[VIDÉO] Il se prépare à courir à -30 degrés

Ludovic Chorgnon et son Ironman sur le cercle polaire : "le corps humain n'a pas de limites"

  • Publié le 11 février 2022 à 02:59
  • Actualisé le 11 février 2022 à 06:46

Ludovic Chorgnon, à La Possession depuis un peu plus de six mois, s'entraîne dur comme fer pour une série de courses type "Ironman" dont il est le créateur, dans les conditions les plus extrêmes qui soient. Après avoir battu le record du monde de dénivelé positif en Ironman, il se prépare à courir, rouler et nager sur le cercle polaire, au nord de la Finlande, pour son "Iron Cold" le 25 février prochain. Une épreuve physique et mentale à laquelle il se prépare en courant dans un container frigorifique situé au Port et réglé sur -23 degrés. Sourire aux lèvres, il aborde serein et plein de joie de vivre cette expérience hors du commun qu'il voit comme un vrai dépassement de soi. (Photos rb/www.ipreunion.com)

Imaz Press : Ludovic Chorgnon, vous vous apprêtez à faire un défi un peu fou en Finlande, que vous appelez "Iron Cold". Techniquement ça consiste en quoi ?

Ludovic Chorgnon : Ça aura lieu le 25 février, sur le cercle polaire à Rovaniemi au nord de la Finlande. Ça consiste à faire un Ironman classique dont 3,8 km de natation, 180 km de vélo et 42,2 km à pied sot 226 km en tout… sauf que ce sera sur le cercle polaire donc je vais nager dans une eau à zéro degré et courir et rouler par -20 /-30, selon la chance que j'aurai !

Comment on s'entraîne à faire du sport sous la barre de -20 degrés ?

Là il fait un peu chaud à La Réunion en ce moment... c'est ça qui est amusant d'ailleurs. Il n'y a pas de préparation particulière, et j'ai une longue expérience du froid, de l'altitude et de ces environnements-là. Je m'entraîne surtout à répéter des gestes qui font que je vais être efficace dans des situations urgentes ou sensibles. Donc je m'entraîne dans des congélateurs – merci au groupe Caillé qui me met à disposition ses grands congélateurs au Port – en courant 5 à 10 km dedans. Mais ce qui compte vraiment, c'est le temps que je mets pour changer de gants, m'habiller, respirer... ces détails comptent beaucoup. C'est ça qu'il faut que je répète sans arrêt.

Et physiquement comment on gère le froid ?

Moi c'est plus ma respiration que je gère, et dans l'eau c'est encore plus important : réduire sa respiration, se calmer et prendre conscience de l'environnement dans lequel on est, et puis ça se passe bien.

A quelle intensité vous vous entraînez en ce moment ?

J'ai pas de préparation particulière parce qu'en temps normal, je fais déjà entre 3 à 12 heures de sport par jour. Ça c'est ma vie normale, ça fait partie de mon équilibre. En fait à chaque fois que je me lance un défi, je m'entraîne à minimiser le risque. Il y a un mot que j'aime beaucoup, en restant humble par rapport à ça : je me mets en mode urgentiste. Il n'y a pas le temps de laisser passer les émotions, pas le temps de faire des trucs au hasard. Un urgentiste, il fait des choses qu'il répète et qui sont devenues instinctives. Moi je me mets dans cette situation-là. Je répète les choses, pour être capable de réparer un pneu avec un doigt gelé par exemple... Donc comment prendre les bonnes décisions au bon moment le plus sereinement possible et le plus vite possible.

Il y a des risques à faire subir ça à son corps ?

Y a pas de limites sur le corps humain, c'est magnifique. C'est une ressource qu'on sous-utilise. Ça veut pas dire qu'on en fait n'importe quoi, mais il faut la préparer surtout. Le risque, il existe au quotidien... quand je sors, je peux me faire écraser ! Le risque c'est surtout que quelqu'un regarde cette interview et se dise : tiens, je vais faire pareil. Ça, ce serait risqué. Moi je fais ça depuis des dizaines d'années, j'ai déjà traversé le cercle polaire, des déserts, j'ai déjà couru à 6.000 mètres d'altitude. Je suis entraîné, préparé. J'ai pas de qualités naturelles supérieures, c'est juste que je suis préparé de longue date, on fait pas ça n'importe comment.

Qu'est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans un tel défi ?

Je m'ennuie sur du sport classique et j'ai besoin d'aller chercher mes limites et surtout comprendre mon corps, ma tête, quels pourraient être mes points faibles et mes limites pour les faire sauter. Comprendre son corps ça passe par l'alimentation, le mental, la gestion du stress, du froid, du chaud… Tout ce qui va pouvoir intervenir sur notre corps et notre tête, au lieu de le subir, autant le comprendre et à partir de là, on le gère et on ne le subit pas du tout.

En quoi on se sort de "l'ennui" avec ce défi, qu'est-ce qui change d'une course plus classique ?

Moi je viens de l'informatique à la base même si je ne suis plus informaticien, et il y a quelque chose qu'on appelle un SPOF : "single point of failure" : un seul élément défaillant peut tout mettre en vrac. Et c'est ça que j'adore, c'est me dire que si je rate un élément, je peux mettre HS mon défi. Que je fasse un marathon, une diagonale etc... je saurai toujours le temps que je vais faire, je vais pas perdre 5 heures. Y a pas de paramètres exceptionnels, même si la Diagonale des fous ça reste ma plus belle course, qu'il n'y ait pas de méprise ! Mais je n'ai plus ce que j'aime dans le sport, c’est-à-dire l'incertitude. Moi un match où je vais gagner 5-0 ça m'intéresse pas, mais un match où je peux gagner 3-2 ou perdre 3-2, là ça m'intéresse parce que je me dis qu'il va falloir que je sois bon au bon moment. Le meilleur en moi, je vais être capable de le sortir parce qu'il y a des risques d'échouer, et que je ne veux pas échouer.

Il y a une recherche de performance le jour J ?

La performance elle est d'arriver au bout mais y a pas d'objectif chronométrique. Tout d'abord parce que ça n'a jamais été fait ce sera le premier Ironman sur l'Arctique de l'histoire donc il n'y a aucune référence. Les conditions peuvent être tellement changeantes que même en étant au maximum on peut varier de plusieurs heures. Si je me prends une tempête, du brouillard, de la neige… rouler dans 30 à 40 cm de neige c'est pas pareil que sur du verglas. Donc on peut prendre 2, 3, 4 heures dans la vue, le chrono ne veut rien dire en fait, tout dépend de l'environnement.

Et les autres défis après l'Iron Cold, c'est quoi ?

J'ai trois records du monde en Ironman, mais j'ai créé une série appelée Iron Xtrem, c'est le format Ironman que j'emmène dans les environnements les plus extrêmes au monde. J'en ai déjà fait un, j'ai battu le record du monde de dénivelé positif en Ironman, il se trouvait à 7.500 mètres positifs et je l'ai passé à 10.534 mètres. Là je vais faire celui qui est le plus froid de l'histoire et le premier de l'Arctique. Ensuite je vais faire le plus chaud, l'Iron Hot dans la Vallée de la mort aux Etats-Unis où il fait entre 50 et 55 degrés en juillet. Le dernier ce sera au Népal, pour l'Iron High en novembre ou avril 2023, et je vais le faire à 5.000 mètres d'altitude. Là il fera froid, il n'y aura pas de route et je vais certainement manquer d'oxygène !

Lire aussi - Le Port : Ludovic Chorgnon, l'homme qui courait dans un container frigorifique

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires