Dix ans après le début de la crise

Surf: Alice Lemoigne retrouve son terrain de jeu, à l'abri des requins

  • Publié le 16 mars 2021 à 11:12
  • Actualisé le 16 mars 2021 à 13:41

Sur sa longue planche rose, le visage radieux, Alice Lemoigne surfe sur les vagues de son île, La Réunion. Dix ans après le début de la crise requin, la championne de longboard peut de nouveau s'entraîner à la maison. Notre photographe est allé à sa rencontre ce samedi 14 mars 2021 pour l'AFP (Photo rb/www.ipreunion.com)

Alice Lemoigne est une adepte du longboard, la version originelle du surf, davantage pratiquée par les puristes. Plus fluide que le très populaire shortboard, elle permet au surfeur de marcher en équilibre sur sa planche pour livrer un véritable ballet sur l'eau.

A ce jeu-là, elle excelle. Triple championne du monde et sextuple championne d'Europe, la jeune femme de 24 ans écume les océans toute l'année en quête de sensations. Mais la pandémie de Covid-19 l'a obligée à se poser, faute de compétitions.

D'ordinaire, elle partage sa vie entre son île adorée et sa ville de coeur, Biarritz, mais a choisi de vivre cette période perturbée près des vagues de son enfance, mises à mal depuis 2011 par la "crise requins".

Selon la Fédération française de surf, La Réunion a enregistré, depuis dix ans, 25 attaques par des requins bouledogues et tigres, dont onze mortelles; huit de ces morts étaient des surfeurs. Depuis le 26 juillet 2013, un arrêté préfectoral interdit toutes les activités nautiques et les baignades hors lagon à La Réunion.

- Vigie et 'Sharkshield' -

"Ca fait dix ans qu'à La Réunion on a un arrêté qui nous dit: +non tu ne peux pas aller à l’eau+. C’est quand même la seule île où on voit ça, c’est inadmissible!" s'insurge auprès de l'AFP la surfeuse, qui n'a jamais vu un requin de sa vie.

Depuis six ans est mis en place un protocole Vigie requins sur certaines zones: des personnes sous l'eau, caméra à l'appui, surveillent, alertent et évacuent. Et surtout depuis plus d'un an, elle utilise le 'Sharkshield", un appareil installé sur la planche qui diffuse un champ électromagnétique puissant auquel les requins sont particulièrement sensibles à cause de leurs récepteurs sensoriels (ampoules de Lorenzini).

C'est cet équipement de protection individuel (EPI) qui lui a permis de retourner sur les vagues, avec une autre surfeuse réunionnaise évoluant sur le circuit pro de shortboard, Johanne Defay.

"On a repris toutes les deux avec ce système anti-requin qui envoie des ondes aux requins. Nous, on reçoit un peu d’électricité sur la planche mais rien de grave et ça protège dix mètres autour de nous", explique-t-elle. Désormais, elle surfe tous les jours. Avec quelques exceptions le week-end tellement il y a du monde sur l'eau !

- 150 à l'eau -

"On est 150 à l’eau maintenant, c’est énorme, hallucinant. Les gens ont repris le surf à La Réunion, surtout tôt le matin dans des conditions assez propices avec le soleil et l'eau claire. Ca fait du bien de voir nos parkings remplis tellement tu trouves pas de place, ça faisait longtemps que je n'avais pas vécu ça", témoigne la surfeuse.

La dernière attaque à La Réunion date du 9 mai 2019, selon le Centre Sécurité Requin. Un surfeur a été tué par un requin bouledogue, sur le spot de La Gauche Saint Leu (centre ouest). "J’ai envie de dire que la crise requin est derrière nous, on a fait une belle avancée avec ces dispositifs anti requins. On surfe tout le temps, on s’entraîne tout le temps mais on sait que le risque est toujours là", prévient Lemoigne, très affectée par cette crise.

"J'ai perdu des amis, on a été privé aussi de notre île à ne pas surfer. J'ai souvent entendu que c'était de notre faute, nous les surfeurs, si on se faisait croquer par les requins. Sachant que t’as perdu des amis, que tu vois des copains à toi venir sans jambe, sans bras, tu ne peux pas entendre ce genre de choses, donc ça a été dur", confie-t-elle.

La championne se prépare pour sa première compétition de l'année, les Championnats d'Europe, qui, elle espère, se tiendront en août à Newquay (Angleterre). En attendant, elle prend soin de son île, en menant des missions de sensibilisation au développement durable.

Lire aussi : Alice Lemoigne : "maman, je serai championne du monde un jour"

www.ipreunion.com avec l'AFP

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