L'accès à l'océan est toujours (presque) interdit

Crise requin : dix ans déjà et aucune solution durable en vue

  • Publié le 9 février 2021 à 03:00
  • Actualisé le 9 février 2021 à 06:41

Ce mois de février 2021 marque un triste anniversaire : celui des dix ans du début de la crise requin à La Réunion. L'année 2011 a en effet été celle de la recrudescence des attaques de squales et donc de décès liés à ces drames. Malgré toutes les tentatives pour trouver une solution, la baignade en dehors du lagon est toujours soit interdite, soit étroitement surveillée. La situation ne semble pas prête de changer (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Fût un temps où les Réunionnais pouvaient nager et surfer partout où l'océan et les vagues le permettait. Les bains de minuit étaient fréquents, à l'Hermitage comme à Etang-Salé, à Roches noires comme à Saint-Pierre. Puis la crise requin a débuté, emportant avec elle onze victimes au cours ces dix dernières années. Les habitudes de baignades et de pratiques nautiques d'antan semblent désormais très lointaines... et sans  réponses durables.

• Des premières attaques à l'interdiction de baignade

Le 19 février 2011, un touriste avait été attaqué par un squale au large de Grand Fond. Le vacancier a eu la vie sauve mais la jambe sectionnée. C'est le début de ce qu'on appelle aujourd'hui la "crise requin". Après ce drame, onze attaques et cinq décès qui vont se produit jusqu'au premier arrêté préfectoral interdisant la baignade et les activités nautiques en dehors du lagon en 2013.

Dans un premier temps, seuls la baignade, le surf et le bodyboard sont interdits dans "la bande des 300 mètres du littoral de La Réunion, hors du lagon, des zones surveillées et des espaces aménagés"à partir du 26 juillet de cette année-là.

Le 1er octobre suivant, cet arrêté est prolongé pour couvrir les mois allant du 15 février 2014 au 15 septembre 2014. L'interdiction était même étendue à toutes "les activités nautiques utilisant la force des vagues". Une troisième prolongation, avec les mêmes restrictions, a été décidée par la préfecture pour la période allant du 15 septembre 2014 au jusqu'au 15 février 2015. Et ainsi de suite, jusqu'en 2020 où une nouvelle prolongation a été prononcée jusqu'au 15 février 2021. Une nouvelle prolongation devrait sans nul doute être prononcée sous peu pour l'année à venir...

 • 24 attaques et onze décès en dix ans

Onze personnes sont décédées entre 2011 et 2019, année où la dernière attaque s'est produite à La Réunion. Chaque drame a provoqué une onde de choc, tout particulièrement lors du décès du jeune surfeur Elio en 2015. Agé de 13 ans, il faisait partie du pôle espoir de surf. Il reste à ce jour la plus jeune victime de requin depuis le début de la crise.

Le dernier décès en date remonte au 9 mai 2019 : Kim Mahbouli, un surfeur expérimenté de 28 ans a eu la jambe arrachée par un requin à Saint-Leu au niveau du spot de surf de la Tortue. Ramené au port et pris en charge par les secours, il n'a pas survécu.

La triste chronologie de ces attaques est à retrouver sur ce lien

• Défiance entre pro et anti-pêche préventive

Très rapidement après la multiplication des attaques, des surfeurs et usagers de la mer, mais aussi le maire-député de l'époque à Saint-Leu, Thierry Robert, réclament un programme de pêche préventive. Une proposition dénoncée vivement par les associations de protection animale de l'île. Dès 2013, Thierry Robert entame une pêche préventive, rapidement interdite par la préfecture. Le litige montera jusqu'au Conseil d'Etat, qui intimera à la préfecture de "prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des usagers", sans pour autant autoriser la pêche. L'arrêté municipal sera définitivement annulé par le tribunal administratif en 2015.

C'est finalement le 26 juillet 2013, lors de l'interdiction de baignade et d'activités nautiques prononcée par la préfecture, que cette dernière va lancer une campagne de prélèvement de squales durable suite à l'intervention du gouvernement.

Un dispositif "post-attaque" a par ailleurs été mis en place par la préfecture la même année, consistant à prélever un requin suite à une attaque. Il a lui aussi été décrié par les associations de protections animales, qui indiquaient la même année qu'un tel dispositif ne permettait pas de capturer le requin "coupable" de l'attaque.

La même année, le collectif Rend a nou la mer, rend a nou La Réunion s'est créé, pour exiger une solution face à la montée des attaques de squale. Mais aussi pour pouvoir de nouveau avoir accès à la mer en toute sécurité. La régulation de la population du requin-bouledogue, particulièrement agressif, faisait d'ailleurs partie de leurs revendications. Une position toujours soutenue par certains usagers de la mer.

• Pas de solution concrète

En dix ans, aucune solution concrète n'a été trouvée en dehors de la prévention du risque. Début 2013, les vigies requins ont été mises en place afin de sécuriser la pratique du surf. Des plongeurs sont à l’eau en alternance et en binôme par créneau d'une heure trente maximum, et sont équipés pour la surveillance (palmes, masques, tuba, combinaison, ceinture, gants, sifflet, arbalètes à flèches mouchetées soudées et débordoires). Ils sont accompagnés d'un zodiac

Des filets anti-requins sont aussi en place, depuis 2015 à Boucan Canot, et 2016 aux Roches Noires. Mais ces derniers ne représentent pas une garantie totale : ils doivent régulièrement être retirés lors des épisodes de houle. Ils sont aussi soumis à de nombreux endommagements, toujours à cause de la houle. Des drum-lines sont aussi présentes dans le secteur pour appâter les requins, et donc les éloigner des usagers de la mer.

Une application a été lancée en 2019 pour prévenir de la présence de requin pour compléter l'action du site info-requin.re, suite à l'action du Centre sécurité requin – anciennement CRA. Ce dernier a d'ailleurs multiplié les expérimentations ces dernières années ; sonar de détection, dispositifs de protection personnel, barrière magnétique, application, prélèvements…Les tests sont nombreux mais l'océan reste désespérément interdit.

Des solutions qui ne sont donc finalement pas pérenne. L'interdiction de baignade et d'activités nautiques est toujours d'actualité, près de huit ans plus tard. Les prélèvements de requin continuent, sans que l'efficacité de la mesure ne soit prouvée. Les discordes continuent entre associations d'usagers de la mer et militants écologistes.

Dès 2015, certains parlaient de "voir le bout du tunnel". Près de six ans plus tard, aucune certitude sur l'avenir de la crise n'existe vraiment. Dernier tentative en date : la signature en novembre 2020 d'une convention de partenariat entre par l'Etat, la Réserve marine et le CSR. Objectif : de trouver une solution sur le long terme... Une fois de plus

as / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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