[PHOTOS - VIDEO] Vétérinaire pour patients spéciaux

Francis Schneider, l'homme qui soigne crocodiles, tortues marines et wallabys

  • Publié le 20 août 2022 à 08:31
  • Actualisé le 22 août 2022 à 05:22

Depuis plus de 35 ans, Francis Schneider, vétérinaire à Saint-Pierre, vient aux chevets de ses patients, petits comme très imposants. S'il s'occupe de chiens, de chats et d'autres animaux de compagnie, le spécialiste a d'autres patients, qui lui demandent beaucoup d'attention, ceux venant des zoos, parcs et centres de soins de La Réunion. Rencontre avec ce vétérinaire hors du commun (Photo : rb/www.ipreunion.com)

Chaque mois, Francis Schneider vient voir ses patients au Centre de soins des tortues Kélonia à Saint-Leu, pour contrôler leur état de santé. Arrivé tôt le matin, il entame sa visite par les tortues de terre, dont le doyen se prénomme Harold. Cette tortue éléphantine mâle a 66 ans et est née avec une déformation du cou. "Harold en poids a perdu et arrive à 127 kilos", explique le vétérinaire.

"La question est de savoir si cela est pathologique du fait que l’on soit en hiver ou pas", ajoute-t-il. Car comme il nous l’explique, souvent, les tortues, en hiver, s’alimentent moins et donc perdent un peu de poids. Le doyen de Kélonia est très fragile. C’est pour cela que Francis le surveille sous toutes les coutures. "Il y a une quinzaine d’années, Harold a eu une pneumonie et donc comme il ne mangeait pas, il fallait le réhydrater et faire des aérosols", explique le spécialiste.

Pour reconnaître chaque tortue, ces petites dernières ont toutes, sur leur carapace, un petit signe ou une couleur distinctive. Cou, yeux, ganglions, Francis Schneider, vétérinaire chez Vetorun regarde tout. Il ajoute, "pour soigner et comprendre les tortues, le travail de fond entre les soigneurs et moi est primordial, car ce sont eux qui sont à leur contact chaque jour et peuvent me dire si la tortue a mangé ou pas et si son comportement a changé ".

- Des tortues qui reprennent vie –

Hormis les visites mensuelles chez Kélonia et la prescription d’antibiotiques ou de vermifuges, Francis Schneider soigne et surtout opère les tortues à son cabinet. "Ces interventions sont aléatoires et non programmées à l’avance" dit-il.

La dernière tortue opérée à son cabinet, a été reçue ce vendredi 19 août 2022 au matin par le vétérinaire. La jeune tortue a été récupérée suite à une pêche accidentelle, comme nombre d’entre elles ces derniers temps. En effet, comme nous l’explique le vétérinaire, les tortues se trouvent en ce moment au large de La Réunion, dans des eaux plus froides, mais dans des eaux fortement fréquentées par les navires de pêche. C’est pourquoi, souvent, elles se font piéger par les filets. Fort heureusement, comme le précise Stéphanie Ciccione, directeur de Kélonia, "nous avons de bons contacts et une coopération est mise en place avec les pêcheurs qui, dès qu’ils attrapent une tortue, la mette à bord de leur navire et nous la ramène". Le but de cette coopération étant d’ailleurs de savoir quels hameçons font le plus de dégâts et à quelle profondeur doivent-ils être mis pour éviter les tortues.

Le mardi 16 août 2022, Francis Schneider a opéré Lotus, une jeune tortue victime de cette pêche accidentelle. "On l’a opéré pour retirer son hameçon", indique-t-il. Après une après-midi et une nuit au sec dans une chambre spéciale réveil à Kélonia, la tortue a rejoint son bac rempli d’eau.

"La tortue va passer deux mois dans le centre de soins. Pendant ces deux mois elle ne mange pas et rejette énormément de plastique", explique le vétérinaire. Il ajoute, "dès lors qu’elle remange, on la met dans un bassin avec d’autres tortues ". Si tout se passe bien "que ses constantes sanguines sont bonnes et qu’elle retrouve son poids, on la relâche en mer", souligne-t-il.

Pour procéder aux opérations, Francis doit endormir le petit reptile. "Quand on fait une anesthésie gazeuse elle ne respire pas, c’est pourquoi on a des aides qui ventilent manuellement", souligne le vétérinaire. "Quand on les intube on n’est pas sûr que l’anesthésie dans les poumons serve à grand-chose", ajoute-t-il. Pourquoi ? Car les tortues, lorsqu’elles descendent sous l’eau, n’utilisent pas leurs poumons, elles se mettent en apnée. "Le sang va des organes au cœur et le cœur renvoie aux organes sans passer par les poumons", détaille le soignant.

- Une tortue en bonne santé = une tortue possiblement relâchée –

Opérée, soignée, entretenue… dès lors que la tortue se porte bien, Francis Schneider peut envisager de la relâcher en mer, avec l’accord de l’équipe de Kélonia. C’est d’ailleurs peut-être bientôt le cas pour Zimbabwe, ramenée à terre à la suite d’une pêche accidentelle.

"On a fait des prises de sang, des radios, tout était bon", explique le vétérinaire. Cette tortue, repêchée par un palangrier, avait dû être la proie d’un requin puisque, comme l’explique Stéphane Ciccione,  elle est arrivée avec une grosse lésion au niveau du plastron, certainement suite à une morsure". Une blessure qui, grâce aux soins apportés par le vétérinaire et les soigneurs, a pu être cicatrisée.

Grâce à cette bonne nouvelle, Zimbabwe pourrait prochainement retrouver l’océan.

- Un vétérinaire aux patients inédits -

Ce vétérinaire formé sur le tard vient de "la vieille école" comme il le décrit. "À l’époque on n’apprenait pas grand-chose. C’est seulement en 2007 que j’en suis arrivé à travailler à Kélonia", se souvient-il.

Hormis les tortues de Kélonia, Francis Schneider est également le vétérinaire du Zoo Parc et de Croc Parc. "S’occuper de ces animaux c’est particulier, ce sont des animaux sauvages et donc, dans leur milieu naturel ils expliquent tardivement leur mal-être", dit le vétérinaire. "Le plus difficile pour les soigneurs et le propriétaire est de se rendre compte que l’animal est malade", précise-t-il.

Après malheureusement, comme il l’explique, la connaissance de ces animaux sauvages reste approximative. "On avance par tâtonnement, on observe le traitement et s’il est efficace pour l’animal".

Mais pour lui, qu’il s’agisse d’une tortue, d’un crocodile ou d’un serpent, le plus important reste la rémission. "Si on ne respecte pas les conditions, les températures, les UV et la réhydratation, cela ne marche pas", conclut-il.

ma.m/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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