leur territoire. Ce qui les rend dangereux par rapport aux usagers de la mer, notamment les surfeurs.

* Selon une étude de l’IRD, un déséquilibre de l’écosystème marin est constaté. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le principe de l’écosystème construit la chaine alimentaire. Il y a ainsi une compétition entre mêmes espèces et espèces différentes, ce qui permet une régulation et de maintenir un équilibre. Quand il y a perturbation de l’écosystème, il y a déséquilibre et un manque de régulation d’une partie des populations qui peuvent devenir envahissantes. À La Réunion, ce déséquilibre influe sur la possible répartition des requins, la modification de la taille des populations ou de l’habitat ainsi que sur les proies. Il y a une compétition plus forte entre même espèce ou espèce différente à l’intérieur d’une même zone. Cette compétition est exacerbée en période de reproduction. Les requins doivent défendre l’accès à leurs ressources.

* Ce déséquilibre pourrait expliquer les attaques ?

C’est une autre hypothèse.

* Quelles sont les données qui ont déjà été collectées sur les requins à La Réunion ?

 Actuellement, 80 requins ont été marqués, soit 42 tigres et 32 bouledogues. Nous allons les suivre pendant un an grâce à 45 récepteurs déployés du Port à Saint-Pierre. À chaque fois qu’ils se trouvent à proximité de ces récepteurs, la date et l’heure du  passage est enregistrée. La température du squale l’est également. Cela permettra d’en savoir plus sur leur habitat. L’objectif est de savoir si les requins restent à La Réunion ou migrent vers Mayotte ou Maurice, voire plus loin vers l’Australie ou les États Unis. Il est important de savoir s’il existe une population dans les eaux réunionnaises.

* Dans quelles zones les requins sont-ils présents ?

D’après les premiers résultats, les tigres sont souvent au large. Concernant les bouledogues, nous avons fait deux types d’observations. Certains se concentrent au large de Saint-Gilles alors que d’autres se déplacent le long des côtes. Nous avons observé également une zone de repos en face de l’Étang du Gol. Nous essayons aussi de trouver les zones de prédation, qui correspondent à priori plus à des zones d’alimentation, notamment à Saint-Gilles à cause des rejets de poissons.

* Une opération de "tracking" ou suivi de requin en mer a aussi démarré ce dimanche…

Il s’agit de poser une caméra sur le requin. Nous pourrons alors suivre ses déplacements 24 heures sur 24. Grâce à la caméra, on pourra voir les interactions avec les autres requins, le mode de chasse ainsi que les zones de repos et de prédation. Jusqu’à ce mardi, nous n'avons marqué qu’un seul requin tigre mais nous n’avons pas pu poser la caméra, son aileron était très abîmé.

* Lors d’attaques de requins, on entend souvent parler de confusion de la victime avec des tortues. Qu’en est-il ?

C’est un fait admis. Il fait partie des légendes urbaines. Toutefois, chez les requins blancs, cette confusion est assez flagrante mais avec les otaries. Vue d’en haut, le surfeur peut être pris pour cet animal.

* Ce lundi, le préfet Jean-Luc Marx a, entre autres, annoncé l’expérimentation de drum-line en baie de Saint-Paul. Que pensez-vous de ce dispositif ?

Je commenterais cela plus tard….

* En attendant les différentes études, que préconisez-vous pour prévenir le risque requin ?

À court terme, je pense que les vigies requins sont efficaces. À long terme, il faut comprendre pourquoi les squales se comportent ainsi, travailler sur les causes humaines et éviter les zones à risques que nous aurons défini. Il faut plus de discipline.

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