L'un des berceaux de peuplement de La Réunion frappé de plein fouet (actualisé)

Covid-19 : l'Inde consumée par le virus

  • Publié le 29 avril 2021 à 12:58
  • Actualisé le 29 avril 2021 à 13:02

L'Inde est actuellement en proie à une vague meurtrière de Covid-19. Le pays a en effet déclaré au moins 300.000 cas quotidiens chaque jour depuis près d'une semaine, et le nombre de décès a désormais dépassé les 200.000. Entre 2.000 et 3.000 décès sont enregistrés quotidiennement. Des chiffres officiels, qui seraient d'ailleurs bien en-deçà de la réalité. L'explosion soudaine du nombre de malades laisse place à des scènes de chaos dans les rues du pays, où les hôpitaux, submergés, ne peuvent plus accepter de nouveaux patients, et où les crématoriums ne sont plus en capacité de prendre en charge toutes les dépouilles (Photo AFP)

"On voit des gens mourir à l'entrée des hôpitaux, dans la rue, la situation est terrible" déplore un journaliste local à Imaz Press. Si près de 200.000 morts ont été comptabilisés, le bilan serait en réalité bien plus lourd. "On peut sûrement multiplier par dix ce chiffre : on ne comptabilise pas toutes les victimes qui meurent chez elles, dans la rue, dans les ambulances" regrette-t-il.

Depuis plusieurs jours, les médias du monde entier ont les yeux braqués sur ce pays au système hospitalier encore trop faible pour prendre en charge les 360.960 nouveaux cas quotidien déclarés ce 28 avril 2021. Les apports en oxygène, notamment, sont trop faibles pour répondre à la demande. "La situation est dramatique, les urgences sont saturées, et je vois des patients de plus en plus jeunes affluer" alerte Dr. Neha Bhandari, du Fortis Memorial Research Institute à New Delhi, interrogée par Imaz Press.

"Il n'y a pas assez d'oxygène, pas assez de médicaments, et des problèmes de logistiques qui s'accumulent. Aujourd'hui, j'ai traité deux patients de 14 ans par exemple, alors qu'avant tous mes patients quasiment étaient des personnes âgées. Les jeunes ont par ailleurs de plus en plus besoins d'aides respiratoires après quelques jours de symptômes, c'est inédit" s'inquiète-t-elle.

- L'oxygène manque -

L’approvisionnement en oxygène médical est critique alors que cette seconde vague frappe mortellement l'Inde. Plusieurs hôpitaux du pays ont déclaré avoir de sérieux déficits d’oxygène et les patients ont par ailleurs du mal à obtenir des lits médicaux ainsi que des médicaments essentiels. Ce mercredi, le pays a été témoin de pas moins de 360.960 cas en une seule journée, ce qui fait un total de 17.997.267 cas depuis le début de l'épidémie.

"Plus que l'oxygène disponible, c'est aussi toute la logistique demande la distribution des bombonnes qui pose problème ! Nous n'avons pas les capacités de livrer à temps toutes les zones touchées, certains meurent avant que l'oxygène n'ait été livré" s'indigne le journaliste local.

Le nombre de morts est tel que les crématoriums, mobilisés 24 heures sur 24, ne sont plus en capacités d'assumer toutes les dépouilles. Manquant de bois, certaines villes comme New Delhi, brûlent désormais les corps sur des parkings, dans les parcs ou tout simplement dans la rue. "Deux crématoriums "extérieurs" ont été créé pour pouvoir prendre en charge tous les cadavres" souffle le journaliste que nous avons contacté. Des scènes dramatiques sont filmées dans les rues du pays.

La flambée épidémique peut s'expliquer de plusieurs manières : l'apparition d'un variant indien, nommé scientifiquement "B.1.617", l'organisation de grands rallyes en lien avec des élections au début du mois d'avril, mais aussi les célébrations du Kumbh Mela, qui ont réunies des milliers de personnes sur les berges du Gange à la mi-avril, explique Dr. Neha Bhandari. Des événements propices à la propagation du virus, alors que le variant indien est largement suspecté d'être plus contagieux que la souche de base du Covid-19.

