Des clubs et propriétaires confrontés au manque de soignants

Chevaux en souffrance cherchent vétérinaires

  • Publié le 16 juillet 2022 à 12:27
  • Actualisé le 22 juillet 2022 à 06:58

Depuis des mois, si ce n'est des années, les cavaliers de l'est et du nord de La Réunion cherchent des solutions pour pallier l'absence de vétérinaire pour soigner, identifier et vacciner leurs chevaux. Cette situation, problématique pour les clubs et propriétaires, met en lumière les difficultés à recruter des jeunes vétérinaires ruraux. Une jeune vétérinaire souhaite s'installer dans ce secteur géographique, mais les contraintes financières freinent son projet. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com).

De nombreux clubs sont véritablement impactés par l’absence de vétérinaire sur leur territoire. Martine Nourry de la Ferme de Grand Étang explique, "on a plusieurs poulains non castrés et non identifiés". Même constat au Club hippique de l’Est (CHE) et au Centre équestre de la Montagne, où plus d’une cinquantaine de chevaux attendent d’être vaccinés et identifiés. Des chevaux sans vaccins, sans identification mais également sans médicaments. "De vieux chevaux n’ont pas de traitement et on a une grosse crainte quotidienne de voir notre cheval blessé ou malade", indique Zarina, cavalière.

Autre problématique due à l’absence de soins : les propriétaires doivent se rendre dans l’ouest en cas d’urgence. "J’ai eu un vieux cheval, il a fait un bouchon mais le vétérinaire de l’ouest ne se déplaçait pas, nous avons donc dû prendre le camion", explique une propriétaire.

Pour les non initiés, le bouchon œsophagien chez le cheval se définit comme une obstruction de l’œsophage due à l’accumulation d’aliments. C’est là une affection très fréquente chez le cheval, mais qui n’est pas à prendre à la légère. Pris très tôt, le propriétaire peut souvent le faire passer. Si ce n’est pas le cas, cela justifie une visite vétérinaire qui ne peut être remise au lendemain car les complications peuvent être fatales.

- Plus de quatre années sans vétérinaire -

L’absence de spécialistes s’est fait sentir à partir de 2018, suite au décès du vétérinaire équin, qui exerçait dans le nord et l’est de l’île. Une absence qui crée un véritable "désert médical vétérinaire pour les chevaux dans cette moitié de l’île", indique Patrick Nedellec, vétérinaire et élu ordinal à La Réunion pour l’Ordre des vétérinaires. "Les propriétaires et clubs sont malheureusement livrés à eux-mêmes", explique Samuel Silotia, président du Comité régional d’équitation (CRE).

La seule option trouvée donc, pour les cavaliers, est de "déplacer les chevaux nécessitant des soins dans le Sud ou l’Ouest chez les vétérinaires équins", souligne Patrick Nedellec. Il ajoute, "cela est très contraignant, pas toujours possible et ce n’est bien sûr pas une solution satisfaisante". "Pour les urgences plus graves et dans le pire des cas les euthanasies ou même les soins réguliers, cela reste très compliqué", ajoute à cela le président du CRE. Beaucoup d’équidés ont d’ailleurs fait les frais de l’absence de vétérinaire. "Je ne peux pas vous dire le chiffre exact, mais c’est déjà trop de chevaux décédés faute de soins", s’indigne Samuel Silotia.

- Un problème qui ne concerne pas seulement à La Réunion –

Le vétérinaire Patrick Nedellec explique que ce manque de vétérinaires existe "dans tous les secteurs de notre activité". Il précise, "ce problème n’est pas spécifique à La Réunion."

Une situation confirmée par la Fédération française d’équitation (FFE). "L’absence de vétérinaire équin n’est pas une situation propre uniquement à ce territoire puisque l’on note également dans certaines régions rurales en métropole", explique Sophie Loos de la fédération.

Une pénurie d’autant plus importante quand il s’agit de domaines nécessitant une formation ou des compétences particulières (médecine équine, rurale, porcine, aviaire…) et des conditions d’exercice difficiles avec des grandes distances à parcourir et une permanence et continuité des soins à assurer seul(e) 24 h/24.

Selon la Fédération et le Comité régional d’équitation, le manque de vétérinaires sur l’île serait en grande partie dû au manque de moyens financiers pour aider les jeunes vétérinaires à s’installer. Comme l’explique Patrick Nedellec, "nous essayons de mettre en place les meilleures conditions pour l’installation et le maintien dans le temps d’un vétérinaire mais on ne peut l’imposer à quiconque…"

- Le projet d'installation d'une vétérinaire économiquement freiné -

Pourtant, une jeune vétérinaire souhaiterait pouvoir s’installer et donc remédier à cette absence de vétérinaires dans le Nord et l’Est de l’île. Elle se prénomme Liu Rosier et a 24 ans. Née à Sainte-Clotilde, c’est à Valencia (Espagne) qu’elle a fait ses études pour devenir vétérinaire.

Diplômée depuis juillet 2021 et ancienne cavalière au Club hippique de Bourbon, elle aimerait revenir s’installer à La Réunion. Liu Rosier avait pu déjà travailler comme stagiaire à La Réunion au côté du Docteur Mehdi Ziane. "Il s'occupait des équidés dans cette région", explique-t-elle. Malheureusement, ce dernier est décédé en décembre 2018. " Depuis son décès, un désert médical s’est peu à peu installé", ajoute la vétérinaire.

Raison pour laquelle la jeune femme souhaite s’installer en tant que vétérinaire équin dans le Nord et l’Est. "C’est un projet important pour moi puisque cette problématique me touche professionnellement car c’est mon devoir de veiller à la protection et au bien-être des animaux, mais aussi personnellement en tant qu’ancienne cavalière réunionnaise."

Mais les contraintes financières freinent son projet. "C’est la principale contrainte du lancement de mon activité car financer la voiture, les machines, le matériel et les médicaments représente un coût total d’environ 60.000 euros", explique Liu Rosier. À cela "s’ajoute la gestion du stress au vu de la charge de travail qui peut être un facteur décourageant sachant que je serai la seule dans la région à assurer les consultations et urgences".

Toutefois, la jeune vétérinaire explique recevoir beaucoup de soutien des clubs et propriétaires qui ont lancé en sa faveur une cagnotte Leetchi, mais également de la Chambre d’agriculture, l’Ordre des vétérinaires et de la DAAF.

Face à ce cruel manque d’aide et de vétérinaires dans l’Est et le Nord, le Comité régional d’équitation a adressé plusieurs courriers aux services de l’état afin que ce problème sanitaire soit résolu rapidement. Le dernier en date, un courrier co-signé par le Conseil du cheval de La Réunion (CCR), l’Association réunionnaise de valorisation et d’élevage des équidés (ARV2e), le CRE et la Chambre d’agriculture. Le Comité demande également la mise en application du décret 2021-578 du 11 mai 2021, qui permettrait à la vétérinaire de s’installer.

Les réponses à ces demandes n'ont pas encore été apportées par l'Etat

ma.m/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Gringo
Gringo
1 an

En effet dans l'est on a l'horrible impression que les chevaux sont MALTRAITES !! mais est ce uniquement en raison de l'absence de vétérinaire ''' A creuser .... Du côté des propriétaires....

Antipode
Antipode
1 an

Cessez d'exploiter les chevaux voire pire d'en faire l'élevage et hop, il n'y aura pas à soigner les méfaits que nous leur faisons subir ;) quant à ceux qui sont encore exploités, courage !