Jean-Bernard Caroupaye, président de la FNTR

"Les politiques et l'État ne jouent plus leur rôle"

  • Publié le 9 février 2013 à 11:00

Alors que le climat social est de plus en plus tendu à La Réunion, l'intersyndicale des professionnels de la route s'est à nouveau reformée, il y a quelques jours. L'objectif : préparer de nouvelles actions. Et ce, un an après leur mouvement de contestation qui avait de manière presque inévitable conduit à l'embrasement du quartier du Chaudron et de plusieurs villes de l'île. Meneur du mouvement à l'époque, Jean-Bernard Caroupaye, président de la FNTR (fédération nationale des transports routiers), refuse de prendre la tête de l'intersyndicale et réfute toute menace de blocage de routes. Concernant les violences urbaines de ce mercredi 6 février à Saint-Louis et à Saint-Denis, il estime qu'il est normal que ces jeunes, "méprisés" et "oubliés", soient révoltés. "Les politiques et l'État ne jouent plus leur rôle", déplore Jean-Bernard Caroupaye.

* Un an après les événements de février 2012, l’intersyndicale des professionnels de la route s’est reformée. Pourquoi ?

L’intersyndicale était toujours là mais pas en ordre. Si elle a décidé de se reformer, c’est parce qu’il y avait nécessité.

* L'intersyndicale avait, pourtant, éclaté. En quoi la situation sera-t-elle différente cette fois-ci?

Non, il n’y aura pas d’éclatement. Les combats de l’an dernier nous ont fait mûrir. Nous avons un autre raisonnement et une meilleure compréhension des uns et des autres. Ce qui m’a beaucoup étonné et qui me donne envie de continuer dans ce combat. Pourvu que cela dure.

* Vous vous êtes, malgré tout, accordé un délai de réflexion avant de la rejoindre…

Quand il y a eu l’éclatement, la FNTR et l’ASER se sont retrouvées seules. On nous a regardé de loin. Aujourd’hui, on nous tend la main. On ne refuse pas ce geste mais nous mettons certaines conditions comme la mise en place d’une feuille de route et d’une charte de bonne pratique.

* Serez-vous à la tête du mouvement ?

C’est une question qui revient souvent. Non, je ne serais pas à la tête de l’intersyndicale.

* Quelles sont les revendications des transporteurs ?

Nous poursuivons le combat des dettes sociales et fiscales mais aussi du prix des grilles tarifaires du CNR (conseil national routier). Beaucoup de transporteurs, dont l’entreprise est viable, ont également des difficultés pour la défiscalisation de leur camion.

* On parle de menaces de blocage…

Nous n’avons pas dit que nous allions bloquer les routes. Les gens parlent beaucoup.

* En février 2012, vous étiez le meneur du mouvement de colère des transporteurs. Le climat social étant tendu, le conflit avait dégénéré et conduit à des affrontements dans plusieurs villes de La Réunion. Un an après, la situation a-t-elle changé, selon vous ?

 Les mouvements sociaux ont permis de régler certaines choses. Si aujourd’hui, on planche sur la question du bouclier qualité prix, c’est parce que des femmes et des hommes se sont battus pour que l’État se penche sur le problème de la flambée des prix et des monopoles. Des monopoles que l’État doit casser.

* Quel regard portez-vous sur les événements de ces derniers jours, notamment à Saint-Louis et à Saint-Denis, où les jeunes se sont à nouveau exprimés dans la rue ?

Il paraît que Jean-Bernard Caroupaye aurait dit à ces jeunes de mener ces actions. S’ils l’ont fait, c’est pour montrer que quelque chose ne va pas. Ces jeunes se sentent méprisés, oubliés. Rien n’est fait pour les accompagner. Quand ils voient que les emplois verts ne sont pas budgétisés ou encore les problèmes avec les contrats aidés et qu’en parallèle, des millions sont distribués dans le portefeuille des multinationales, il est normal que ces jeunes soient révoltés.

* La situation pourrait-elle empirer ?

S’il n’y a pas de médicaments, la gangrène va continuer avant de pourrir. Quand on regarde le secteur de l’économie, quand nous avions commencé notre combat, il y a un an, le montant des dettes sociales et fiscales des entreprises s’élevait à 800 millions d’euros et il y avait 124 000 chômeurs. Aujourd’hui, le montant de ces dettes est de 1,4 milliard d’euros et La Réunion compte 150 000 chômeurs. La situation empire, les chiffres parlent d’eux même. Et après, on nous traite de patrons pyromanes. Cela va coûter cher à l’État si des solutions d’apaisement ne sont pas trouvées.

* On vous accuse de pleurer la bouche pleine…

On ne retient que le côté négatif mais pas toutes les manifestations qui ont porté leurs fruits. Nous ne sommes pas des égoïstes et nous pensons à la population. Il ne faut pas oublier que grâce aux transporteurs, la bouteille de gaz à 15 euros et le gel des prix des carburants ont pu être obtenus. Les politiques et l’État ne jouent plus leur rôle.

www.ipreunion.com

 

guest
0 Commentaires