En effet, "le B.1.617 a un taux de croissance jusqu'à trois fois plus élevé que la souche basique du Covid-19" assure-t-elle. "Le taux de contamination est si élevé qu'il est fort probable que le nombre de malades soit largement sous-estimé. Il faut préciser que les laboratoires sont submergés, et que beaucoup ne se font pas tester malgré des suspicions de Covid-19" regrette-t-elle. Maharashtra, Delhi, Kerala, Karnataka, Tamil Nadu, et Andhra Pradesh restent les états les plus impactés par la pandémie aujourd'hui.

Au moins 17 pays ont connu des infections au variant dit indien. Il a été été détecté dans plus de 1.200 séquences de génome. La plupart des échantillons "viennent d'Inde, du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de Singapour", a précisé l'OMS dans son compte-rendu hebdomadaire sur la pandémie. Ces derniers jours, le variant a aussi été signalé dans plusieurs pays européens (Belgique, Suisse, Grèce, Italie).
 

- Des restrictions dans plusieurs états -

L'agglomération de la capitale a été confinée pour une semaine supplémentaire. La situation en Inde est "plus que déchirante", a jugé lundi le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus. Pour autant, les restrictions sanitaires ne semblent pas avoir particulièrement d'impact. "Le couvre-feu, ce n'est que sur le papier" regrette le journaliste. Les transports en commun restent bondés, les rues sont toujours loin d'être vides.

 

150 districts nouveaux avec un taux de plus de 15% de positivité pourraient être confinés. Un confinement avec des exemptions de services définis, a été proposé pour ces districts, leurs systèmes de santé étant déjà sous pression. C’est le ministère de la santé qui a recommandé ces mesures lors d’une réunion en haut lieu ce mardi 27 avril 202. Certains états ont décidé dès mardi soir de se reconfiner pour au moins 14 jours, à l'image de l'Etat du Karnataka dans le sud-ouest du pays.

Des mesures qui ne sont pas assez strictes pour certains. "Si le gouvernement va dans le bon sens, il faut imposer un confinement plus long et plus strict ! Les chiffres se sont envolés en à peine deux semaines, il faut absolument imposer un confinement plus strict" assure Dr. Neha Bhandari  Le gouvernement central a indiqué lundi que tous les citoyens âgés de plus de 18 ans, seront éligibles au vaccin à partir du 1er mai.


- Colère contre le gouvernement -

Le Premier ministre Narendra Modi est en première ligne des critiques face à la flambée épidémique. "Au niveau politique, tous les ministres accusent le chef du gouvernement d'être responsable de ce désastre" assure le journaliste que nous avons pu contacter. La population, elle, exprime sa colère notamment sur les réseaux sociaux.

"Modi démission", "Modi meurtrier", "pas d'oxygène, pas de vote"… Chaque jour, de nouveaux hashtag apparaissent sur les réseaux sociaux pour exprimer la colère à l'égard du Premier ministre indien. Le maintien des élections est notamment pointé du doigt par certains internautes, notamment dans le Bengal

D'autres soutiennent cependant les actions prisent dernièrement par le gouvernement. "Dans le Tamil Nadu, la situation commence à se calmer grâce aux mesures prises par le gouvernement" assure Ind Balakarthikeyan, un habitant de l'Etat. "Le couvre-feu, la fermeture des écoles et des bureaux commencent déjà à avoir un impact sur les chiffres, qui sont en baisse. Les hôpitaux ne sont pas trop surchargés. Les dirigeants ont pris les bonnes décisions" affirme-t-il à Imaz Press.

- L'aide internationale s'enclenche -

L'aide internationale s'organise par ailleurs : Singapour a expédié une cargaison de 256 cylindres d’oxygène médical pour aider l’Inde à combattre la pandémie, indique le ministère indien des affaires étrangères ce mercredi.

