[VIDÉO] Patrimoine

Ilet à Guillaume : l'étude archéologique se poursuit dans l'ancien pénitencier pour enfants

  • Publié le 27 janvier 2021 à 13:50
  • Actualisé le 27 janvier 2021 à 16:37

Le Département de La Réunion a lancé, en octobre 2020, une étude archéologique et historique en vue de mettre en valeur l'ancien pénitencier pour enfants de l'îlet à Guillaume, inscrit au titre des monuments historiques depuis 2008. Accompagné par la Direction des affaires culturelles (Dac) de La Réunion en tant que partenaire scientifique et avec le soutien financier du FEADER, le Département a missionné l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) pour réaliser ces études. Ce programme non invasif a pour objectifs la connaissance, la préservation et la valorisation des vestiges, d'un point de vue patrimonial, culturel, éducatif et touristique. Nous publions ici le communiqué du Conseil départemental. (Photo : Département)

Un reportage de 7 minutes produit par le Département de La Réunion et l’Inrap est diffusé sur le site de l’Inrap depuis le 26 janvier 2021 et sur le site du Département.

- L’enfance coupable et ses bagnes -

Les " bagnes d’enfants " sont un épisode sombre et méconnu de l’histoire de  l’incarcération en France. Le plus célèbre est la colonie pénitentiaire publique à  vocation maritime et agricole de Belle-Île-en-Mer, créée en 1880. Bien d’autres  virent aussi le jour, notamment Aniane (Hérault) en 1886, qui, sous un régime  disciplinaire extrêmement strict, perdura jusqu’en 1937.

La loi du 5 août 1850 portant sur l’éducation des détenus mineurs constitue le texte  fondateur des colonies pénitentiaires agricoles, loi qui précise que ceux-ci sont  " élevés en commun, sous une discipline sévère, et appliqués aux travaux de  l’agriculture, ainsi qu’aux principales industries qui s’y rattachent ". L’îlet à Guillaume est la seule colonie pénitentiaire agricole ayant vu le jour à la  Réunion. 

- L’îlet à Guillaume, colonie pénitentiaire -

L’établissement est implanté dans un cadre naturel hors du commun, un plateau à  700 mètres d’altitude, limité par les profondes vallées des rivières de Saint-Denis et  du Bras Guillaume. Son accès, taillé dans la paroi à pic dominant la rivière de  Saint-Denis, est barré par la case du frère Alexandre, qui proposait le gite aux  visiteurs et empêchait toute tentative d’évasion. 

Fondée en 1864, la colonie pénitentiaire l’îlet à Guillaume a reçu plus de 3000 enfants. Elle est gérée par la congrégation du Saint-Esprit, communauté  missionnaire notamment développée en Afrique. Dans l’esprit de la loi et sous la  férule des spiritains, les enfants cultivent, récoltent, travaillent à la forge et à la  scierie, gèrent la basse-cour. Ils réalisent aussi nombre d’édifices et aménagements.  Les conditions de vie excessivement difficiles imposées par les pères, ne seront que  rarement dénoncées. Évoquant ces colonies pénitentiaires infantiles, Michel  Foucault écrit dans Surveiller et punir : " Il y a là du cloître, de la prison, du  collège, du régiment ". Les tensions entre le monde clérical et la Colonie – désormais laïque et républicaine – accélèrent le déclin du pénitencier. Sa fermeture,  décidée en 1871, est définitive en 1879. Temporairement colonisé par la suite, l’îlet  est abandonné, jusqu’en 1950 et les travaux de plantations de l’Office national des  forêts. Aujourd’hui, le paysage rend compte de ces différentes périodes  d’aménagement.

- Vers l’interprétation des ruines -

L’histoire du site a fait l’objet de plusieurs publications. Les archives n’avaient  toutefois pas été exhaustivement dépouillées et, hormis un plan levé en 1999,  aucune étude archéologique des ruines du pénitencier n’avait été entreprise.  Le Département et le service de l’archéologie de La Réunion ont réalisé la  cartographie des 5 hectares du plateau via un Lidar. Cette télédétection par laser,  très adaptée à ce milieu, fournit une image 3D, qui reflète très précisément les  reliefs. Une équipe de l’ONF a dégagé la totalité des murs, rendant visibles leurs arases et parements. Parallèlement, l’étude des vestiges a été confrontée aux  sources historiques et au dépouillement des archives. 

L’étude des ruines s’est attachée à comprendre l’organisation du site et restituer les techniques de construction. Elle a mis en place une chronologie relative des  édifices et défini certaines fonctions et activités à des secteurs : habitat, ateliers,  lieux de culte, espaces de mise en culture. La circulation au sein du site est  précisée : à partir d’un axe central, des rampes ont été régulièrement édifiées. Elles  sont complétées par des escaliers. La découverte de nouveaux bassins et d’une  canalisation souterraine permet de comprendre la gestion de l’eau. Enfin, l’origine  des matériaux de construction est déterminée par la mise au jour d’un front de taille  d’une carrière à extrémité sud du plateau.

Deux études supplémentaires complètent ces recherches de terrain. L’ensemble des  élévations et arases a fait l’objet d’un relevé photogrammétrique. Il contribue à une  meilleure analyse du bâti et permet une restitution 3D des ruines. En outre,  l’analyse archéo-botanique retracera l’évolution de la flore depuis les premières  installations agricoles du XIXesiècle, jusqu’aux phases d’abandon et de reconquête  du site.

Cette étude sur une colonie pénitentiaire de mineurs est une première en France qui porte un regard archéologique très nouveau sur ces ruines.

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3 ans

Un article sur le même sujet dans la presse nationale hier.