Huit suicides dans la police et la gendarmerie en métropole

Le blues des policiers réunionnais

  • Publié le 14 novembre 2017 à 02:58
  • Actualisé le 14 novembre 2017 à 11:22

Huit membres des forces de l'ordre se suicidaient la semaine dernière. Depuis le début de l'année 2017, 46 policiers et 16 gendarmes se donnaient la mort. Politique du chiffre, mauvaises conditions de travail, violences... Dans l'île, les représentants de trois syndicats de Police listent, eux, les difficultés quotidiennes de leurs collègues. (Photo d'archives)

 

Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb demandait ce dimanche 12 novembre 2017 aux directeurs généraux de la Police nationale, de la Gendarmerie et de la Sécurité intérieure d’évaluer les mesures destinées à prévenir ces suicides. Il va aussi recevoir les syndicats afin d’évoquer cette grave question.

Gilles Clain, secrétaire national adjoint de SGP Unité Police FO, présente, lui, ses condoléances aux familles touchées par ces drames. Le syndicaliste ne s’étonne pas de ce phénomène lié à la dureté du métier. Il dénonce des conditions et des cycles de travail très durs dans le département.

"Les policiers, y compris à La Réunion, travaillent 5 week-ends sur 6. Les moyens manquent. Nous voulons travailler dans des commissariats décents", explique le représentant de SGP Unité Police FO. Il plaide pour la construction d’un nouveau commissariat au Port. Et se félicite de la pose de la première pierre de celui de Saint-André, ce lundi 13 novembre 2017.

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Dans le même temps, il réclame une simplification de la procédure pénale. Et prend pour exemple certains de ses collègues en charge d’une centaine de dossiers différents. Des dispositifs de prévention existent pour les accompagner. Notamment le service de soutien psychologique opérationnel de la Police.

"Ce service est à féliciter. Mais en cas de situation traumatisante, la hiérarchie devrait réclamer la venue d’un psychologue. On attend que ce soit le collègue qui fasse la démarche de demande d’aide. Nous avons le moral en berne", ajoute-t-il.

Un constat partagé par Jean-Pierre Lauret, secrétaire régional de l’Unsa. Il confirme la surcharge de travail et la complexité des procédures judiciaires. Certains fonctionnaires de Police ne disposeraient pas de poste de travail quotidiennement à cause de la vétusté des locaux.

"Le métier à La Réunion est peut-être moins difficile que dans certaines banlieues mais il prend un chemin qui n’est pas de bon augure. En 2017, on est facilement à 40 collègues blessés en intervention. Il y a une augmentation significative cette année. Une tendance observée depuis trois ans", glisse-t-il.

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Le syndicaliste évoque une délinquance plus affirmée avec des individus n’hésitant pas à commettre des violences sur les forces de l’ordre. De quoi évidemment influer sur le moral des troupes. Lui aussi salue le travail des psychologues  mais penche pour une amélioration du système.

"Il y a aussi une notion de vigilance sur les risques psychos-sociaux. Mais quand la psychologue est hors-département, les collègues doivent se tourner vers des centres extérieurs à la Police et ne peuvent donc évoquer leurs difficultés professionnelles", lance-t-il.

La vague de suicides observée en métropole l’interpelle bien évidemment. Il y a aussi eu des cas de ce type à La Réunion ces dernières années. Même s’il convient de rester prudent, les conditions d’exercices du métier pourraient selon lui favoriser "ce type de comportement."

Jean-Pierre Lauret critique la "politique du chiffre" autour des contraventions. Le management représente une notion fondamentale à ses yeux. "Il ne s’agit pas de jeter la pierre à la hiérarchie mais dans certaines unités, il y a des progrès sur le management à apporter", ajoute-t-il.

Des améliorations à apporter comme le préconise également Idriss Rangassamy, secrétaire départemental d’Alliance Police nationale. Il dénonce le risque lié à l’exercice du métier de policier. En témoigne l’intervention de dimanche soir au Port où un fonctionnaire recevait un galet en guise de projectile. Les forces de l’ordre se déplaçaient afin de mettre fin à un rodéo motos.

- "Point de non-retour" -

"Nous sommes arrivés à un point de non-retour avec la violence qui ne cesse d’augmenter. Les décideurs ne mettent pas les moyens matériels, les effectifs et les véhicules suffisants. Tout est fait pour mettre la pression sur nos collègues. Notamment sur les adjoints de sécurité", assure-t-il. Le représentant d’Alliance dénonce un "manque de soutien" de la hiérarchie et un "management défaillant".

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Notamment lorsque se produisent des agressions des fonctionnaires de Police. "Nous voulons travailler dans de bonnes conditions de travail. La hiérarchie ne fait pas assez remonter les informations sur nos difficultés. On en a marre d’entrendre que c’est toujours la faute de la Police en cas de problème. Il y a des limites. Nos collègues ne sont pas entendus ou soutenus. C’est normal que les collègues pètent les plombs", précise-t-il.

- Dispositifs d'accompagnement -

Comme ceux de la Police, les services de la Gendarmerie de La Réunion disposent d'un système de suivi. Depuis la fin des années 1990, des dispositifs d’accompagnement psychologique et de prévention existent. Chaque région a un psychologue proposant des consultations ouvertes à l’ensemble du personnel. En 2013 une démarche de prévention des risques psycho-sociaux (RPS) voyait le jour.

Objectif : renforcer les structures et leur coordination avec la mise en place d’un plan de prévention des RPS. Les personnels y sont sensibilisés et formés. La Réunion possède aussi son comité de pilotage de 15 à 20 membres, composé entre autres d’un psychologue clinicien, d’un assistant(e) social(e) des armées, du service de santé des armées ou de représentant du personnel civil.

ts/www.ipreunion.com

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