"L'OMS fait tout ce qu'elle peut" pour l'Inde, "en fournissant du matériel et des équipements essentiels, notamment des milliers de concentrateurs d'oxygène, des hôpitaux de campagne mobiles préfabriqués et du matériel de laboratoire", et en redéployant "plus de 2.600 personnels" en renfort, a annoncé l'OMS.

Les Etats-Unis, à la suite d'un échange téléphonique lundi entre leur président Joe Biden et le Premier ministre indien Narendra Modi, se sont engagés sur une aide d'urgence comprenant notamment des composants pour la production de vaccins, des équipements de protection, des tests à diagnostic rapide, ou encore des respirateurs. Washington étudie aussi la possibilité d'envoyer des approvisionnements en oxygène.

La France va envoyer huit unités de production d'oxygène ainsi que des containers d'oxygène et des respirateurs à l'Inde, à partir de la fin de la semaine, a annoncé lundi soir le ministère des Affaires étrangères. Les containers d'oxygène liquéfié - dont cinq seront acheminés "dans un premier temps" - permettront d'alimenter jusqu'à 10.000 patients par jour en oxygène médical, a-t-il précisé.

L'Union européenne a promis de fournir, via son Mécanisme européen de protection civile, une "assistance" à l'Inde. La chancelière allemande Angela Merkel a aussi annoncé une aide d'urgence.

- Les appels à la solidarité débutent -

"Les retours que l'on a depuis le pays sont terribles, ce qu'il se passe est extrêmement triste" souligne Jean-Luc Amaravady, président de la fédération tamoule de La Réunion. Une action pour venir en aide au pays est par ailleurs prévue dans très peu de temps, assure-t-il. "Nous ne pouvons pas vous en dire plus tout de suite : c'est une situation sérieuse qui demande beaucoup de préparation" souligne-t-il.

Dans la petite ville du Tankaria, non loin de Bharuch, une ville du Gujarat (ouest de l'Inde), dont sont issus beaucoup de musulmans de La Réunion, une collecte de dons s'est ainsi organisée pour soutenir le système hospitalier submergé par le Covid-19. Les ONG y tiennent une place précieuse dans la prise en charge des malades. La population de ce village a pu bénéficier de l'aide la diaspora vivant à au Canada et en Grande Bretagne. Une école a pu ainsi être transformée en hôpital provisoire. L'unité médicale accueille 30 lits, d'après des proches de Réunionnais sur place. Les capacités devraient atteindre les 100 lits dans les jours à venir.
 
L’établissement d’accueil dispose d’une unité de radiologie, d’un laboratoire d’analyse et est en mesure de faire les tests. Toutes les prestations sont gratuites y compris au niveau des repas servis, et le centre accueille sans distinction de race et de religion.  En cas de gravité de situation un service d’ambulance est mobilisé pour le transfert des malades dans un grand hôpital de la région.

as/vl/ redac@ipreunion.com / redac@ipreunion.com avec l'AFP

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5 Commentaires
7AC
7AC
2 ans

Merci d'avoir changé ce titre pour le peu malheureux !

Aterla
Aterla
2 ans

Et il y a encore des gens pour croire que "ce n'est pas si grave", "ce n'est qu'une grippe" et aussi: "on nous ment"...

7AC
7AC
2 ans

"Covid-19 : l'Inde consumée par le virus"Avec en illustration une image de crémation improvisée, ne trouvez vous pas le jeu de mots avec "consumée" pour le moins malvenu ' Moi si.

Romuald
Romuald
2 ans

La France consacre 11,3 % de son PIB à la santé. L'Inde 1 %.Même si, à cause de la suppression de 100 000 lits en 10 ans les services hospitaliers français fonctionnent à flux tendus et épuisent les personnels de santé, les hôpitaux existent bien. En Inde, ils sont si peu nombreux qu'on n'y peut même pas admettre les malades qui meurent à l'extérieur, dans la rue.Faut dire qu'avec ce "Modi" gouvernement... ça n'arrange pas les choses !

Mayaqui , depuis son mobile
Mayaqui , depuis son mobile
2 ans

C'est dramatique ... les chiffres réels doivent être affolants ...